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Et ne s'en inquiète. Oh! d'autres chers désirs,
Éclos avant le jour et nés des souvenirs,

Ont chanté l'espérance à son âme éveillée.
De l'oiseau familier la voix sous la feuillée,
D'elle seule entendue, a chassé sa langueur :
Pour un hôte invisible, il est fête en son cœur.

IX

SONNET.

8 septembre, cinq heures du soir.

Albaque populus!

Triste, loin de l'Amie, et quand l'été décline, Quand le jour incliné plaît à mon cœur désert, Sans un souffle de vent, sous un ciel tout couvert D'où par places la pluie échappait en bruine,

Je sortais du taillis au haut de la colline; Soudain je découvris comme un sombre concert De la nature immense avec un dur flot vert La rivière au tournant, d'ordinaire si fine;

Et tous les horizons redoublés et plus bleus Fonçaient d'un ton de deuil leur cadre sourcilleux; Les bois amoncelaient leurs cimes étagées;

Et la plaine elle-même, embrunissant ses traits,
Au lieu de l'intervalle et des longues rangées,
Serrait ses peupliers comme un bois de cyprès.

Au bord de l'Oise.

X

SONNET.

Attendre, attendre encor! voir pâlir les beaux jours
Et l'automne, en fuyant, attrister la lumière;
Des feuilles, sur mon front, voir trembler la dernière,
Et n'oser te rejoindre, ô mes chères amours!

Au lit, dans cette chambre où mes ennuis sont lourds
(Chambrette qui nous fut pourtant hospitalière),
Me bercer d'un volume écrit sous La Vallière
En ce style enchanteur des loisirs et des Cours!

Et la pluie, en lisant, que j'entends sur la cendre... Et mon double rideau qui laisse trop descendre Un matin sans sourire, insipide lueur;...

Oh! oui, c'est là ma vie, amoureuse et stagnante, Calme sous son brouillard, et si peu rayonnante: Absence de plaisir sur un fond de bonheur!

X1

SONNET.

Par un ciel étoilé, sur ce beau pont des Arts *,
Revenant tard et seul de la cité qui gronde,
J'ai mille fois songé que l'Éden en ce monde
Serait de mener là mon Ange aux doux regards;

De fuir boue et passants, les cris, le vice épars; De lui montrer le ciel, la lune éclairant l'onde, Les constellations dans leur courbe profonde Planant sur ce vain bruit des hommes et des chars.

J'ai rêvé lui donner un bouquet au passage;
A la rampe accoudé, ne voir que son image,
Ou l'asseoir sur ces bancs, d'un mol éclat blanchis,

Ce joli pont, quand on en parlait ainsi, n'était pas encore tombé en roture et en délabrement.

Et, quand son âme est pleine et sa voix oppressée,
L'entendre désirer de gagner le logis,
Suspendant à mon bras sa marche un peu lassée.

XII

SONNET.

Moi qui rêvais la vie en une verte enceinte,
Des loisirs de pasteur, et sous les bois sacrés
Des vers heureux de naître et longtemps murmurės;
Moi dont les chastes nuits, avant la lampe éteinte,

Ourdiraient des tissus où l'âme serait peinte,,
Ou dont les jeux errants, par la lune éclairés,
S'en iraient faire un charme avec les fleurs des prés*;
Moi dont le cœur surtout garde une image sainte!

Au tracas des journaux perdu, matin et soir,
Je suis à ce métier comme un Juif au comptoir,
Mais comme un Juif du moins qui garde en la demeure,

*Pieriosque dies et amantes carmina noctes. STACE.

Dans l'arrière-boutique où ne vient nul chaland, Sa Rebecca divine, un ange consolant,

Dont il rentre baiser le front dix fois par heure.

XIII

SONNET.

L'Amant antiquaire

De l'étude où je vais ne prends point jalousie;
Ne la crois pas surtout rivale de l'amour.
J'entre en ces parchemins et j'épelle alentour,
Cherchant l'esprit des morts sous la page moisie..

Pétrarque, notre maître à tous en poésie,
Cher aux dévots amants dont il conduit la Cour,
Ne faisait, Laure à part, qu'assembler, rendre au jour
Mainte docte relique, à propos ressaisie.

Il portait, sais-tu bien! dans son secret réduit,
Non
pas l'habit de pourpre, où, de loin, il nous luit
Depuis qu'au Capitole il reçut sa couronne,

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