XXIII SONNET. Suis-je bien le même être qui fut heureux un jour ? Insensé, qu'ai-je fait? Voyant le mal sacré Dévorer tout son cœur et me brûler comme Elle, J'ai voulu, sans atteinte à la flamme éternelle, Diminuer pourtant l'incendie effaré. J'ai voulu, sur l'autel tout de foudre éclairé, J'ai voulu, de Didon, ou de Phèdre, ou d'Hélène, Faire, ô ma Laure aimée, une plus douce Reine, Pour elle aussi plus douce, et pour le cher vainqueur, Souriant, se plaisant aux tristesses légères, Je voulais la nuance, et j'ai gâté l'ardeur! Pour mon cher Marmier * Sur l'Elster. Elle était fraîche et belle, et quoique née au bord D'une onde où volontiers les Vellédas du Nord Penchent aux saules de la rive, Elle riait souvent, et d'un ton peu rêveur, Durant mes mois d'exil, m'avait pris en faveur, Comme une sœur folâtre et vive. Et comme on nous le dit des filles de Chio, Y mêlant toutefois, fine blonde aux yeux bleus, Quand du travail du jour j'arrivais tout muet, Vite elle me lançait, comme au front un jouet, *Ce Joseph Delorme était si voué à la muse élégiaque que, lorsqu'il ne chantait pas pour lui et dès qu'il y avait trêve dans ses amours, il se mettait à chanter pour quelqu'un de ses amis et comme en son propre nom. Une tendre attaque charmante, Et, si son allemand servait mal son propos, Entre les plus beaux noms que la Muse essaya, Nous nous aimions sous le nuage. Que l'amour fût dessous, elle le sentait bien; Quand son mari partant la laissait plus d'un jour C'est-à-dire, sa sœur, elle et moi, nous causions La lune et le jardin, en tonnelle couvert, Des poètes aimés nous répétions le nom; * Il était en effet très docte commentateur et philologue. Pourtant je dus partir; et la veille j'allai, « Ah! je pars; c'est demain ! » lui dis-je; Emportez-le! » dit-elle; et, me disant cela, Ému, je m'approchai; je pus serrer la main Mais soudain retentit le marteau du dehors! -Quelqu'un! - et loin de moi s'élança son beau corps, Et son geste étouffa le charme. << Oh! tout est là, lui dis-je,... un destin tout entier! J'ai cueilli le premier baiser et le dernier, Et c'était pour prendre une larme! >> A mon cher Marmier. Je me laisse emporter à mes flammes communes. MATHURIN REGNIER. Oh! oui, comme autrefois, comme aux jours de folie, Comme aux jours si légers de Rose, hélas! vieillie, Ami, par un matin de ce Paris d'été, Sous ce soleil si chaud au cœur ressuscité, Oh! oui, vous m'avez vu suivre encore à la trace La beauté passagère, et de perfide race, Dont le premier abord me renversa soudain ; Et vous m'avez surpris rebroussant mon chemin, peur Ainsi je suis, Ami; malgré tant de retours, |