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Pour eux l'espoir, chimère aisée,
Loin encor des objets moqueurs !
Les pleurs qui ne sont que rosée,
Car un soleil est dans leurs cœurs!
Pour eux la source d'allégresse,
Source montante et qui se dresse
Comme un jet d'eau sur son gazon;
Jours pleins, nuit close et qui s'ignore,
Un gai sommeil qui sent l'aurore,
Et qui s'enfuit dans un rayon!

Hélas! devant la bergerie,
Agneaux déjà marqués du feu,
La troupe, de plaisir, s'écrie
Sans attendre la fin du jeu.
Courant à si longue haleinée
Ils n'ont pas vu la Destinée
Se tapir au ravin profond *.
Oh! dites-leur la suite amère,
Lot de tout être né de mère;
Homme, dites-leur ce qu'ils sont !

Faut-il en effet vous le dire?
Enfants, faut-il les dénombrer
Ces maux, ces vautours de délire
Que chaque cœur sait engendrer ?

* MIMNERME, Élégie :

Κῆρες δέ παρεστήκασι μέλαιναι.

Notre enfance aussitôt passée,
Au seuil l'injustice glacée
Fait révolter un jeune sang;
Refus muet, dédain suprême,

Puis l'aigreur qu'en marchant on sème,
Hélas! que peut-être on ressent!

Tel qui, l'œil tendre, avec mystère,
Rêvait, cheveux de lin épars,
Disciple troublé d'un sectaire,
Prendra les farouches regards;
Tel, dont la finesse naïve
A trop senti la bise active,
Tourne en malice à son midi;
Tel, qui dès sa première route
Hardiment ébranlait la voûte,
S'énerve et n'est plus qu'affadi.

Taisons l'Infamie abhorrée
Creusant sa livide maigreur;
Laissons la Manie à l'entrée
Du bouge où hurle la Fureur !
Cet habile, une fois sincère,
A compris vite : il se resserre,
Il se pousse au jeu du puissant.
Celui que le myrte convie
Bientôt le gâte et met sa vie
Sous quelque joug avilissant.

La dose une fois exhalée

De notre encens mystérieux,
Cette blonde nue envolée

Que dorait un rayon des cieux,
Tout pâlit; l'autel se dépare:
L'amour heureux (accord si rare!)
N'a plus son hymne et son honneur.
Printemps enfui! douleur sacrée !
Ah! cachons ma ride altérée,

Qui sourit sans grâce au bonheur !

Chacun souffre un cri lamentable
Dit partout l'homme malheureux,
L'homme de bien pour son semblable,
Et les égoïstes pour eux.
Ce fruit aride des années,

Qu'à nos seules tempes fanées

Un œil jaloux découvrirait,

Ce fond de misère et de cendre, Enfants, faut-il donc vous l'apprendre? En faut-il garder le secret?

Le bonheur s'enfuit assez vite.
Le mal assez tôt est venu;
S'il est vrai que nul ne l'évite,
Assez tôt vous l'aurez connu.
Jouez, jouez, Ames écloses,
Croyez au sourire des choses

Qu'un matin d'or vient empourprer!
Dans l'avenir à tort on creuse;
Quand la sagesse est douloureuse,
Il est plus sage d'ignorer.

Stances d'Amaury.

Et l'Univers, qui, dans son large tour,
Voit courir tant de mers et fleurir tant de terres,
Sans savoir où tomber, tombera quelque jour!
MAYNARD.

Volupté, Volupté traîtresse,
Qui toujours reviens et séduis,
Qui, sur le soir de la jeunesse,
Encore appesantis mes nuits;

Qui n'as qu'à vouloir ton esclave,
Et, comme autrefois, l'enlaçant,
Fais fuir l'étude déjà grave
Et le calme recommençant;

Désastre, amertume et ruine,
Plaie à des flancs toujours rouverts,
Si j'ai senti ton mal qui mine
Et tous les dons que tu nous perds,

Oh! du moins, Volupté fatale,
Il est en toi de grands secrets!
Car trop d'innocence s'exhale
Souvent en trop joyeux attraits;

De ton délire une âme avare
Garde à tout des voiles plus beaux;
Et, comme au printemps qui répare,
Des fleurs dérobent les tombeaux.

Chaque illusion renaît vite

Au cœur sobre et longtemps sevré; On aime, on s'enchante, on s'irrite; On renage au fleuve azuré.

Oh! du moins, Volupté pâlie,
Tu romps toute fausse lueur;
Par toi, quelle mélancolie,
Reflet plus vrai, sinon meilleur!

Comme, après ta mordante rage
Et tes vifs aiguillons passés,
Dans la langueur qui suit l'outrage
Le lendemain des sens lassés,

Oh! comme alors la vue errante
Saisit le monde en un vrai jour!

Quelle lumière indifférente
Glisse, pénètre tour à tour,

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