Et qu'il enviait un divin poëte d'avoir pu dire, parlant à sa lyre tant chérie : Des partis l'haleine glacée Ne t'inspira point tour à tour; Par ses goûts, ses études et ses amitiés, surtout à la fin, Joseph appartenait d'esprit et de cœur à cette jeune école de poésie qu'André Chénier légua au dix-neuvième siècle du pied de l'échafaud, et dont Lamartine, Alfred de Vigny, Victor Hugo, Emile Deschamps, et dix autres après eux, ont recueilli, décoré, agrandi le glorieux héritage. Quoiqu'il ne se soit jamais essayé qu'en des peintures d'analyse sentimentale et des paysages de petite dimension, Joseph a peut-être le droit d'être compté à la suite, loin, bien loin de ces noms célèbres. S'il a été sévère dans la forme, et pour ainsi dire religieux dans la facture; s'il a exprimé au vif et d'un ton franc quelques détails pittoresques ou domestiques jusqu'ici trop dédaignés; s'il a rajeuni ou refrappé quelques mots surannés ou de basse bourgeoisie exclus, on ne sait pourquoi, du langage poétique; si enfin il a constamment obéi à une inspiration naïve et s'est toujours écouté lui-même avant de chanter, on voudra bien lui pardonner peut-être l'individualité et la monotonie des conceptions, la vérité un peu crue, l'horizon un peu borné de certains tableaux; du moins son passage ici-bas dans l'obscurité et dans les pleurs n'aura pas été tout à fait perdu pour l'art : lui aussi, il aura eu sa part à la grande œuvre; lui aussi, il aura apporté sa pierre toute taillée au seuil du temple; et peut-être sur cette pierre, dans les jours à venir, on relira quelquefois son nom. Paris, février 1829. POÉSIES P Premier Amour. Un autre, plus heureux, va unir son sort à celui de mon amie. Mais, quoiqu'elle trompe ainsi mes plus chères espérances, dois-je la moins aimer? MACKENSIE, L'Homme sensible. RINTEMPS, que me veux-tu? Pourquoi ce doux sourire, Ces fleurs dans tes cheveux, et ces boutons naissants? Pourquoi dans les bosquets cette voix qui soupire, Et du soleil d'avrit ces rayons caressants? Printemps si beau, ta vue attriste ma jeunesse; Un seul être pour moi remplissait la nature; Oh! combien je l'aimais! et c'était en silence! Par instants j'espérais. Bonne autant qu'ingénue, Que de fois, étalant une robe nouvelle, Ou bien, si d'un pinceau la légère finesse Ah! qu'elle aimait encor, sur le portrait fidèle Que ses doigts blancs et longs me tenaient approché, Interroger mon goût, le front vers moi penché, Et m'entendre à loisir parler d'elle près d'elle! Un soir, je lui trouvai de moins vives couleurs; Assise, elle rêvait; sa paupière abaissée Sous ses plis transparents dérobait quelques pleurs; Son souris trahissait une triste pensée; Bientôt elle chanta; c'était un chant d'adieux. Le lendemain, un autre avait reçu sa foi. Mais que je puisse au moins me rappeler tes charmes ! Qu'en silence adorant ta mémoire si chère, |