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pour les autres les Consolations trop mystiques. Le public des deux recueils n'était pas tout à fait le même. Aujourd'hui, après plus de trente ans d'intervalle, sollicité par un bienveillant éditeur de revenir sur ces Poésies de ma jeunesse, j'ai pensé qu'on pouvait en faire deux séries distinctes: Joseph Delorme, augmenté d'une suite, forme la première; les Consolations et bien des pièces du même ton formeront la seconde.

24 octobre 1860.

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VIE

DE

JOSEPH DELORME

'AMI dont nous publions en ce moment les Œuvres nous a été enlevé bien jeune, il y a environ cinq mois. Peu d'heures avant de mourir,

il a légué à nos soins un journal où sont consignées les principales circonstances de sa vie, et quelques pièces de vers consacrées presque toutes à l'expression de douleurs individuelles. En parcourant ces pages mélancoliques, dont la plupart nous étaient inconnues (car notre pauvre ami observait même avec nous la pudeur discrète qui sied à l'infortune), en suivant avec une curiosité

mêlée d'émotion les épanchements de chaque jour dans lesquels s'en allait obscurément une sensibilité si vive et si tendre, il nous a semblé que nous devions à la mémoire de notre ami de ne pas laisser périr tout à fait ces soupirs de découragement, ces cris de détresse, qui étaient devenus des chants de poëte, ces consolations pleines de larmes, qui s'étaient passées dans la solitude, entre la Muse et lui. Et comme les poésies seules, sans l'histoire des sentiments auxquels elles se rattachent, n'eussent été qu'une énigme à demi comprise, nous avons essayé de tracer une description fidèle de cette vie tout intérieure, à laquelle nous avions assisté durant le cours d'une liaison bien chère, et dont nous-même avions surveillé les crises avec tant de sollicitude et d'angoisses. Dans ce travail délicat, le journal est resté constamment sous nos yeux, et nous n'avons fait souvent que le transcrire. A toute époque, et à la nôtre en particulier, une publication de cette nature ne s'adresse, nous le savons, qu'à une classe déterminée de lecteurs, qu'un goût invincible pour la rêverie, et d'ordinaire une conformité douloureuse d'existence, intéressent aux peines de cœur harmonieusement déplorées. Mais si ce petit nombre perdu dans la foule ne reste

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