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LETTRE IX.

AU MARECHAL DE BELLEFONDS '.

Sur sa disgrace, et la manière dont il devoit la recevoir.

maréchal de Créqui. Je prie Dieu, encore une fois, qu'il conduise toutes choses à votre sal u éternel.

J. BENIGNE, ancien év. de Condom. A Saint-Germain-en-Laye, ce 25 avril 1672.

LETTRE X.

AU MÊME.

pour l'aider à la porter avec courage.

J'ai fait de fréquentes et sérieuses réflexions sur les conduites de Dieu sur vous: elles sont profondes, et bien éloignées des pensées des hommes. J'ai fort considéré par quelles voies il vous avoit préparé de loin, et ensuite de plus près, ce qui vous est arrivé. Enfin vous voyez sa main bien marquée : que reste-t-il autre chose que d'abandonner à sa bonté et vous et votre famille ?

Je ne veux point vous représenter, monsieur, combien je sens vivement la perte que je fais en vous perdant; je ne songe qu'à vous regarder vous-même dans un état de douleur extrême, de vous être trouvé dans des conjonctures où vous avez cru ne pouvoir vous empêcher de déplaire Il le console dans sɔ disgrace, et lui donne différents avis au roi. Ce n'est pas une chose surprenante pour vous, d'être éloigné de la cour et des emplois : votre cœur ne tenoit à rien en ce monde-ci, qu'à la seule personne du roi. Je vous plains d'autant plus dans le malheur que vous avez eu de vous croire forcé de le fâcher. Que Dieu est profond et terrible dans les voies qu'il tient sur vous! Il semble qu'il ne vous retient ici, lorsque vous voulez quitter, qu'afin de vous en arracher par un coup soudain, lorsqu'il paroît que vous y êtes le mieux. Regardez, monsieur, avec les yeux de la foi, la conduite de Dieu sur vous; adorez les dispositions de la Providence divine, impénétrables au sens humain : mettez entre ses mains et votre personne et votre famille. Quiconque espère en Dieu ne sera pas confondu à jamais. Je le prie d'être votre consolation et votre conseil; je vous offrirai sans cesse à lui.

Si vous voyez quelque petit endroit que ce soit par où je puisse vous être tant soit peu utile, ne m'épargnez pas. La mère Agnès 2 me fera tenir vos lettres. J'étois à Paris, contre mon ordinaire, quand la chose arriva, et je n'arrivai ici qu'après votre départ cela me priva de la consolation de vous voir. On attend les réponses de M. le

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Je loue la résolution où vous êtes d'attendre

en patience ce que la patience disposera pour vous dégager avec vos créanciers. Vous avez pris les voies droites, malgré toute la prudence humaine qui s'y opposoit: la chose a tourné autrement; et vous voilà en état de ne pouvoir presque plus rien faire. Vous êtes donc, par nécessité, dans une aveugle dépendance des ordres de Dieu: vous ne pouvez répondre à ses desseins qu'en vous abandonnant à lui seul. Confiez-vous à lui, monsieur; et voyez que tout est à vous, pourvu que vous marchiez avec foi et avec confiance. Dieu vous fait des graces infinies, de vous donner les sentiments qu'il vous donne.

Nous parlerons à fond, M. de Troisville' et moi, sur votre sujet; et je vous ferai savoir toutes mes pensées. Tout ira bien, monsieur, car Dieu s'en mêle; et, par des coups imprévus, il veut renverser en vous tous les restes de l'esprit du

*Bernard Gigault, marquis de Bellefonds, un des meilleurs généraux de son siècle, qui signala, par une multitude de beaux exploits, ses vertus militaires. Quoique revêtu de toutes les diguités qui peuvent illustrer un grand personnage, il fut encore plus distingué par sa religion et sa haute piété, que par les char-monde, et vous arracher à vous-même. Voilà ges et les emplois qu'il remplit. Malgré son mérite, M. de Bellefonds éprouva deux disgraces, qu'il soutint aussi avec une grande France lui at ira la première. Ce maréchal, qui commandoit constance. Son zèle pour le service du roi et les intérêts de la

sous M. de Créqui, s'aperçut que les ennemis étoient dans la position la plus favorable pour les combattre avantageusement: il en donna avis à son chef, en le pressant d'ordonner l'attaque; mais M. de Créqui ne jugea pas à propos de déférer aux représentations de M. de Bellefonds. Ses instances réitérées n'ayant pas eu un meilleur succès, il crut, vu la circonstance, devoir

s'élever; au-dessus des règ es ordinaires, et en conséquence pour ne pas perdre une si belle occasion, il attaqua l'ennemi avec le corps qu'il commandoit. L'affaire s'étant ainsi engagée, le reste de l'armée fut obligé de donner; et les troupes du roi

remportèrent une victoire complète. Mais le maré hal de Créqui, piqué de la désobéissance de son inférieur, s'en plaignit en cour; et M. de Bellefonds fut exilé. Nous aurons lieu de faire connoître, dans la suite des lettres que Bossuet lui a écrites, le sujet de sa seconde disgrace.

* Prieure des carmélites de Saint-Jacques: elie étoit sœur du maréchal de Bellefonds,

votre grand ouvrage et la seule chose nécessaire. Dieu en le lisant. Il vous parlera au fond du Lisez l'Évangile, si vous me croyez ; et écontez cœur, et une lumière secrète de son Saint-Esprit · vous conduira dans toutes vos voies. Je ne cesserai de vous offrir à la divine bonté; et tout ce qui me viendra dans l'esprit pour vous, je le recueillerai avec soin pour vous. Ne m'oubliez pas devant Dieu; et marchons ensemble en foi et en confiance dans la voie de l'éternité, chacun suivant la route qui lui est ouverte.'

J'ai fait vos compliments à M. de Montausier,

Henri-Joseph de Peyre, comte de Troisville, qu'on prononce Tréville, mort à Paris le 15 août 1708,

qui les a reçus comme il devoit, et qui est fort content de savoir que vous ayez reçu sa lettre. A Saint-Germain, ce 1er juin 1672.

LETTRE XI.
AU MÊME.

Il l'entretient des graces que Dieu lui a faites, et lui montre la vanité et le péril de la gloire du monde.

au dedans, que le bruit des louanges, surtout lorsque ces louanges, ayant apparemment un sujet réel, font trouver de la vérité dans les flatteries les plus excessives. O malheur ! ô malheur ! ô malheur ! Dieu veuille préserver d'un si grand mal notre maître et nos amis ! Priez pour eux tous dans la retraite où Dieu vous a mis.

point de vous reposer sur lui de toutes choses; et je le loue de la résolution qu'il vous donne, d'attendre en patience que sa volonté se déclare. Il le fera, sans doute; il préparera secrètement toutes choses pour vous dégager. Je l'en prie de tout mon cœur ; et qu'il vous con

Considérez ceux qui périssent, considérez ceux qui restent: tout vous instruit, tout vous parle. On parleroit de vous à présent par toute la terre; peut-être en parleriez-vous vous-même Les miséricordes que Dieu vous fait sont inex- à vous-même. Qu'il vaut bien mieux écouter plicables. Il vous apprend qu'il est le souverain Dieu en silence, et s'oublier soi-même en penet le fort qui renverse tout, et le sage à qui cè-sant à lui ! Je souhaite que cet oubli aille jusqu'au dent tous les conseils: mais en même temps sa miséricorde et sa bonté se déclarent par-dessus tous ses autres ouvrages, comme disoit le Psalmiste Miserationes ejus super omnia opera ejus '. Il vous a élevé aux yeux du monde : il vous a porté par terre ; il vous soutient par les sentiments qu'il vous inspire. Un esprit de jus-duise, par les voies qu'il sait, à la sainte simtice, qui venoit de sa grace, vous avoit fait rompre avec le monde: il s'est alors contenté du sacrifice volontaire ; il n'a pas voulu l'effet par cette voie. Il falloit que votre dignité vous abattit, et qu'elle vous fit sentir que le monde est aussi amer dans ses dégoûts, qu'il est vain et trompeur dans ses présents.

Mais voyez quelles eaux de miséricorde ! Il semble que vous n'aviez pas besoin de ces amertumes pour vous dégoûter du monde, dont le goût étoit comme éteint dans votre cœur ; mais Dieu n'a pas voulu qu'il pût revivre. Il vous a arraché aux occasions qui font revenir ce goût du monde par l'endroit le plus sensible, c'est-àdire par la gloire. Quelle campagne voyons-nous? et combien est-on en danger d'être flatté, quand on a part à des choses aussi surprenantes que celles qu'on exécute? Et cependant il n'y a rien qui soit plus vain devant Dieu, ni plus criminel, que l'homme qui se glorifie de mettre les hommes sous ses pieds: il arrive souvent, dans de telles victoires, que la chute du victorieux est plus dangereuse que celle du vaincu.

plicité, qui seule est capable de lui plaire.

M. de Troisville m'a promis de venir passer ici quelques jours, avant que de vous aller voir. Vous ferez la plus grande partie de notre entretien; il sera ici plus solitaire qu'à l'Institution'. Priez pour moi, je vous en conjure, et croyez que je ne vous oublie pas.

A Saint-Germain, ce 30 juin 1672.

LETTRE XII.

A M. DIROIS, Docteur de sorbonne 2. Il lui marque les qualités que doit avoir la traduction du livre de l'Exposi'ion, qu'on vouloit faire à Rome, en italien.

Haut-Pas, ce que vous lui avez écrit touchant J'ai su, par M. le curé de Saint-Jacques-dul'impression de mon livre 3, que monseigneur le cardinal Sigismond Chigi a dessein de faire faire à Rome, et je vous suis fort obligé des soins que vous offrez pour avancer cet ouvrage. Cela sera de très grande conséquence pour les huguenots de ce pays, qui n'ont presque point d'autre ré

Dieu châtie une orgueilleuse république, qui avoit mis une partie de sa liberté dans le mépris de la religion et de l'Église. Fasse sa bonté su-ponse à la bouche, sinon que Rome est fort éloiprême que sa chute l'humilie! fasse cette même gnée des sentiments que j'expose. Ils ont une si mauvaise et si fausse idée de l'Église romaine bonté que la tête ne tourne pas à ceux dont il se sert pour la châtier! Tous les présents du monde et du Saint-Siége, qu'ils ne peuvent se persuader sont malins, et font d'autant plus de mal à quent ne peut leur être plus utile, que de leur sont malins, et font d'autant plus de mal à que la vérité y soit approuvée : rien par consél'homme, qu'ils lui donnent plus de plaisirs : mais le plus dangereux de fous, c'est la gloire ; et rien n'étourdit tant la voix de Dieu, qui parle

'Ps. CXLIV, 9.

L'institution des Pères de l'Oratoire, où M. de Troisville s'étoit retiré.

2 Il étoit alors à Rome, à la suite de M. le cardinal d'Estrées, chargé des affaires du roi eu cette cour.

3 L'Exposition de la doctrine catholique.

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faire voir qu'elle y paroît avec toutes les marques, nement; assuré non seulement de sa capacité,

de l'approbation publique.

J'accepte donc, monsieur, les soins que vous m'offrez pour cette édition, à laquelle je me promets que vous vous appliquerez d'autant plus volontiers, qu'outre l'amitié que vous m'avez toujours témoignée, vous y serez encore engagé par l'utilité de toute l'Église.

Il faut prendre garde à deux choses; la première, que la version italienne soit exacte : et pour cela il est nécessaire qu'un théologien françois s'en mêle; parcequ'il faut joindre les lumières de la science à la connoissance de la langue, pour rendre toute la force des paroles. Personne ne peut mieux faire cela que vous. M. de Blancey, à qui monseigneur le cardinal Sigismond s'est ouvert de son dessein, et à qui même ila confié une lettre du révérendissime Père maître du sacré Palais, sur le sujet de ce livre, pour me l'envoyer, m'écrit que monseigneur le cardinal d'Estrées lui a dit qu'il vouloit bien prendre la peine de revoir lui-même la traduction. Il n'est pas juste que Son Eminence ait toute cette fatigue, parmi tant d'occupations: mais j'espère qu'elle voudra bien que vous lui fassiez rapport des endroits importants; afin que cette justesse d'expression et cette solidité de jugement, qui est son véritable caractère, donne à cette version toute l'exactitude que desire l'importance de la matière. La lettre du révérendissime Père maître du sacré Palais n'est pas moins judicieuse, qu'elle est nette et précise pour l'approbation: elle porte expressément qu'il donnera toutes les facultés nécessaires pour l'impression, sans changer une seule parole dans mon Exposition. Cela est absolument nécessaire; car autrement on confirmeroit ce que disent les huguenots touchant la diversité de nos sentiments avec Rome, et l'on détruiroit tout le fruit de mon ouvrage. J'espère qu'il en fera de plus en plus de très grands, si cette édition se fait dans l'imprimerie la plus autorisée, comme, s'il se peut, dans celle de la Chambre apostolique; si elle se fait avec soin, et d'une manière qui marque qu'on affectionne l'ouvrage; enfin si elle paroît avec les approbations nécessaires, de la manière la plus authentique ; et c'est la seconde chose que j'avois à desirer..

Je vous supplie de conférer de ces choses avec M. de Blancey, avec lequel vous pourrez voir monseigneur le cardinal Sigismond, et savoir ses volontés. Je vous prie surtout de demander de ma part à monseigneur le cardinal d'Estrées, la grace qu'il veuille bien être consulté sur ce qui sera à faire pour le mieux, et de lui déclarer que je lui soumets tout avec un entier abandon

mais encore des bontés dont il m'honore. Je vous prie de m'avertir de ce qui se passera, et de croire que je conserve l'estime qui est due à votre mérite, avec la reconnoissance que je dois à votre amitié. Je suis, etc.

A Versailles, ce 8 septembre 1672.

LETTRE XIII.

AU MARECHAL de Bellefonds.

Il lui détaille les raisons qui l'ont porté à accepter l'abbaye de Saint-Lucien de Beauvais ; lui marque l'usage qu'il prétend faire de ses revenus; se justifie sur ce qu'on a blåmé dans sa conduite; lui parle de la conversion de M. de Troisville; l'entretient des heureuses dispositions de M. le Dauphin, et des dangers auxquels il est exposé, et lui témoigne combien il espère d'heureux effets de son livre de l'Exposition.

Je commencerai ma réponse par où vous avez commencé votre lettre du 28 août. Je ne m'attends à aucune conjouissance sur les fortunes du monde, de ceux à qui Dieu a ouvert les yeux pour en découvrir la vanité. L'abbaye que le roi m'a donnée me tire d'un embarras et d'un soin qui ne peut pas compatir long-temps avec les pensées que je suis obligé d'avoir. N'ayez pas peur que j'augmente mondainement ma dépense: la table ne convient ni à mon état ni à mon humeur. Mes parents ne profiteront point du bien de l'Église. Je paierai mes dettes le plus tôt que je pourrai : elles sont, pour la plupart, contractées pour des dépenses nécessaires, même dans l'ordre ecclésiastique; ce sont des bulles, des ornements, et autres choses de cette nature.

Pour ce qui est des bénéfices, assurément ils sont destinés pour ceux qui servent l'Église. Quand je n'aurai que ce qu'il faut pour soutenir mon état, je ne sais si je dois en avoir du scrupule : je ne veux pas aller au-delà; et Dieu sait que je ne songe point à m'élever. Quand j'aurai achevé mon service ici, je suis prêt à me retirer sans peine, et à travailler aussi, si Dieu m'y appelle. Quant à ce nécessaire pour soutenir son état, il est malaisé de le déterminer ici fort précisément, à cause des dépenses imprévues. Je n'ai, que je sache, aucun attachement aux richesses; et je puis peut-être me passer de beaucoup de commodités: mais je ne me sens pas encore assez habile pour trouver tout le nécessaire, si je n'avois précisément que le nécessaire; et je perdrois plus de la moitié de mon esprit, si j'étois à l'étroit dans mon domestique. L'expérience me fera connoître de quoi je me puis passer; alors

je prendrai mes résolutions; et je tâcherai de n'aller pas au jugement de Dieu avec une question problématique sur ma conscience.

Je vous serai fort obligé de m'écrire souvent de la manière que vous avez fait. Ce n'étoit pas une chose possible de me tirer d'affaire par les moyens dont vous me parlez. Je tâcherai qu'à la fin tout l'ordre de ma conduite tourne à édification pour l'Eglise. Je sais qu'on y a blâmé certaines choses, sans lesquelles je vois tous les jours que je n'aurois fait aucun bien. J'aime la régularité; mais il y a de certains états où il est fort malaisé de la garder si étroite. Si un certain fonds de bonne intention domine dans les cœurs, tôt ou tard il y paroît dans la vie; on ne peut pas tout faire d'abord. Nous avons souvent parlé de ces choses, M. de Grenoble et moi; nous sommes assez convenus des maximes. Je prie Dieu qu'il me fasse la grace d'imiter sa sainte

conduite.

1

considération sur les misères du monde, et sur ses vanités souvent repassées dans l'esprit. J'ajoutai que m'ayant communiqué son dessein, j'avois tâché de l'affermir dans de si bonnes pensées.

et

Il faut que je vous dise un mot de monseigneur le Dauphin. Je vois, ce me semble, en lui des commencements de grandes graces, une simplicité, une droiture, et un principe de bonté : parmi ses rapidités, une attention aux mystères; je ne sais quoi qui se jette au milieu des distractions, pour le rappeler à Dieu. Vous seriez ravi si je vous disois les questions qu'il me fait, le desir qu'il me fait paroître de bien servir Dieu. Mais le monde, le monde, le monde, les plaisirs, les mauvais conseils, les mauvais exemples! Sauvez-nous, Seigneur, sauvez-nous ; j'espère en votre bonté et en votre grace : vous avez bien préservé les enfants de la fournaise; mais vous envoyâtes votre ange: et moi, hélas ! qui suis-je ? Humilité, tremblement, enfonceconfiance, persément dans son néant propre, vérance, travail assidu, patience. Abandonnonsnous à Dieu sans réserve, et tâchons de vivre selon l'Évangile. Écoutons sans cesse cette parole : « Or, il n'y a qu'une chose qui soit nécessaire: » Porro unum est necessarium '.

d'un

Je me réjouis avec vous, et avec M. de Troisville, de ce que vous serez tous deux ensemble: je vous porte souvent devant Dieu tous les deux. Consolez-vous ensemble, avec l'Écriture, de toutes les misères de ce lieu d'exil. Vous ne pouvez suivre une meilleure conduite que celle de Je ne demande pas mieux que d'entretenir à M. de Grenoble : je veux bien venir en second; je veux dire pour les lumières, mais non pour fond madame de Schomberg. Tôt ou tard mon petit ouvrage 2 servira aux huguenots: la conl'affection. Le livre qu'on a écrit contre moi servira con-tradiction de deçà, et l'approbation incroyable sidérablement à notre cause. Je répondrai quel- qu'il reçoit à Rome, me font comme voir, que chose, non pour faire des contredits, mais côté, le diable qui le traverse; et de l'autre, aider nos frères à ouvrir les yeux. Hélas! Dieu qui le soutient. pour que les hommes les ont fermés! J'ai peur que l'habitude de voir des aveugles et des endurcis, ne fasse qu'on perde quelque chose de l'horreur et de la crainte d'un si grand mal. Quelles glaces et quelles ténèbres ! On n'a ni oreilles, ni yeux, ni cœur, ni esprit, ni raison pour Dieu. Sauveznous, sauvez-nous, Seigneur; car les eaux ont passé par-dessus nos têtes, et pénètrent jusqu'à nos entrailles. Je laisse aller ma main où elle

veut; et mon cœur cependant s'épanche en admirant les miséricordes que Dieu vous a faites, en des manières si différentes, à vous et à M. de Troisville.

J'interromps, pour vous prier de lui dire que j'ai fait ses remerciments au roi, qui les a bien reçus. Il me demanda s'il étoit bien affermi : je lui dis que je le voyois fort desireux de son salut, et y travailler avec soin; que les graces que Dieu lui faisoit étoient grandes. Il s'enquit qui l'avoit converti: je répliquai: Une profonde

♦ Étienne Le Camus, évêque de Grenoble en 1674, depuis cardinal, mort en 1707,

Je ne finirois pas si je ne me retenois. Je ne parle point ici ; il faut donc bien que j'écrive, et que j'écrive, et que j'écrive. Hé! ne voilà-til pas un beau style pour un si grand prédicateur? Riez de ma simplicité et de mon enfance, qui cherche encore des jeux. J'embrasse M. de Troisville. On me reproche tous les jours que je le laisse à l'abandon à ces messieurs je soutiens toujours qu'il est de mon parti, et sérieusement. Quand sa théologie sera parvenue jusqu'à examiner les questions de la grace, je lui demande une heure ou deux d'audience; et, en attendant, une grande suspension de jugement et de pensées. Priez pour mon enfant et pour moi.

A Versailles, ce 9 septembre 1672.

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LETTRE XIV.

A M. DIROIS, DOCTEUR EN SORBONNE,

Sur la traduction du livre de l'Exposition, qu'on méditoit de faire à Rome.

on leur ferme la bouche par quelque marque authentique, il y a sujet d'espérer que Dieu bénira ce petit ouvrage.

Je vous supplie donc, monsieur, de vouloir avancer ce projet. Prenez, s'il vous plaît, la peine d'en entretenir, de ma part, monseigneur le cardinal d'Estrées, et de faire mes compliments tant à monseigneur le cardinal Sigismond, à qui je

bles respects, par la lettre dont je vous ai déja parlé, qu'au Père maître du sacré Palais. Je vous demande encore la grace de jeter l'œil sur quelque traducteur habile, et d'examiner la traduction avec soin. Vous jugez bien, monsieur, que si elle n'est fidèle, et si elle ne se fait pas de la manière que marque le révérendissime Père maître du sacré Palais, Senza mutar ne pure une parola, ce sont ses termes, on dira que Rome m'aura corrigé; et au lieu de faire du bien, on nuiroit à l'ouvrage. Mais comme la chose est fort importante, je ne puis aussi la confier à une personne plus capable que vous. Si vous jugez à propos que je fasse un présent à celui qui prendra la peine de traduire, et que je fasse donner quelque chose aux imprimeurs ; vous pouvez vous assurer que tout ce que vous trouverez à propos que je fasse sera très honnêtement exécuté.

Il y a déja fort long-temps que je me suis donné l'honneur de vous écrire une grande lettre, au sujet d'une des vôtres que M. le curé de Saint-m'étois donné l'honneur de rendre mes très humJacques-du-Haut-Pas me fit voir. Vous y parliez d'un dessein qu'on avoit à Rome de faire traduire mon Exposition, et ensuite de l'y imprimer. Je reçus en même temps une lettre de M. de Blancey, qui me mandoit ce que monseigneur le cardinal Sigismond Chigi lui avoit dit sur ce sujet, qui étoit que Son Éminence vouloit bien avoir la bonté de faire travailler à cette traduction et à cette impression. Il m'envoya même une lettre du révérendissime Père maître du sacré | Palais, écrite à ce cardinal, qui contenoit une approbation très authentique de la doctrine toute saine de ce livre, dans lequel il n'y avoit pas ombre de difficulté, et offroit toutes les permissions nécessaires pour l'imprimer, sans y changer une seule parole. Voilà les propres termes de la lettre, qui est écrite d'une manière à me faire voir que ce Père est très savant, et d'un jugement très solide. Sur cela, je crus être obligé de faire un compliment à cet illustre cardinal, tant sur une lettre très obligeante pour moi, que je vis entre les mains de M. l'abbé de Dangeau, que sur la lettre du maître du sacré Palais, dont Son Éminence avoit bien voulu charger M. de Blancey pour me l'envoyer. Cette lettre, avec celle que je vous écrivois, monsieur, fut mise dans un paquet que j'adressois à M. de Blancey, que je priois aussi de faire mes compliments au révérendissime Père maître du sacré Palais. Soit que M. de Blancey soit parti de Rome, ou que le paquet ait été perdu, je n'en ai aucune ré ponse, quoique j'eusse même supplié M. l'abbé d'Estrées de vous faire prier de ma part d'ouvrir le paquet, en cas que M. de Blancey ne fût pas à Rome.

Je m'adresse donc à vous, monsieur, sur la confiance de notre amitié, pour savoir où en est cette affaire, et pour vous prier de la suivre. Elle est de conséquence, en quelque sorte, pour moi; puisqu'il me sera sans doute fort avantageux que mon livre soit approuvé à Rome, et que j'en aie cette marque publique : mais cela est beaucoup plus avantageux pour l'Église, puisque les, huguenots ont paru touchés de cette Exposition, et n'ont rien tant fait valoir entre eux que le mauvais succès qu'elle avoit à Rome. Ils ont imprimé qu'elle y étoit improuvée; et si

Voilà, monsieur, ce qui me vient dans l'esprit touchant cette affaire: vous suppléerez le reste, s'il vous plaît, et ferez en sorte que la chose s'exécute de la manière la plus honorable et la plus prompte : c'est tout dire à un homme aussi bien intentionné que vous. Il ne me reste qu'à vous assurer de l'obligation que je vous aurai de prendre ce soin, et que je suis de tout mon cœur, etc.

P. S. En la page 87 de l'Exposition, dans quelques uns des exemplaires qui ont été débités, il est resté une faute que les libraires avoient négligé de corriger, et qu'on avoit laissé passer par mégarde.

En la quatrième ligne, en remontant du bas en haut, au lieu de ces mots, Ou de faire que la vie soit conservée au fils du centurion, en disant, Ton fils est vivant; il faut mettre: Ou de faire que la vie soit conservée à un jeune homme, en disant à son père, etc. C'est ainsi qu'il avoit été corrigé mais la faute a passé dans quelques uns des exemplaires, et se trouvera apparemment dans ceux qui vous ont été envoyés, parcequ'ils sont des premiers. Je vous prie, dans la version, de faire suivre la correction.

A Versailles, ce 17 novembre 1672.

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