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» que, avec amour et fidélité. »>

il disoit qu'il ne falloit pas interrompre le sacré commerce | » velles forces pour courir dans la voie que Dieu vous marde ce saint Époux dans une retraite. Il n'improuvoit pas, à ce qu'il disoit, la conduite de tant d'habiles directeurs qui règlent jusqu'aux moindres pensées et affections dans les retraites, et veulent qu'on leur rende compte jusqu'à un iota de tout ce que l'on a fait ; mais pour lui, il ne pouvoit goûter cette pratique à l'égard des ames qui aimoient Dieu, et un peu avancées dans la vie spirituelle. Toutes les pratiques qu'il donnoit dans les retraites étoient de beaucoup prier pour l'Eglise, pour le Pape, pour le roi, pour la maison royale, pour l'Etat, pour lui, pour son diocèse, et pour les pécheurs : car son amour pour l'Eglise, pour le roi et pour la famille royale étoit bien au-delà de ce qu'on en peut penser : il n'accordoit presque jamais de prières ou de communions à cette personne qu'à cette condition.

Lorsqu'elle lui faisoit la revue de sa conscience, après qu'il avoit dit la messe à cette intention; quand eelte personne approchoit de lui, il commençoit le plus souvent à se mettre à genoux, en disant le Veni sancte avec une dévotion et une élévation d'esprit à Dieu qui étoit admirable. Cette personne le voyoit tout entier, pendant qu'elle lui parloit, si pris et si épris de Dieu, qu'elle sentoit qu'il ne lui parloit que par le mouvement de l'Esprit saint. Il prêtoit une attention si particulière à ce qu'elle lui disoit ; il répondoit avec tant de douceur et de bonté, et en même temps avec tant de zèle et d'amour pour Dieu, qu'il étoit impossible de ne pas se rendre à tout ce qu'il disoit, de ne pas concevoir un nouveau goût de la veriu, et une nouvelle haine du vice. Quand il donnoi l'absolution, il renouveloit son attention avec une dévotion surprenante, et une ferveur qui, quelquefois l'emportoit comme hors de lui-même il demeuroit assez de temps les deux mains levées, dans un silence profond; et quand il prononçoit les paroles de l'absolution, il sembloit que c'étoit Dieu mème qui parloit par sa bouche, tant il en sortoit d'onction.

Quand il arrivoit à celte personne de lui marquer son étonnement de la douceur avec laquelle il venoit de la traiter, après tant de chutes qu'elle lui avoit fait connoitre « Dieu est bon, ma Fille, disoit ce prélat; il » vous aime, il vous pardonne. Eb! [comment ne le ferois-je pas? il me souffre bien, moi qui suis son indigue >> ministre. »>

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Mais où la charité de ce saint prélat paroissoit plus ardente, c'étoit quand il arrivoit que cette personne avoit peine à lui dire des choses humiliantes: il l'encourageoit avec une douceur toute sainte, en lui disant : « Hélas! ma »Fille, que craignez-vous? Vons parlez à un père, et à » un plus grand pécheur que vous. »

Quand ce saint prélat connoissoit la bénédiction que Dieu avoit donnée à ses paroles, et les bons effets que sa douceur avoit produits, il disoit avec-humilité : « Que nous » sommes redevables à saint François de Sales, de nous » avoir appris les règles de la conduite des ames! Que la >> doctrine de ce grand saint est à révérer! Je veux toute >> ma vie me la proposer pour exemple; puisque c'est celle » que le Seigneur a enseignée lui-mème. » Il n'étoit point du tout du goût de ce prélat que l'on usât de sévérité ni de répréhension trop vive: il disoit que quand il pensoit à l'entretien du Sauveur avec la Samaritaine, et aux saintes adresses dont il se servit pour faire connoître à cette femme pécheresse ses égarements, il se confirmoit de plus en plus que la douceur ramenoit plus d'ames à Dieu, et les retiroit plus véritablement de leurs déréglements, que la sévérité, qui ne servoit ordinairement qu'à les aigrir et à les soulever contre les avis qu'on leur donnoit.

Cette charité immense, que ce saint prélat avoit pour les ames, ne se bornoit pas seulement à celles que Dieu avoit mises sous sa conduite par des voies particulières ; car quoiqu'il ne voulut pas se charger de trop de conduites, il ne refusoit pas ses avis quand il croyoit que cela étoit utile. La personne à qui ces lettres sont écrites en peut rendre, sous les yeux de Dieu, un grand témoignage; ce prélat ayant bien voulu qu'elle l'ait consulté pour nombre de personnes à qui il a bien voulu parler, dont il a même entendu les confessions en général, et à qui il a donné des temps considérables pour leur mettre l'esprit et la conscience en repos. Il donnoit autant d'application à celles qui étoient peu éclairées et d'un petit génie, qu'à celles qui l'étoient davantage. Celte personne a été témoin qu'il fut une fois trois heures de suite à faire faire une confession générale à une amie pénible à entendre, et encore plus à s'expliquer. Comme elle lui marqua son étonnement de la fatigue qu'il avoit bien voulu prendre pour cette ame, il lui dit lui-même avec plus d'étonnement : « Eh! pourquoi » suis-je fait, ma Fille? Cette ame n'a-t-elle pas été rache»tée du sang de Jésus-Christ? et n'est-elle pas l'objet de » son amour, comme celle d'une personne d'esprit et de naissance distinguée ? »

Il est arrivé plusieurs fois qu'on a fait beaucoup de peines à la personne à qui ces lettres sont écrites, et qu'on l'a même assez humiliée, en lui disant qu'elle occupoit trop ce prélat, qu'elle lui prenoit du temps qu'il auroit mieux employé. Quand elle lui faisoit connoître cela, en lui avouant qu'elle craignoit de le fatiguer et de le rebuter, il lui disoit avec une très grande bonté, et avec un zèle ar

» ma Fille; répondez à ceux qui vous parlent ainsi, qu'ils connoissent peu les devoirs de la charge pastorale; car

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» une des plus grandes obligations d'un évèque est la con» duite des ames: mais comme il ne peut pas tout faire, il est obligé de se décharger sur d'autres de ce soin : il » doit cependant s'estimer heureux, quand Dieu permet qu'il puisse trouver le temps d'en conduire quelques » unes. Je vous avoue, ma Fille, que je m'estime très » honoré de ce que Dieu m'en a confié, et de ce qu'il » daigne bénir mes travaux et mes instructions: ainsi n'é» coutez point ces gens, et croyez que rien ne me rebute; » ne vous rebuțez donc pas aussi, et laissez là ces vaius » discours. »

Enfin on peut dire que ce grand prélat é.oit véritable-dent pour la gioire de Dieu et le salut des ames : « Allez, ment, pour les ames qu'il avoit sous sa conduile, ce bon et charitable pasteur de l'Évangile; car il n'oublioit rien pour leur avancement dans la vertu. Il les cherchoit infatigablement, quand elles étoient égarées des voies où Dieu les vouloit, et des règles qu'il leur avoit prescrites; il appliquoit à leurs maux tous les remèdes que la tendresse d'un père peut prescrire, sans néanmoins que cela l'empechât d'apporter fortement les remèdes nécessaires à leurs plaies, dont il adoucissoit l'amertume par la douceur de ses paroles, et de ses insinuantes et douces manières. Enfin on peut dire, s'il est permis de parler de la sorte, qu'il avoit des inventions saintement admirables pour amener les ames au point où il vouloit; mais sans prendre jamais un ton de maître, ni des paroles dures et humiliantes. Ce saint prélat se contentoit de dire: « Est-ce aimer Dieu, » ma Fille, que d'agir comme vous faites? Il veut toute » autre chose de vous; il faut le faire; il vous l'ordonne par » ma bouche, et je vous y exhorte. Réparez donc avec courage les faux pas que vous avez faits; et reprenez de nou

Ce saint prélat regardoit la direction des amnes comme quelque chose de très considérable : mais il vouloit que tout ce qui sentoit l'amusement, ou qui pouvoit seulement y tendre, en fût banni. Il disoit qu'un directeur tenoit à chaque ame qu'il avoit sous sa conduite, la place de Dieu; qu'ainsi il falloit de part et d'autre être unis à Dieu par le

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Toute la conduite de ce grand évèque est digne d'admiration dans la direction des ames pour les faire aller à Dieu; examinant avec application et avec une sainte attention les voies de Dieu sur elles, pour les y faire marcher. Il ne pouvoit goûter que l'on conduisit les ames selon les vues, quoique bonnes, que l'on pouvoit avoir. Il a dit plusieurs fois en confidence à cette personne, qu'il souffroit une extrême peine de la violence que l'on faisoit à l'Esprit de Dieu sur la conduite des ames; qu'il n'avoit jamais été de sentiment qu'il fallût contraindre l'état de celles que l'on avoit à conduire; qu'il suffisoit de les mettre en assurance sur les voies qu'elles suivent, en les assurant qu'il n'y arien de suspect, et en leur faisant suivre l'attrait de la grace; mais qu'on ne pouvoit trop leur inspirer le saint amour, leur faire goûter Dieu et sa sainte vérité; que quand une fois le cœur étoit touché de ce bien unique et souverain, il aspiroit sans cesse à le posséder et à en e re possédé; que ce n'étoit point son sentiment qu'il fallut attendre de certains états et de certains progrès, pour parler du divin amour à une ame que Dieu attiroit à lui par cette voie; qu'il falloit, au contraire, être attentif à seconder les dessein de Dieu, en donnant toujours à cette ame une pâture propre à augmenter son amour, et avoir soin de temps en temps de rauimer cet amour; que rien ne lui sembloit plus pro- | pre à avancer la perfection d'une ame, que cette conduite qui rendoit le saint amour maître du cœur, pour y établir son pouvoir souverain, et y détruire les passions; qu'il n'étoit pas du sentiment qu'on les put bien détruire par lear contraire; que souvent cela ne servoit qu'à les aigrir et à les soulever plus fortement: mais qu'il falloit seulement, par la voie du saint amour, leur faire changer d'objets; qu'insensiblement une ame soumise et docile abandonnoit le vice pour s'attacher à la vertu ; que ce changement d'objets, sans presque lui donner de travail, rendoit son amour pour Dieu plus ferme et p us ardent. « Aimez, » disoit ce saint prélat après saint Augustia, et faites ce » que vous voudrez; parce que si vous aimez véritable» ment, vous ne ferez que ce qui sera agréable au cé'este Époux. » C'est la conduite que ce saint prélat a tenue sur les ames dont il a bien voulu se charger : il y en a plusieurs qui auroient été perdues par une conduite contraire. C'est ce qu'il a fait l'honneur de dire souvent à la personne à qui ces lettres sont écrites, qui s'est trouvée dans la situation de consulter beaucoup ce prélat pour des personnes qui l'en prioient.

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pour les reprendre, quoiqu'il ait toujours continué de les estimer, et d'avoir de la considération pour elles. Cette personne marqua plusieurs fois son etonnement à ce prélat de sa conduite; et comme elle ne put s'empêcher de lui avouer qu'elle lui paroissoit trop sévère, qu'à tout péché il y avoit miséricorde, il lui dit : « Ma Fille, il y a une grande dif» férence entre pardonner une injure qu'on doit oublier, » et entré ce qui est de direction: car la direction tour» nera en vrai amusement, dès qu'un directeur, par mol» lesse et par complaisance, pliera sous la volonté des >> ames qu'il dirige; qu'il souffrira leurs raisonnements e» leur peu de soumission, qui font que jamais elles ne peut >> vent avancer dans la perfection. C'est une vraie perte de >> temps qu'une telle direction; et je n'en veux jamais avoir » de semblables. »

Il avoit à peu près la même conduite pour les scrupules, hors qu'il portoit une grande compassion à celles qui en étoient travaillées: il mettoit tout en usage pour les guérir; et son attention et sa vigilance pour en garantir une ame étoient surprenantes : il prévoyoit jusqu'aux moindres choses qui pouvoient seulement y tendre; et, sans presque que l'on s'en aperçùt, quand on étoit soumise et decile, il déracinoit avec une sainte adresse cette imperfection si capable, à ce qu'il disoit, d'empêcher le progrès d'une ame dans la vie spirituelle. C'est ce qu'on pourra remarquer dans la suite de ces lettres: car la personne à qui elles sont écrites en auroit été accablée sans le secours de ce saint prélat: mais il les lui levoit aussitôt, et la faisoit outre-passer ses réflexions et ses retours. C'est ce que l'on verra particulièrement sur la sainte communion, où cette personne étoit fort attirée, mais d'où ses scrupules l'auroient fort éloignée : et comme il avoit connu, par une expérience constante, que ses communions avoient toujours une bonne suite, il craignoit d'affoiblir ou de diminuer l'amour divin dans son ame, en souffrant qu'elle eût le moindre scrupule; et il vouloit d'elle sur cela une entière soumission, comme sur autre chose.

La maxime de ce saint prélat étoit, en fait de tentations, et particulièrement de celles qui regardent la pureté, de ne se pas laisser inquiéter ni agiter par trop de réflexions, et de ne pas souffrir que les ames que Dieu exerçoit par ces sortes d'épreuves fissent trop de retour sur ces peines, quand particulièrement ces ames avoient toute la fidélite qu'elles devoient pour ne donner aucune prise au tentateur. Lorsqu'on lui avo't dit en peu de paroles, ou plutôt à demi mot, ses peines, ses craintes, ses doutes et ses embarras 1-dessus, c'étoit assez : Dieu lui donnoit les lumièNéanmoins il faut regarder cela comme choses propres res dont il avoit besoin dans ces sortes d'humiliations, et pour les personnes déja attirées à Dieu, et non comme il ne faisoit jamais de questions gênantes sur ce sujet ; au une conduite que ce prélat auroit tenue avec des personnes contraire, il aidot, il consoloit et encourageoit une ame dans des passions criminelles, et avec de grands attache- peinée avec une douceur et une compassion qui charmoit ments pour le monde. Car quoique sa conduite en général Il gémissoit au fond de son cœur de la torture où tant de fút très douce pour les personnes qu'il conduisoit, il vou- gens mettent les ames par trop de questions sur cet artiloit du travail, et que l'on fùt souple, comme il disoit, sous cle; il entendoit les ames timorées et à Dieu. Il n'a rien la main qui conduiso't. Il vouloit bien qu'on lui représen- tant recommandé à cette personne que cette conduite; tât ses raisons, quand ce qu'il ordonnoit paroissoit péni- parce qu'elle s'est trouvée dans la situation d'avoir à inble; mais après cela il ne souffroit plus de raisonnement, struire des personnes sur cette matière. Il disoit qu'il pouet doucement il faisoit comprendre qu'il falloit se soumet- voit arriver qu'en pensant à guérir ces sortes de peines, et tre, et ne pas se persuader qu'à force de rais ›nnements prévenir les suites qu'elles pouvoient attirer, on y faisoit on pút lui faire quitter ses sentiments, quand il les croyoit tomber les ames, en leur échauffant 1 imagination par trop utiles pour l'avancement des ames. Il étoit d'une fermeté de questions, et pour voulo'r trop approfondir; qu'il falétonnante sur ce fait, malgré sa douceur qu'il sembloit loi., quand on étoit obligé de parler de ces sortes de peines quitter dans ces occasions. La personne à qui ces lettres et de les entendre, ne tenir à la terre que du bout du pied. sont écrites, outre ce qu'elle sait par elle-même là dessus Mais il ne vouloit pas aussi que l'on fût trop craintif làsait encore ce qui est arrivé à d'autres personnes. Il y en a dessus; il vouloit au contraire que l'on gardat ce milieu eu quelques unes, quoique très parfaits d'ailleurs et très que la charité et l'amour de Dieu sit faire trouver, qui considérées de ce prélat, dont il a absolument abandonné fait dire les choses nécessaires, et taire les inutiles dans la conduite, pour avoir apporté trop de retardements à se cette matière si délicate. Ce saint prélat a dit en confidence soumettre, et trop de raisons. Quelques prières qu'on ait à cette personne, qu'il n'étudioit jamais ces matières; que pu lui faire pour ces persounes, jamais on n'a pu le fléchir | cependant Dieu lui donnoit des lumières dont il avoit be

soin dans les cas où il étoit consulté; qu'après cela il ne savoit plus rien. Cette personne a remarqué, dans les entretiens qu'elle a été obligée d'avoir avec ce prélat sur ces articles, qu'il étoit pur comme un ange.

L'humilité de ce prélat, quoique si connue, étoit encore bien au-delà de ce qu'on peut en penser. Il a fait l'honneur de dire quelquefois à cette personne, qu'il souffroit d'être obligé par sa dignité de garder une manière de supériorité pour le bien même des personnes, afin de les tenir plus dans la soumission et dans l'ordre: mais que c'étoit un pesant fardeau pour lui.

Cette personne le voyant si occupé de grandes affaires, et ne pas laisser de lui écrire beaucoup, lui disoit quelquefois qu'elle ne pouvoit comprendre comment il pouvoit faire pour trouver tout le temps dont il avoit besoin pour tant de différentes choses; et ce sa nt prélat lui répondoit | bonnement : « Tout ce que j'observe, ma Fille, est de ne » me pas laisser accabler, non par crainte d'être accablé, » mais parceque l'accablement jette dans l'agitation et la >> précipitation; ce qui ne convient point aux affaires de » Dieu. Un homme, surtout de ma médiocrité, ne pour>> roit pas sulfire à tout, s'il ne se faisoit une loi de faire » tout ce qui se présente à chaque moment avec tranquil>> lité et repos; assuré que Dieu, qui charge ses foibles » épaules de tant d'affaires, ne permettra pas qu'il ne puisse » faire tout ce qui est nécessaire et quand les affaires de » Dieu retardent les affaires de Dieu, tout ne laisse pas » d'aller bien, »

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Ainsi ce prélat ne paroissoit jamais à cette ame ni pressé, ni empressé, ni fatigué de ce qu'elle lui disoit, et du temps qu'il étoit obligé de lui donner au contraire, il la rasstiroit contre la crainte qu'elle en avoit avec une bonté et des manières aussi honnêtes, comme si el'e eût été une personne de distinction. Il vouloit qu'elle agit avec lui comme avec un père, et qu'elle lui dit simplement ses vues, même par rapport à lui; il disoit : « Il faut tout écou» ter, et retenir pour soi ce qui convient et ce qui est » hon. »

Quelquefois il ne répondoit pas d'abord aux questions que cette personne lui faisoit ; mais il lui mandoit simplement: « MagFille, Dieu ne m'a rien donné sur vos ques» tions; quand il me le donnera, je vous le donnerai ; » et souvent dès le lendemain il lui envoyoit ce qu'elle lui avoit demandé, en lui disaut : « Le céleste Epoux, ma Fille, a » pourvu à ma pauvreté, et dès cette nuit il m'a donné ce >> que vous me demandez ; je vous l'envoie comme venant » de cette divine source. » Il ne cessoit d'imprimer dans l'esprit de cette personne de recevoir ses instructions, non comme venant de lui, mais comme lui étant données d'ea haut, Il ne s'attribuoit assurément aucune chose, et son humilité là-dessus étoit excessive : c'est ce qui a fait que l'on a si peu connu son élévation dans l'oraison, dans l'amour de Dieu, dans toutes les voies les plus sublimes, et ses rares talents dans la conduite des amés, qu'il ne laissoit paroître qu'à ceux qui en avoient besoin.

S'il étoit permis à cette personne de parler de l'af faire du quiélisme, elle diroit des choses admirables sur son humilité dans tout ce qu'on a dit de lui, et dans tout ce qu'on lui a reproché si vivement; sur son zèle pour la gloire de Dieu et la saine doctrine. Car comme cette personne lui parloit souvent de cette affaire, dans la crainte que le travail que ses écrits lui pouvoient causer n'altérât sa santé, cela l'obligeoit souvent à lui dire ses sentiments sur ce qu'on lui reprochoit ; où elle apercevoit un désintéressement si grand par rapport à tout ce qui pouvoit le regarder dans cette affaire, qu'elle en étoit dans l'admiration : on pourra voir dans les lettres xv, XXIX, LXXXVIII, LXXXIX, XCII, XCIV, XCIX, CI, ce qu'il lui en a mandé quelquefois. Mais où elle a le plus connu ce parfait désintéressement, son amour pour Dieu, et son véri

table zèle pour le soutien de la vérité, c'est qu'elle sait ce qu'il a sacrifié pour cla; parceque, comme elle avoit l'honneur de connoître particulièrement les amis de ce pré'at, qu'elle honoroit beaucoup, et qu'elle avoit été à portée d'ètre souvent témoin de ses tendresses de père pour les uns, et d'une estime particulière pour les autres, elle sait que le cœur de ce prélat a été déchiré mille fois, non des reproches qu'on lui a fails, mais d'être obligé de rompre avec de si intimes amis. Cependant, malgré cette sensibilité, que la bonté de son cœur et sa sincérité lui ont pu faire souffrir, il n'a jamais hésité à soutenir les intérêts de son maître aux dépens de tout, et même de sa vie ; car il a fort bien connu que cette affaire diminuoit sa santé. C'étoit aussi de quoi l'accabler, que ses immenses travaux dans cette affaire, et les grands sacrifices qu'il fut obligé de faire. Enfin on peut dire que l'humilité de ce prélat étoit presque sans exemple, aussi bien que son zèle pour la gloire de Dieu et sa sainte vérité.

Ce saint prélat a bien voulu quelquefois, pour la consolation de cette personne, et dans des cas particuliers, lui dire quelque chose de ses dispositions, quand cette personne l'en prioit ; ce qui lui étoit toujours très utile. Un jour du Saint Sacrement, le mauvais temps ayant empèché la procession de sortir, on la fit daus l'Eglise comme elle fut assez longue, cette personne vit plusieurs fois passer le Saint-Sacrement par l'endroit où elle étoit ; et il lui sembla que le saint prélat qui le portoit étoit tout perdu en celui qu'il tenoit. Ayant eu occasion de le voir l'aprèsdiner, elle le supplia, si ce n'étoit point lui trop demander, de lui dire où il étoit pendant qu'il tenoit le saint Epoux dans ses mains. Il lui avoua bonnement qu'il avoit encore plus por é le saint Époux dans son cœur que dans ses mains; que la il lui avoit dit tout ce qu'un amour tendre et respectueux peut dire; et qu'il avoit été si occupé de cette jouissance, qu'il n'avoit pas pensé s'il marchoit ou non. Il lui dit cela d'une manière si naturelle et tout ensemble si élevée, que cette personne en fut toute charmée.

D'autres fois, en lui parlant d'affaires de communautés, pour lesquelles elle alloit souvent le trouver, elle le voyoit soudainement pris de Dieu d'une manière qui lui faisoit dire les choses du monde les plus intimes et les plus enlevantes; et il lui disoit avec un air de joie et de confiance: « Qu'on est heureux, ma Fille, quand on peut parler de » Dieu, de ses bontés et de son amour à des ames qui en » sont touchées! Aimez-le, ma Fille, ce bien unique et >> souverain; brûlez sans cesse pour lui d'un éternel et in› satiable amour: mais ce n'est pas assez de brûler, il faut ⚫ se laisser consumer par les flammes de l'amour divin, ⚫ comme une torche qui se consume elle-même tout en» tière aux yeux de Dieu : il en saura bien retirer à lui ja » pure flamme, quand elle semblera s'éteindre, et pousser ⚫ les derniers élans. >>

Il ne vouloit pas en général que l'on parlåt du fond đẹ ses dispositions intérieures; mais aussi il ne vouloit pas que l'on fit mystère de tout. Ce saint prélat vouloit que l'on gardât un certain milieu qui convient absolument aux voies de Dieu et à la perfection ; et quoiqu'il ne voulût pas qu'on eût trop d'attention sur son état, il disoit : « Dans les gra» ces que l'on reçoit de Dieu, c'est une fausse humilité et » une vraie ingratitude de ne les pas reconnoitre; mais » dès qu'on les reconnoît comme graces, l'humilité est contente. Autre chose seroit d'en parler par estime dé >> son état ; car on doit être fort réservé là-dessus, en s'ou> bliant soi-même et se laissant tel qu'on est, quand Dieu » permet qu'on ait un directeur qui veille sur l'ame pour la garautir de toute illusion. »

Ce saint prélat avoit un amour si grand pour tout ce qui attachoit à Dieu, et particulièrement pour les vœux de la religion, qu'il ravissoit quand il en parloit à cette personne Il lui a dit plusieurs fois qu'il tâchoit de vivre comme s'i

les avoit faits; qu'il se regardoit dans sa dignité comme ne possédaut rien; que Dieu lui faisoit la grace de ne s'approprier aucune chose, et de ne se servir de ce qu'il avoit que pour sa gloire, pour l'Eglise et pour les pauvres. C'étoit par cet amour de la pauvreté qu'il avoit laissé à son ancien intendant tout le soin de ses affaires et de son revenu, et qu'il n'avoit d'argent que pour les charités qu'il faisoit : quelquefois même son intendant ne lui en donnoit pas facilement, ce qui lui causoit en un sens de la joie, le faisant entrer dans l'esprit de la sainte pauvreté. C'est ce qu'il a dit à cette personne en confidence, à l'occasion du vou qu'elle avoit fait d'être religieuse, que ses affaires l'empêchoient encore d'exécuter. Car comme ce saint prélat croyoit que son desir auroit un jour son effet, il vouloit qu'elle en pratiquât par avance tous les vœux ; et celui de la pauvreté n'étoit pas celui pour lequel elle avoit plus de gout mais ce saint prélat sut bien dans la suite lui en faire trouver; car il voalut qu'elle fit ses vœux n'étant encore que séculière, après qu'il eût connu que Dieu le demandoit d'elle. Comme cela fut fort secret, c'étoit ce prélat qui lui régloit toutes choses sur ce vou, et sur les autres qu'elle avoit faits. Il est étonnant dans quel détail il est entré par rapport à ces vœux, pour qu'elle en remplit les devoirs sans embarras et sans scrupule; ce qui est arrivé, ce prélat ayant pris soin lui-même, jusqu'à ce qu'elle fût entrée en religion, de lui régler toutes choses; et tout cela par l'amour qu'il avoit pour la pauvreté.

fois; et que, comme il se levoit aussitôt qu'il lui venoit que que pensee, cela lui donnoit occasion de parler un peu au saint Epoux. Ce saint prélat disoit que l'ame étoit bien plus disposée à écouter Dieu, et à obtenir ses graces, dans le silence de la nuit. Il en avoit donné un grand goût à cette personne, et lui avoit prescrit les mêmes pratiques, mais entre Dieu et elle; car c'étoient des choses où il vouloit du secret.

Quoique ce prélat eût, comme l'on sait, l'esprit si supérieur et si fait pour les grandes choses, il ne laissoit pas d'entrer dans beaucoup de choses qui auroient paru petites aux yeux du monde, mais qui avoient cependant leur mérite devant Dieu. Il faisoit état de tout ce qui étoit bon, de tout ce qui avoit rapport à Dieu, et ne marquoit jamais ni mépris ni peu d'estime pour ce qu'on lui proposoit, ou pour les questions qu'on lui faisoit : il vouloit qu'on lui dit tout, assurant toujours cette personne que rien ne le fatiguoit. Elle avoit la liberté de lui demander et des prières et des messes, autant qu'elle vouloit, soit pour elle, soit pour des ames qui lui étoient chères; ce que ce prélat lui accordoit avec une bonté qui a peu d'exemple.

Ce grand prélatavoit l'esprit si supérieur, comme il a déja été dit, que rien ne l'embarrassoit. Il s'étoit accoutumé à faire plusieurs choses à la fois, comme on le pourra voir dans ces lettres, qu'il a écrites à cette personne dans toutes sortes de lieux, d'affaires et d'occupations. Car soit qu'il fût à la cour, soit qu'il fût dans le travail de quelques ouvrages, mėme pressés, soit qu'il fût dans ses visites, il trouvoit toujours du temps pour écrire à cette personne et à d'autres, quand cela étoit nécessaire : il avoit même un soin très exact d'informer cette personne de ses démarches; afin que, si elle avoit nécessité de lui écrire, elle le fit; et même sou

Il n'avoit pas un moindre amour pour tout ce qui tendoit à oublier son corps, pour ne songer qu'à son ame: c'étoit par ce motif qu'il prêtoit si peu d'attention à touf ce qui pouvoit incommoder. Car quoiqu'il voulut qu'on eût un soin raisonnable de sa santé, il y avoit bien des choses, à ce qu'il disoit; où il ne falloit pas être si attentif : il pous-vent, dans les visites de son diocèse, il lui a envoyé ses réponsoit cela trop loin par rapport à lui. Cette personne lui parloit une fois de ses dispositions en un lieu assez petit, dans un temps où il faisoit grand froid : comme il y faisoit unc fumée épouvantable, parcequ'il y avoit grand feu, elle se trouva mal, et lui demanda la permission de se retirer. Ce prélat lui dit avec une espèce d'étonnement : « Qu'avez-vous donc, ma Fille?» Elle lui répondit avec le mème étonnement : « Eh! quoi, monseigneur, ne » voyez-vous pas cette horrible fumée? » « Ah ! lui dit-il, » il est vrai, il en fait beaucoup; mais je vous avoue, ma » Fille, que je ne la voyois pas, et que je la sentois en» core moins dans un sens. Dieu me fait la grace que rien >> ne m'incommode; le soleil, le vent, la pluie, tout est » bon. »>

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ses par un exprès. Enfin ce grand homme étoit au-dessus de tout travail et de toutes affaires; et il étoit toujours le même, toujours tranquille, toujours se possédant, parcequ'il possédoit toujours Dieu. Il avoit tellement Dieu on vue dans tout ce qu'il faisoit, et particulièrement dans la conduite des ames, qu'il étoit d'une continuelle attention à tout ce qui pouvoit les rendre plus agréables au saint Epoux. C'est ce qui a fait que malgré les grands desirs qu'il voyoit à la personne à qui ces lettres sont écrites, pour l'état religieux, qu'elle avoit fait vœu d'embrasser dès qu'elle le pourroit, il n'a jamais voulu qu'elle ait été religieuse que son fils ne fût en âge de prendre le maniement de ses affaires; parce que cette personne en avoit beaucoup, et qu'elle étoit tutrice de son fils.

Un jour cette même personne se promenant avec ce pré- Ce saint prélat avoit envisagé que si elle se faisoit relilat, il vint tout-à-coup une pluie terrible : il y avoit dans gieuse avant ce temps, son fils n'auroit presque rien, ses le jardin assez de monde, comme prêtres, religieux et au- affaires passant en d'autres mains: ainsi il a laissé languir tres. Tout le monde se mit à courir pour gagner la maison, celte personne pendant près de vingt années dans son deet on lui dit en passant : « Eh! quoi, monseigneur, vous sir; parce qu'il avoit connu que Dieu vouloit qu'elle fût » n'allez pas plus vite ! » Il répondit avec un air très sérieux: religieuse sans rien ôter à son fils; et il n'a permis qu'elle « Il n'est pas de la gravité d'un prélat de courir; et il l'ait été qu'à cette condition. Il disoit souvent à cette peralla toujours à petits pas. La pluie donnant cependant avec sonne que le céleste Epoux vouloit qu'elle ne lui apportat force, il s'aperçut que cette personne étoit inquiète de le pour dot que beaucoup d'humiliations ; que c'étoient-là les voir tout mouillé; mais il lui dit avec un air content: Mariches parures dont il la vouloit voir ornée : aussi eùt-il » Fille, ne vous inquiétez point : celui qui a envoyé cette » pluie saura bien me garantir de toute incommodité. » Il ne laissoit pas pendant ce temps de parler à cette personne avec autant d'attention que s'il eût été très à son aise, et il revint trouver la compagnie avec un air de joie qui étoit charmant, en disant : « Nous avons été mouillés un peu >> plus que vous; mais nous ne sommes point si las, car > nous n'avons point couru. »

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beaucoup coûté à cette personne pour jouir du bonheur qu'elle possède. *

Enfin cette personne ne finiroit jamais, si elle vouloit rapporter toutes les héroïques vertus qu'elle a vues en ce saint prélat, daus les grands entretiens qu'elle a eu l'honneur d'avoir avec lui. Elle n'entreprend pas aussi cet ouvrage, si au-dessus de la portée de son génie : elle dit seulement ce qu'elle a vu, et ce dont elle a été témoin : elle en passe néanmoins beaucoup sous silence, pour ne pas sortir des bornes d'un Avertissement. Elle demande par grace aux personnes qui verront ces lettres, de prier Dieu qu'il la console d'une si grande perte, sans qu'elle cesse néanmoins jamais de la ressentir vivement; afin de suivre

plus fidèlement tous les avis et toutes les règles que ce saint prélat lui a donnés par le mouvement de l'Esprit saint, dont il étoit toujours rempli.

celte personne, et quelquefois tant de lettres dans le même temps; parcequ'il regardoit les besoins de cette ame, et que quand il la savoit peinée et dans le trouble, il n'épargnoit ni temps ni peines pour la calmer et pour résou dre ses difficultés : quand elle étoit tranquille, il lui écrivoit moius.

Les vers qu'il a faits, en partie à la prière de cette personue, feront connoître parfaitement ses sentiments et ses saintes dispositious. On s'étonnera sans doute comment il a pu, avec ses grands ouvrages, trouver ce temps; et on Elle ne peut faire aussi, en concluant cet Avertissement, s'en étonneroit encore plus, si l'on savoit que souvent il qu'elle a remarqué en plusieurs occasions que, par une infaisoit ces vers en un moment, où il exprimoit cependant spiration qui lui a toujours paru avoir quelque chose de tout ce qu'il y a de plus gran, de plus intime et de plus surnaturel, ce prélat prévoyoit souvent ses plus grandes elevé dans l'amour de Dieu et dans la vie intérieure. Il est peines, et prévenoit ses plus grands besoins, lui ayant bien vrai que comme il étoit plein de toutes ces sublimes pen-souvent écrit des choses pour la préparer ou à des peines sées, il lui coûtoit peu de les tourner en vers. Il disoit quel-intérieures, ou à des épreuves du saint Époux ; et souvent quefois à cette personne qu'il y avoit des temps où le lan- dans le temps qu'elle lui écrivoit ses peines, elle en recegage divin sembloit augmenter l'amour pur et céleste; que voit une lettre où tons les avis et toutes les instructions dont du moins cela lui donnoit une nouvelle påture; que comme elle avoit besoin étoient expliqués. Quand il arrivoit à cette Dieu attiroit les ames à lui par diverses voies, il y en avoit persoune de lui marquer son étonnement de ce qu'il avoit à qui les divines ardeurs du divin amour ainsi expliquées ainsi connu ses dispositions, il lui disoit : « Ma Fille, je étoient quelquefois très utiles. C'est ce qui a fait que ce » ne sais comment cela s'est fait; le saint Epoux m'a mis saint prélat n'a presque jamais refusé à cette personne ce >> au cœur de vous instruire, de vous soutenir, ou de qu'elle lui demandoit, tant en vers qu'en prose; et non >> vous consoler sur cela je l'ai fait en lui obéissant; je seulement à elle, mais à toutes celles que Dieu avoit mises » n'en sais pas davantage, sinon que comme je demande sous sa conduite. >> tous les jours à Dieu les lumières qui me sont nécessai» res pour les ames dont il me charge, je m'appuie telle>>ment sur son bras tout puissant, que je n'agis que par

>> son mouvement. »>

:

Au reste, s'il paroît dans quelques lettres des choses qui ne sont pas toujours si suivies, et que ce préiat passe souil vent d'une grande spiritualité à des choses extérieures, ne faut pas s'en étonner, pour deux raisons : la première, Cette personne se croit obligée, pour un plus grand c'est que ce prélat n'écrivoit à cette personne que par le éclaircissement, d'avertir que si l'on trouve dans quelques mouvement de l'Esprit de Dieu, et ce qu'il lui donnoit dans le tres quelque chose qui arrête l'esprit sur des matières chaque moment sur ce qu'elle lui écrivoit : l'autre raison, ou obscures, ou délicates, ou intérieures, qu'on lise avec c'est que comme cette personne étoit chargée de toutes les patience les lettres qui suivent celles qui ont arrêté affaires d'une communauté où elle étoit, et que mème beau-l'esprit; on trouvera l'explication et le dénouement de coup de personnes la prioient de consulter ce prélat pour tout; ce sain prélat n'ayant rien laissé sans éclaircisseelles; quand elle lui écrivoit, elle lui parloit et de son inté-ment, lorsqu'il écrivoit ensuite à cette personne, comme rieur et de tout ce dont elle étoit chargée, sans trop d'attention à mettre les choses par ordre; parceque ce prélat ne lui avoit rien tant recommandé que de lui écrire sans façon; comme à un père en qui on a toute confiance, qu'on aime, et qu'on respecte pourtant à cause de cette qualité. Il lui avoit même ordonné de ne perdre point de papier, de lui écrire au haut des pages, et de supprimer le nom de Grandeur, qui ne convient point à un père.

S'il paroît comme de different sentiment dans différentes lettres sur le même sujet, c'est qu'il répondoit à cette personne selon les dispositions où elle étoit, et qui n'étoient pas toujours les mêmes dans les mêmes peines. C'est par la mème raison que l'on verra plusieurs lettres aussi sur les mêmes sujets; parce que de temps en temps celte personne lui demandoit de nouvelles explications, croyant toujours qu'elle ne s'étoit pas bien expliquée les autres fois, ou que ses peines présentes étoient d'une autre nature, ou qu'elle étoit dans l'illusion, ou que les graces qu'elle recevoit étoient fausses et suspectes c'est ce qui l'a tant fait écrire à ce prélat, et ce qui a fait que ce prélat lui a tant écrit. Il ne faut pas être étonné aussi si l'on voit, dans tant d'endroits de ces lettres, que ce prélat assure cette personne qu'il ne l'abandonnera pas, et qu'il prendra un soin particulier d'elle : c'est qu'une de ses grandes peines étoit la crainte que ce prélat, par ses grandes dccupations et ses grandes affaires, ne continuat pas à prendre soin de son ame; et qu'elle envisageoit, par toutes les épreuves où Dieu la faisoit passer, ce qu'elle pourroit devenir sans un tel secours et sans sa protection. Deux choses si fortes, et dont il paroissoit à cette ame que son salut dépendoit, l'inquié

toient souvent ; et ce prelat, qui ne vouloit voir en elle aucune agitation, parce qu'il disoit que cela étoit contraire à l'Esprit de Dieu,.lui donnoit toutes ces assurances de temps en temps pour son repos, et avec l'esprit de cette charité dont saint Paul veut que le cœur des pasteurs soit rempli. C'est cette même charité qui l'a tant fait écrire à

on le connoîtra aisément en lisant ces lettres avec attention.

Il ne faut pas être étonné s'il y a plusieurs lettres où le lieu et le jour du mois ne sont pas marqués à la date : quelquefois ce saint prélat l'oublioit quand il étoit pressé, ou bien souvent c'est qu'il écrivoit à cette personne quand elle étoit près de lui, faisant ses retraites, et souvent même avant ou après lui avoir parlé.

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Sur la crainte qu'elle avoit d'avoir oublié quelque chose dans sa confession générale, et la manière dont elle devoit lire les vies des saints.

Vivez en repos. ma Fille, après m'avoir exposé vos peines secrètes. Remédier à toutes en particulier, c'est une entreprise impossible. Il faut tout trancher par l'abandon envers Dieu, et l'obéissance envers ses ministres. Qui vous écoute m'écoute. Oubliez ce que vous avez oublié : soit que Dieu vous réveille et vous relève, soit qu'il vous tienne comme un animal devant lui et devant moi, dites-lui avec David: Je suis toujours avec vous 2.

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