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croirez toujours que vous ne vous êtes pas assez expliquée à moi, quoi que vous fassiez, et quoi que je puisse vous dire. Je vous renouvelle donc toutes les défenses que je vous ai faites sur ce sujet-là, sans dessein de vous obliger à péché quand vous y contreviendrez par foiblesse et par scrupule.

Vous avez parfaitement bien pris l'esprit des Sentences que je vous ai données. Mais ce que vous ajoutez sur votre mélancolie, que vous croyez incompatible avec cette joie, n'est pas véritable. Croyez-vous que le saint homme Job n'ait pas ressenti cette tristesse qui nous fait voir un Dieu armé contre nous? vous savez bien le contraire. Et Jésus-Christ n'a-t-il pas été lui-même plongé dans l'ennui et dans la tristesse jusqu'à la mort? Croyez donc que ces tristesses, quelque sombres et quelque noires qu'elles soient, et de quelque côté qu'elles viennent, peuvent faire un trait de notre ressemblance avec Jésus-Christ, et peuvent couvrir secrètement ce fond de joie qui est le fruit de la confiance et de l'amour.

Je vous reconnois toujours pour ma première Fille, et dès le temps de votre profession, et depuis mon installation à Jouarre; et cela vous est bon pour vous.

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Vous n'avez rien, ma Fille, à confesser davantage sur la matière dont vous me parlez, ni à vous inquiéter de vos confessions passées. Vous n'avez rien à dire sur cela qu'à moi, pour les raisons que vous aurez pu voir dans ma lettre de ce matin, et pour d'autres encore plus fortes, qui ne se peuvent pas écrire si aisément. Je vous entends très bien, et vous pouvez vous reposer sur ma décision.

C'est à l'heure de la mort qu'il faut le plus suivre les règles que je vous ai données; parceque c'est alors qu'il faut le plus dilater son cœur par un abandon à la bonté de Dieu. C'est alors, dis-je encore un coup, qu'il faut le plus bannir les scrupules. Mettez-vous donc en repos pour une seconde fois; ne croyez point que vous me fatiguiez jamais : toute ma peine est pour vous; et je ne veux point, si je puis, laisser prévaloir la peine; ce qui ne manque point d'arriver quand on s'accoutume à revenir aux choses déja résolues. Tenez-vous donc ferme, ma Fille, à ce que je vous décide, et ne vous laissez ébranler ni à la vie ni à la mort. Y a-t-il quelqu'un sur la terre moi ? qui doive répondre de votre ame plus que

Vous reconnoissez que je vous ai enfantée par la divine parole; vous êtes la première qui vous êtes soumise à ma conduite à l'extérieur et dans l'intérieur: que sert tout cela, si vous ne croyez pas à ma parole? Tenez-vous donc, pour la troisième fois, à ma décision.

Nous sommes affligés au dedans et au dehors par la tentation; mais nous ne sommes pas angoissés, c'est-à-dire, resserrés dans notre cœur ; mais nos entrailles sont dilatées par la confiance*. Nous sommes agités par des difficultés, où il semble que l'on ne voie aucune issue; mais nous ne sommes point abandonnés; et la main qui seule nous peut délivrer, ne nous manque pas. Nous sommes abattus jusqu'à croire, en nous consultant nous-mêmes, qu'il ne nous reste aùcune ressource; mais nous ne périssons pas, parceque celui qui a en sa main la vie et la mort, qui abat et qui redresse, est avec nous.

C'est, ma Fille, ce que je veux que vous alliez dire à Dieu, au moment que vous aurez lu cette

lettre.

A Dammartin, ce 5 novembre 1691.

LETTRE XLIV.

Sur les confessions faites à des prêtres qui n'auroient pas les cas réservés ; et sur l'abandon à la divine bonté. J'arrive en bonne santé, Dieu merci, ma Fille, et on me rend vos lettres du 7 et du s.

Il ne faut point s'embarrasser des confessions passées, pour les cas réservés. Je vous avoue qu'à la vérité je ne sais pas bien si la réserve a lieu à l'égard des religieuses; et si, en cas qu'elle ait lieu, leurs confesseurs sont censés avoir les cas réservés à leur égard. Mais quoi qu'il en soit, il est constant que la bonne foi suffit dans les uns et dans les autres, et qu'il ne faut point songer à recommencer les confessions. Depuis que le doute est levé, et qu'ainsi la bonne foi n'y pourroit pas être, je déclare que mon intention est que tous ceux qui confesseront à Jouarre puissent absoudre de tout cas ; et ainsi on est assuré et pour le passé par la bonne foi, et pour l'avenir par ma permission expresse, que j'envoie à madame la prieure.

A votre égard, je vous défends de réitérer vos confessions, sous prétexte d'omission ou d'oubli, à moins que vous ne soyez assurée, premièrement, d'avoir omis quelque péché ; et secondement, que ce péché soit mortel; ou, si c'est une circonstance, à moins qu'elle soit du nombre de celles qu'on est obligé de confesser; et je vous défends sur tout cela de vous enquérir à personne, et vous ordonne de passer outre à la commu

II. Cor. IV, 8, 9.

que Dieu leur fera sentir du fruit de la conduite épiscopale, à laquelle elles se sont soumises d'abord; et je les exhorte à y demeurer.

nion, en plein abandon et confiance; à moins | mis la dernière main à leur consécration. J'espère que par vous même vous soyez entièrement assurée de ce que je viens de vous dire. Pour le surplus, vous devez être très-assurée que je vous entends; parceque, sachant très bien tous les côtés d'où peut venir cette peine, je vois que la résolution et l'ordre que je vous donne ne peut être affoibli ou changé par quelque côté que ce soit. Tenez-vous-en donc là, et ne vous laissez point troubler par toutes ces peines. M. de SainteBeuve avoit raison, et il y a plutôt à étendre qu'à rétrécir ces défenses: car il faut établir surtout l'abandon entier à la divine bonté, qui est un moyen encore plus sûr et plus général d'obtenir la rémission des péchés, que l'absolution; puisqu'il en renferme toujours le vœu, et en contient la vertu.

Au reste, je n'oublie point de prier pour obtenir la délivrance de ce noir chagrin : mais je ne veux point que votre repos dépende de là; puisque Dieu seul et l'abandon à sa volonté en doit être l'immuable fondement. C'est l'ordre de Dieu; et ni je ne puis le changer, puisque c'est l'annexe inséparable de sa souveraineté ; ni je ne le veux, parcequ'il n'y a rien de plus aimable ni de meilleur que cet ordre, dans lequel consiste toute la subordination de la créature envers Dieu.

Vous pouvez envoyer à madame de Harlay ce qui regarde l'intention : je vous enverrai le reste quand il me sera donné. Je ne crains aucun verbiage de votre côté; et vos lettres, quelque longues qu'elles soient, ne me feront jamais la moindre peine, pourvu seulement que vous n'épargniez point le papier, et que vous vouliez prendre garde à ne point presser sur la fin des pages vos lignes et votre écriture; car au reste elle est fort aisée.

A Paris, ce 9 novembre 1691.

LETTRE XLV.

Sur un écrit pour la retraite. Il lui conseille de ne plus consulter sur ses peines.

J'ai reçu, ma Fille, votre lettre du 12. Je vous envoie l'écrit pour la retraite : vous en pouvez laisser tirer des copies, non seulement pour madame de Harlay, mais encore à nos chères Sœurs, et à ma sœur Cornuau. Vous me ferez plaisir après cela de me renvoyer l'original; parceque j'en veux envoyer autant aux Filles de SainteMarie de Meaux.

J'ai une grande consolation de ce que vous me mandez de ma sœur de La Guillaumie et de ses aussi bien que de nos dernières professes. Ce m'est en vérité une grande joie, d'avoir

Quant à ces peines dont vous me parlez, elles ne doivent non plus vous arrêter, quand elles arrivent à la communion, que dans un autre temps; autrement le tentateur gagneroit sa cause: car, comme vous le remarquez, il ne demande qu'à nous tirer des sacrements et de la société avec Jésus-Christ. Vous avez donc bien fait de passer par-dessus, et de ne vous en confesser pas. La bonne foi et l'obéissance vous mettroient absolument à couvert, quand vous vous seriez trompée. Mais loin de cela, vous avez bien fait; et plût à Dieu que vous fissiez toujours de même ! Il n'y a point eu d'irrévérence dans votre communion, ni de péché à vous être élevée par-dessus la pensée que vous faisiez mal;parceque c'est précisément ces sortes de pensées scrupuleuses et déraisonnables qu'il faut mépriser. Je ne veux point que vous vous confessiez à M. le curé, non plus qu'aux autres, de semblables peines.

Je veux bien, ma Fille, que vous m'en rendiez compte, quand vous ne pourrez pas les vaincre sans cela: mais le fond le meilleur seroit de ne plus tant consulter sur des choses dont vous avez eu la résolution ou en elles-mêmes, ou dans d'autres cas semblables. Ces consultations entretiennent ces dispositions scrupuleuses, et empêchent de parler de meilleures choses. Ne vous étonnez donc pas si je tranche dorénavant en un mot sur tout cela; car je pécherois en adhérant à ces peines.

Je ne vous ai parlé de prévenir nos chères Sœurs, que parceque la charité est prévenante. Je fais réponse à madame de Lusancy pour les affaires, et je vous prie de la bien assurer que je ne serai jamais prévenu contre elle.

Je prie Dieu, ma Fille, qu'il soit avec vous.
A Versailles, ce 14 novembre 1691.

LETTRE XLVI.

Sur un écrit qu'il avoit composé pour l'instruction de ses
Filles.

L'écrit que je vous envoie est plus long que je ne pensois; mais c'est que j'ai voulu rendre tout ce que Dieu me prêtoit. Je prévois qu'il sera assez difficile qu'on l'ait décrit assez tôt pour me donner le loisir de l'envoyer à nos Sœurs de Meaux avant la Présentation, qui, ce me semble, est le 21. Cela se pourra pourtant, si ma sœur de La Guillaumie veut bien, pour l'amour de moi, puisque je l'en prie, faire un peu de diligence pour la première copie, et pour celle de

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madame de Harlay. Quant à nos autres Filles, je laisse la distribution à votre discrétion, et pour

cause.

A Versailles, ce 15 novembre 1691.

LETTRE XLVII.

je les brûlerai à l'instant, sans les lire seulement, ce que je ne vous dis ni par lassitude, ni par dégoût de votre conduite; mais parceque je vois la conséquence de vous laisser toujours revenir à de tels embarras sous d'autres couleurs.

J'ai reçu agréablement les reproches de madame votre sœur: je n'ai pas le loisir d'y répon

Il lui ordonne de lui faire part d'une pensée qu'elle ne lui dre, et j'en suis fàché. avoit pas déclarée.

Écrivez-moi, sans hésiter, cette pensée que vous ne voulez me dire que par mon ordre. J'ai répondu à tous vos doutes. C'est pour vous plutôt que pour moi que je vous défends de répéter. Je salue madame votre sœur de tout mon cœur. Mon entretien avec madame n'a pas plus opéré que les autres mais ce n'est pas là que je mets ma confiance; et soit qu'elle retourne, soit qu'elle demeure en ce pays, j'espère établir une conduite uniforme et certaine. Dieu soit avec vous.

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A Versailles, ce 20 novembre 1691.

Quant à mon écrit, votre correction n'est pas mauvaise; mais vous avez trop deviné. La première ligne naturellement ne signifioit rien, sinon que le sens étoit complet à cet endroit; et la seconde, que c'étoit la fin de tout le discours. Le changement que vous avez fait n'altère rien dans le sens; mais je l'aime mieux comme il étoit: mon intention a été que les paroles de l'Apocalypse fussent une conclusion du tout.

Il faut bien encourager madame de Lusancy, qui agit à la vérité avec un courage qu'on ne peut assez louer. On s'élève beaucoup, et très injustement, contre elle; je n'oublierai rien pour

Je remercie aussi madame de Rodon, et je suis la soutenir. bien aise que vous en soyez contente.

LETTRE XLVIII.

Il lui défend de consulter dans ses doutes d'autres que lui ; et veut qu'elle cesse de revenir aux choses qui ont été décidées.

Vous avez très bien fait de communier sans vous confesser de ces peines. M. le curé a toujours les mêmes approbations; mais je vous ai défendu et je vous défends de vous confesser de ces peines à lui ou à d'autres, à moins que vous soyez assurée, jusqu'à en pouvoir jurer s'il étoit besoin, que vous avez consenti à un péché mortel, si c'en est un; ou si ce n'en est pas un, je ne veux point que vous consultiez sur cela d'autre que moi, ni que vous me consultiez par écrit. Tout ce que je puis faire, c'est de souffrir que vous m'en parliez de vive voix; encore ne vous le permettrai-je que par condescendance.

Je vous défends tout empressement et toute inquiétude pour cette consultation, que vous pourrez me faire à moi-même, remettant la chose à mon grand loisir. Vous voyez bien après cela, ma Fille, que me demander des règles pour distinguer le sentiment d'avec le consentement, et en revenir aux autres choses dont vous parlez dans vos lettres, c'est recommencer toutes les choses que nous avons déja traitées, et je ne le veux plus; parceque c'est trop adhérer à vos peines. Ainsi je vous déclare que voici la dernière fois que je vous ferai réponse sur ce sujet : et dès que j'en verrai le premier mot dans vos lettres,

A Paris, ce 24 novembre 1691.

LETTRE XLIX.

Il lui montre la cause de ses peines, et lui en propose les véritables remèdes.

J'ai lu, ma Fille, la petite lettre qui étoit incluse dans celle de madame de Lusancy. Offrez vos peines à Dieu, pour en obtenir la cessation ou l'adoucissement, et la conversion des pécheurs. Je vous assure qu'il n'y a point eu de péché mortel dans tout ce que vous m'avez exposé, ni aucune matière de confession : ce que vous me proposez en dernier lieu est de même nature. A quoi songezvous, ma Fille, de chercher à calmer ces peines par des résolutions à chaque difficulté ? C'est une erreur: elles croîtront à mesure qu'on s'appliquera àles résoudre; et il n'y a de remède que celui de l'obéissance et de l'abandon, qui tranche le nœud. Je vous défends encore une fois de vous tourmenter à chercher la différence du sentiment et du consentement. Tenez-vous-en à mes décisions précédentes, et surtout à celles de la dernière lettre, qui comprend tout. Je sais mieux ce qu'il vous faut que vous-même. Si vous étiez autant fidèle et obéissante qu'il faudroit, vous ne diriez jamais un mot à confesse de toutes ces peines: vous faites de grands efforts pour vaincre vos peines, et puis vous en revenez à la même chose.

Vous ne m'avez pas entendu quand je vous ai dit que le consentement à une certaine chose étoit péché mortel. Je m'expliquai après, et je vous assure qu'il n'y en a point dans ce que vous m'exposiez. Vous vous tendez des piéges à vous

œuvre.

même, et vous êtes ingénieuse à vous chercher, croire qu'on soit fatigué ou lassé de votre condes embarras. La vivacité de votre imagination duite; puisqu'en effet on ne l'est pas, et on ne est justement ce qui a besoin des remèdes que le sera jamais, s'il plaît à Dieu; car il ne faut je vous donne. Ainsi décisivement ce sera la jamais abandonner, ni se relâcher dans son dernière fois que je répondrai à de telles choses. Il n'y a nul péché dans ces peines, que celui d'y adhérer trop, et d'y trop chercher de remèdes. Si ceux que je vous donne ne vous apaisent pas, 'il n'y a plus qu'à s'abandonner à la divine bonté.tuelle. Je suis conduit par le besoin : je ne suis Je prie notre Seigneur qu'il soit avec vous.

A Versailles, ce 29 novembre 1691.

LETTRE L.

Il l'assure qu'elle a satisfait à tout dans sa dernière revue' et l'instruit des dispositions qu'il ressentoit dans la conduite des ames.

Je n'ai reçu votre lettre, qui est venue par la poste, que fort tard, et dans un temps où il eût été difficile d'y faire réponse. Je crains bien cependant que cela ne vous ait causé de l'embarras dans vos dévotions: il n'y en a pourtant point de sujet. Pour le passé, la revue que vous m'avez faite a été bien faite de votre part, et très bien entendue de la mienne. La répétition que vous en avez faite à votre dernière confession m'a suffisamment remis les choses que vous m'aviez dites, et assez pour donner matière à l'absolution. Ainsi je vous défends tout retour et toute inquiétude sur cela, et de vous en confesser de nouveau ni à moi ni à d'autre.

L'autre peine que vous m'expliquez ne doit non plus vous embarrasser, après les résolutions que vous avez eues sur cela de M. l'abbé de la Trappe et de moi. A la vérité je ne voudrois pas exciter ces tendresses de cœur directement : mais quand elles viennent ou par elles-mêmes, ou à la suite d'autres dispositions qu'il est bon d'entretenir et d'exciter, comme la confiance et l'obéissance, et les autres de cette nature, qui sont nécessaires pour demeurer ferme, et avec un chaste agrément sous une bonne conduite; il ne faut nullement s'en émouvoir, ni s'efforcer à les combattre ou à les éteindre; mais les laisser s'écouler et revenir comme elles voudront.

C'est une des conditions de l'humanité, de mêler les choses certainement bonnes avec d'autres qui peuvent être suspectes, douteuses, mauvaises même si l'on veut. Si par la crainte de ce mal on vouloit ôter le bien, on renverseroit tout, et on feroit aussi mal que celui qui, voulant faucher l'ivraie, emporteroit le bon grain avec elle. Laissez donc passer tout cela, et tenez-vous l'esprit en repos dans votre abandon. Je vous défends d'adhérer à la tentation de quitter, ou à celle de

Pour vous dire mes dispositions, autant qu'il est nécessaire pour vous rassurer, je vous dirai qu'elles sont fort simples dans la conduite spiri

pas insensible, Dieu merci, à une certaine correspondance de sentiments ou de goûts; car cette indolence me déplaît beaucoup, et elle est toutà-fait contraire à mon humeur : elle feroit même dans la conduite une manière de sécheresse et de froideur, qui est fort mauvaise. Mais quoique je sente fort ces correspondances, je ne leur donne aucune part au soin de la direction, et le besoin règle tout. Au surplus, je suis si pauvre, que je n'ai jamais rien de sûr ni de présent. Il faut que je reçoive à chaque moment, et qu'un certain fond soit excité par des mouvements dont je ne suis pas tout-à-fait le maitre. Le besoin, le besoin, encore un coup, est ce qui détermine. Ainsi tout ce qu'on sent par rapport à moi, en vérité ne m'est rien de ce côté-là, et il ne faut pas craindre de me l'exposer; parceque cela n'entre en aucune sorte dans les conseils, dans les ordres, dans les décisions que j'ai à donner.

Je vous ai tout dit; profitez-en, et ne vous laissez point ébranler ce seroit une tentation trop dangereuse, à laquelle je vous défends d'adhérer pour peu que ce soit, Je prie Dieu, ma chère Fille, qu'il soit avec vous.

A Meaux, ce 26 décembre 1691..

LETTRE LI.

Il approuve la conduite qu'elle a tenue à l'égard de ses peines,

J'ai reçu toutes vos lettres, et entre autres celles qu'un capucin m'a rendues. Vous avez fort bien fait de passer par-dessus vos dernières peines; et je vous défends de vous y arrêter jamais, ni de vous confesser de ne les avoir point confessées. Si vous continuez de cette sorte à entrer dans les pratiques que je vous ai marquées, vous vous faciliterez beaucoup la réception des sacrements, et vous y trouverez la consolation qu'y doit trouver une ame chrétienne, c'est-àdire, une ame confiante.

Je prie Dieu, ma Fille, qu'il soit avec vous. Je le prierai de tout mon cœur pour madame la comtesse de Verue: on la disoit morte à Versailles ces jours passés; j'en serois fâché, et je voudrois autre chose d'elle auparavant.

A Meaux, ce 27 décembre 1691,

LETTRE LII.

Sur les conditions que demande l'acte de contrition néces saire au sacrement de pénitence, et sur la manière dont les sacrements opèrent.

L'acte de contrition, nécessaire au sacrement de pénitence, ne demande pas un temps précis, et ne consiste pas dans une formule qu'on se dit à soi-même dans l'esprit. Il suffit de s'y exciter quelques heures avant la confession : quelquefois même l'acte qu'on excite long-temps devant est si efficace, que la vertu en demeure des journées entières. Je ne croirois pas qu'un acte pût subsister en vertu, quand le sommeil de la nuit, ou quelque grande distraction est intervenue à plus forte raison quand le péché mortel, qui est une rétractation trop expresse de l'acte d'amour, se trouve entre l'acte et la confession ou l'absolution. Il ne faut donc point s'inquiéter si l'on a répété cet acte ou immédiatement avant l'absolution, ou à la confession de quelque péché oublié:il suffit qu'il n'y ait pas eu d'interruption ou de rétractation, selon les manières que je viens de dire. Au reste, il faut tâcher de former en soi une habitude si forte et si vive des vertus et des sentiments de piété, qu'ils naissent comme d'eux-mêmes, et presque sans qu'on les sente, du moins sans qu'on y réfléchisse. Je n'ai rien à ajouter à mon catéchisme, sur les actes de contrition et d'at

trition.

Il est inutile de savoir si les sacrements opèrent physiquement ou moralement : ce qui est très assuré, c'est que ce physique tient bien du moral, et que ce moral, par sa certitude, sa promptitude et son efficace, tient bien du physique et c'est peut-être ce que veulent dire ceux qui leur attribuent une opération physique. Il suffit de savoir que l'opération du Saint-Esprit, qui s'applique et se développe, pour ainsi parler, dans les sacrements, est très réelle et très physique; et qu'elle sort, pour ainsi parler, à la présence du sacrement, comme d'un signe qui la détermine en vertu de la promesse de Dieu très infaillible. Adorez cette grace, admirez cette opération, croyez en cette puissance, conformez-vous à cette efficace, par une volonté vive, qui s'accommode à l'impulsion et à l'action d'un Dieu.

A la fin de 1691.

LETTRE LIII.

Sur ses peines, et sur les cas où el'e devoit recommencer le Breviaire.

Votre lettre du 30 décembre, ma chère Fille, m'oblige à vous dire d'abord que je suis content

de votre obéissance. La règle que je vous ai s'étend à donnée, sur les peines que vous savez, toutes les autres, quant à l'obligation de les confesser, mais non pas quant à la défense de le faire: car je ne vous défends pas de vous confesser de ces peines, ou des péchés que vous pourrez croire y avoir commis, pourvu que ce ne soit pas avec cette anxiété qui vous empêche de communier, ou ne vous permet pas de le faire avec toute la dilatation que cette action demande. Ce que je vous défends précisément à cet égard, c'est que vous ne songiez jamais à vous priver de la communion, ni à recommencer vos confessions avant ou après vous en être approchée, à moins que vous soyez assurée, jusqu'à en pouvoir jurer, qu'il y a eu un péché mortel dans vos jugements, dans vos distractions, dans vos soupcons, et dans tous les sujets de vos peines. Je vous l'ai déja dit, et vous deviez l'avoir entendu; mais à présent que vous l'avez par écrit, je m'attends à une entière obéissance.

Je serois bien fâché que nous perdissions ma sœur de Saint-Gabriel. Je lui donne de tout mon cœur ma bénédiction, et je ne manquerai pas de l'offrir à Dieu, dont elle recevra, et en cette vie et en l'autre, la récompense de sa fidélité et de son obéissance.

On s'est contenté de vous donner la copie de la réquisition du promoteur, parceque c'est le fondement de ce qui se fera dans la suite: on n'eut pas le temps d'écrire le reste. Il n'y a point de façon à faire de cette réquisition; et, au contraire, il est bon qu'on la sache. Pour ce qui est des dispositions de madame votre abbesse, elle voudroit bien ne pas retourner; mais elle sent qu'il faudra le faire. Je suis résolu à la pousser, si dans huit jours sans retardement elle ne prend. un parti pour lui parler, c'est temps perdu. J'envoie à madame la prieure et à madame de Lusancy les ordres pour ce qu'il faut faire, sielle s'avisoit de prévenir la signification de mon ordonnance, comme le sieur de La Madeleine l'en presse bien fort; mais ce n'est pas à lui qu'elle se fie sur cela. Que ceci ne soit que pour madame de Luynes, madame de Lusancy et vous.

Il ne faut jamais avoir de réserve en me parlant vous voyez bien qu'à la fin il y faut venir, et que Dieu le veut.

Il n'y a rien à recommencer dans le Bréviaire, que les endroits où l'on seroit assuré, dans le degré que je vous marque pour les autres choses, ou d'avoir omis, ou d'avoir été distrait vo- · lontairement. Je vous défends tout autre recommencement. Ne vous allez point rejeter dans l'embarras de distinguer ce qui est volontaire ou non; cela ramèneroit toutes vos peines l'une

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