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Jouarre mais je puis bien vous assurer que personne ne m'a rien écrit pour me porter à ce que j'ai fait, et que je n'y ai été déterminé que par la continuation des divisions.

Je ne refuserai jamais de vous entendre autant. que personne, et avec autant de confiance; mais à ce coup je crois que le meilleur sera de se soumettre. Je ne fais tort à personne, et il ne tiendra qu'à madame de Jouarre de réparer la perte qu'on fait; ce qui ne lui sera pas fort difficile. Je prie notre Seigneur qu'il soit avec vous.

A Germigny, ce 26 juin (692.

LETTRE XXIV.

A LA MÊME.

Soyez Marie de desir, et Marthe par obéissance. Afin de gagner les indulgences, pour le plus sûr il se faut confesser à cette intention. Je prie Dieu, ma Fille, qu'il soit avec vous. A Germigny, ce 26 septembre 1692.

LETTRE XXVI.

A LA MÊME.

Il la rassure dans ses craintes de lui être à charge; et explique ce que c'est qu'un cœur pur.

Vous avez tort, ma Fille, de croire que vous me causiez une insupportable fatigue : où allezvous prendre cela? Ce qui me fatigue, n'est pas d'avoir à écouter; mais d'avoir à le faire quand je vois le temps qui presse. Loin de vous aban

Sur la conduite qu'on doit tenir lorsqu'on se sent en péché donner, j'ai au contraire formé le dessein de vous

mortel; et sur les péchés oubliés.

Vous n'avez qu'à demeurer en repos sur l'affaire dont vous m'écrivez continuez vos communions à votre ordinaire, sans recommencer vos confessions. Je serai bien aise de ce qu'on vous communiquera du côté de Coulommiers, et je donne toutes les permissions de part et d'autre. Dans le cas que vous proposez, il n'y a nul doute qu'aussitôt qu'on se sent en péché mortel, on ne soit obligé à la pénitence, et à se disposer à la confession; mais non pas toujours à la faire sur-le-champ il est bon de gémir auparavant, et de se mettre en état de bien faire, sans rien précipiter, ni rien négliger.

Il est sans doute que les péchés oubliés sont

entendre une autre fois préférablement, et je ne vous manquerai en rien.

Un cœur pur, c'est un cœur dégagé de tout, et c'est ce qui rend capable de voir Dieu. Quelle pureté, quel détachement demande une si pure et si sublime vision!

Dieu daigne bénir par sa grace ceux qui profitent de sa parole. Je prie notre Seigneur qu'il soit avec vous, ma Fille.

A Germigny, ce 3 novembre 1692.

LETTRE XXVII.

A LA MÊME.

pardonnés avec les autres, quelque temps qu'ait Sur la demande d'un confesseur extraordinaire, et la lon

duré l'oubli, et qu'on ne doit confesser que celui dont on se rappelle. Je prie Dieu qu'il console ma sœur de Saint-Michel, et je vous donne, ma Fille, une bénédiction très cordiale.

A Paris, ce 19 juillet 1692.

LETTRE XXV. A LA MÊME.

Il lui témoigne ses dispositions pour elle, et confirme ce qui avoit été fait ci-devant à Jouarre.

Vous ne devez point douter, ma Filie, que je ne fasse avec plaisir tout ce qui sera utile au bien de votre ame et à votre perfection. Les choses qui ont été faites à Jouarre avant que je fusse entré dans les affaires conservent toute leur force, et je les approuve. Ce que vous me dites de mes réflexions sur le sermon de notre Seigneur sur la montagne, me donne courage pour achever quelques autres ouvrages de cette nature.

gueur des lettres.

J'ai reçu, ma Fille, la demande que vous me faites, pour donner un confesseur à mesdames Paget, de Menou et Jourdin. Puisque le premier dimanche de l'avent, pour lequel elles le demandoient, est passé, il est bon qu'elles attendent jusqu'à ce que je sois à Meaux, c'est-à-dire, à la semaine prochaine, s'il plaît à Dieu. Madame de Jouarre m'ayant en quelque sorte reproché la facilité que j'avois à donner des confesseurs extraordinaires, ces dames ne trouveront pas mauvais que j'examine un peu les temps convenables. J'ai fait la même réponse à madame de Lusancy, croyant que la demande m'étoit venue de sa part: mais votre lettre du 21 du passé, que je viens de relire, m'a fait voir que c'étoit vous.

Je ne me suis jamais plaint de la longueur des lettres, mais seulement de la résistance qu'on apporte aux décisions et du temps que l'on y perd; et tout cela, sans vouloir rebuter personne, mais au contraire tout faciliter à tout le monde,

J'approuve pour trois fois la semaine ce que | beaucoup de fidélité et d'obéissance, et peu de vous me proposez, à condition que vous discon- raisonnement. tinuerez de bonne foi si vous vous en trouvez incommodée. Dieu aura votre bonne volonté plus agréable, et je le prie, ma Fille, de bénir vos bons desseins.

A Versailles, ce 9 février 1693.

P. S. Je donne ma bénédiction de tout mon cœur à toutes nos malades, et en particulier à madame la prieure.

-

LETTRE XXVIII.

A LA MÊME.

Sur l'entrée de la sœur Cornuau à Jouarre, et la manière de recevoir les consolations du Seigneur.

Je n'ai reçu qu'hier votre lettre, et il n'étoit plus temps de vous envoyer la permission pour ma sœur Cornuau; mais, ma Fille, je vous assure que si elle est entrée, j'en serai bien aise.

Recevez les consolations que Dieu vous envoie avec une entière reconnoissance, sans vous mettre en peine de la suite; Dieu est puissant pour y pourvoir. Dites seulement avec David : Confitemini Domino quoniam bonus, quoniam in sœculum misericordia ejus'. Vous me direz quand vous voudrez vos difficultés. Je prie notre Seigneur d'être avec vous.

A Meaux, ce 24 mars 1693.

LETTRE XXIX.

A LA MÊME.

La fréquente communion doit être votre grand soutien, et vous devez suivre Jésus-Christ qui vous y attire. Il n'y a rien de suspect dans vos dispositions, ni dans vos vues. Dieu ne s'est pas fait une loi de ne faire des graces particulières qu'aux ames pures et innocentes. Voyez comme il traite la pécheresse, et quelle douceur il mêle dans ses larmes. Voyez comme il traite MarieMadeleine, de laquelle il avoit chassé sept démons, et combien agréablement il se montre à elle après lui avoir envoyé ses anges. Ses bontés sont au-dessus de toutes ses œuvres. Marchez en confiance, et ne craignez rien; Dieu est avec

vous.

A Meaux, ce 29 mars 1693.

LETTRE XXX. A LA MÊME.

Sur la conduite qu'elle doit tenir, et la grande perfection que son état exige.

J'ai oublié, ma Fille, à vous répondre sur un des articles principaux de votre lettre. Il est vrai que les graces que vous recevez demandent une grande séparation des compagnies; car Dieu veut les ames à soi : mais il ne faut pourtant rien faire qui vous fasse remarquer; et quand il arrivera dans les conversations quelque forte touche, si vous prévoyez qu'il en doive paroître quelque chose au dehors, vous devez alors vous étourdir, et, s'il se peut, détourner le cours de vos pensées: que si vous ne croyez pas le pouvoir, retirez-vous

Sur les dispositions où elle devoit être à l'égard des croix, doucement. Au reste, il faut beaucoup de cou

et la confiance en la bonté de Dieu.

J'ai, ma Fille, reçu agréablement le travail de votre pinceau, et les témoignages de votre amitié. Il n'y a ni or ni argent, et vous avez été

fidèle à mes ordres.

Pour ce qui regarde votre intérieur, vous n'avez, ma Fille, qu'à recevoir ce que Dieu vous donne, en admirant ses bontés. Il ne faut point faire d'acceptation expresse des croix et des privations qui vous sont montrées confusément et en gros; mais seulement en général de la volonté de Dieu, qui vous donnera des forces à proportion des exercices qu'il lui plaira de vous envoyer.

Vous pouvez me communiquer la suite de ces états. Ne vous servez plus de ce terme, que je ne veux pas répéter. Je vous écoute avec joie ; soyez soumise seulement : ces dispositions demandent

'Ps. CXVII. 4.

rage pour soutenir les efforts d'un Dieu jaloux, lorsqu'il veut posséder une ame. Vous entrez dans une carrière difficile par l'extrême fidélité qu'il y faut garder: mais le secours est grand, et la couronne digne du combat. Notre Seigneur soit avec

vous.

A Meaux, ce 30 mars 1693.

LETTRE XXXI. A LA MÊME.

Il lui témoigne sa bonne volonté pour Jouarre.

écrite. Abandonnez-vous à la divine Providence, J'ai reçu, ma Fille, celle que vous m'avez et abandonnez-y les affaires de la maison. Assurez-vous que je ne perdrai jamais de vue ce qui sera pour son bien, et que je m'attacherai plus

que jamais, quoique d'une autre manière, à ce qui la touche, et vous toutes.

A Paris, ce 19 avril 1693.

LETTRE XXXII.

A LA MÊME.

LETTRE XXXIV.

A MADAME DU MANS.

Sur la requête de l'abbesse, en cassation de l'arrêt du parlement contre l'exemption de Jouarre.

Je connois la disposition de nos Sœurs encore désobéissantes: je les ai toutes vues, à la réserve

Il la porte à s'abandonner entièrement à Dieu, et modère d'une; et je vous assure, ma Fille, qu'elles ne

son ardeur pour les austérités.

Abandonnez le passé à la divine miséricorde: ne vous en inquiétez pas; ne refusez point les graces que Dieu vous offre, par la crainte des difficultés qui en naîtront. Songez à celui qui dit: J'ai vaincu le monde'. Il vaincra le monde en nous, quand il anéantira les mauvais desirs; c'est-à-dire, la concupiscence des yeux; c'est-àdire, la curiosité de l'esprit, la concupiscence de la chair; c'est-à-dire, tout le sensible et tout orgueil.

Recevez, ma Fille, ce que Dieu vous donne, et à la manière qu'il voudra vous le donner. Il saura proportionner ses dons et ses exercices à votre foiblesse : c'est un sage médecin, laissez-le faire. Ne vous embarrassez pas si c'est lui qui parle : attribuez-lui sans hésiter tout ce qui vous invite à la perfection; car c'est toujours lui qui le dit.

Je vous permets l'usage de cette ceinture, deux jours de cette semaine. Ne me fatiguez plus à me demander des austérités. Je n'aurai rien sur cela à vous répondre, sinon : Allez doucement. Ne quittez le saint-sacrement que le moins que vous pourrez. Écoutez, parlez pour le roi, pour l'état et pour la paix. Ne m'oubliez pas. Dieu soit avec vous.

A Meaux, ce 25 mai 1693.

LETTRE XXXIII.

A MESDAMES DU MANS ET DE RODON.
Sur la sœur Cornuau.

Voilà, mes Filles, ma sœur Cornuau qui va jouir de la grace que vous lui avez procurée : je vous la recommande: instruisez-la, conseillez-la, conduisez-la. Priez pour moi, et me croyez à vous de tout mon cœur.

A Meaux, ce 1er juin 1693.

Jean. XVI. 23.

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me tromperont pas, s'il plaît à Dieu. Laissons rapporter l'affaire du conseil. Si madame votre abbesse est refusée de sa requête, tout est fini, et elle demeurera sans aucune ressource: ou elle sera reçue, et cela n'aboutira qu'à m'assigner, l'arrêt du parlement restant toujours dans sa force. Lequel des deux qui arrive, je vous assure, ma Fille, et vous pouvez en assurer nos chères Filles, que vous me verrez bientôt, s'il plaît à Dieu, et que je viendrai à des remèdes plus forts, sans tous les ménagements que j'ai eus jusqu'ici. Au surplus, vous pouvez tenir pour certain tout ce que j'ai mandé par mes précédentes, et encore, que tous les gens de bon sens ne veulent pas qu'il y ait le moindre sujet de douter que la requête de madame de Jouarre ne soit rejetée. Je prie, ma Fille, notre Seigneur qu'il soit avec vous.

A Paris, ce 29 juin 1693.

LETTRE XXXV. A LA MÊME.

Sur la communion, et la soumission à la volonté de Dieu.

J'ai lu votre lettre, ma Fille : il n'y a rien de nouveau à y répondre, si ce n'est sur la communion de tous les jours: je vous en permets le desir. Suivez Dieu, marchez en confiance et en assurance. Ce n'est pas à vous à prescrire à Dieu les voies qu'il veut tenir. La foi consiste à suivre ce qu'il veut, à attendre ce qu'il voudra faire, à se soumettre à ce qu'il veut. Quand vous avez exposé, vous n'avez plus qu'à vivre en paix. A Meaux, ce 48 juillet 1693.

LETTRE XXXVI.

A LA MÊME.

Il lui recommande d'empêcher que ses états intérieurs ne paroissent au dehors.

Vous faites bien, ma Fille, d'exposer les choses; vous ne devez point hésiter à continuer. Réprimez autant que vous pourrez ce qui se peut faire connoître au dehors: c'est là seulement que

je vous permets de résister à l'attrait, et de le Je n'ai rien à vous dire de nouveau sur les vaincre à quelque prix que ce soit. Il faut de-austérités. Mortifiez votre propre volonté, goumeurer maître de l'extérieur, et en demander la vernez votre cœur, et rendez-vous-en la maîgrace à Dieu. Je vous permets ce que vous me tresse. Demandez à Dieu son secours : ne parlez demandez pour l'octave de l'Assomption, mais qu'en charité et avec mesure, ne donnez rien à avec modération. Notre Seigneur soit avec vous. votre humeur; voilà les austérités que je vous A Germigny, ce 5 août 1693. ordonne. Portez en pénitence celles que la religion prescrit; aimez le silence et la retraite. Il y a une retraite et un silence que les emplois du dehors n'altèrent pas. Je prie notre Seigneur qu'il soit avec vous.

LETTRE XXXVII.

A LA MÊME.

Sur les motifs de confiance dans les fautes qu'on commet, et sur la communion.

Lorsqu'il nous arrive, ma Fille, de nous oublier nous-mêmes, et de commettre quelque péché, il ne faut pas perdre courage; mais au contraire reprendre de nouvelles forces, et se souvenir de cette parole de saint Jean : « Si nous » péchons, nous avons un avocat, un intercesseur, » un défenseur, savoir, Jésus-Christ, ce juste » qui est la propitiation pour nos péchés ; et non >> seulement pour nos péchés, mais encore pour » ceux de tout le monde. »>

Vous avez bien fait de commünier, et de ne pas attendre ma permission pour cela : l'avis de votre confesseur suffit, et vous en devez user ainsi en toutes rencontres. J'espère aller à Jouarre dans quelques jours, et y faire, sans manquer, le discours sur la prière.

Quant à la maison, mettez tout entre les mains de Dieu, et assurez-vous que je serai toujours attentif à y faire ce que je pourrai. Je prie notre Seigneur qu'il bénisse ma sœur de Rodon, et nos autres chères Filles que vous me nom

mez.

A Germigny, ce 25 septembre 1693.

P. S. Je ne vois nul inconvénient à recevoir madame de Giry: elle est infirme, à la vérité, mais à ce qu'il me paroit, bonne religieuse; et cette réception sera utile à la maison.

LETTRE XXXVIII.

A LA MÊME.

Sur ses confessions passées; les austérités qu'elle doit

pratiquer.

A Germigny, ce 26 septembre 1693.

LETTRE XXXIX.

A LA MÊME.

Il ranime son courage et sa confiance.

Encore un coup, ma Fille, que vos fautes ne vous découragent pas; au contraire, qu'elles vous animent: ne perdez point votre confiance. Si vous saviez les bontés de Dieu et les ardentes poursuites de ce céleste amant, avec quelle sainte familiarité vous reviendriez à lui après vos foiblesses! Exposez-lui tout, et il sera facile à vous pardonner.

Je prie Dieu que le nom d'Ange ne soit pas donné inutilement à celle à qui on l'a donné. Je salue nos Sœurs.

A Germigny, ce 13 octobre 1893.

LETTRE XL.

A MADAME DE LUSANCY.

Sur le mystère de la prédestination; les conditions de la prière, et le bien que Dieu sait tirer du péché.

Je suis bien aise, ma Fille, de ne pas tarder à répondre à vos demandes, et j'ai de la joie de vous pouvoir donner cette satisfaction. On peut et on doit croire très certainement qu'on est du nombre de ceux pour qui Jésus-Christ a opéré ses mystères : le baptême et les sacrements nous en sont un gage, et il ne nous est pas permis d'en douter. Pour ce qui est de la prédestination, c'est un secret impénétrable pour nous; et le doute sur une chose si importante nous rendroit la vie insupportable, si nous n'étions in

Je suis étonné, ma Fille, après toutes les cho-vités par-là à mettre notre salut entre les mains ses que je vous ai dites, que vous me recommenciez votre confession. Ne le faites plus dorénavant, et ne parlez plus du passé à qui que ce soit, à confesse, ni hors de confesse.

AI. Jean. 11. 1 et 2.

de Dieu, et à dépendre de lui beaucoup plus que de nous-mêmes. On est assuré d'être exaucé, pourvu qu'on attende tout de sa bonté paternelle. Ce qui nous oblige le plus à prier, c'est l'extrême bonté de Dieu qui nous donne au-dessus de nos mérites; et encore qu'il faille tâcher

d'accomplir les conditions de la prière, il faut être persuadé que Dieu ne nous juge pas à la rigueur, et qu'il se laisse fléchir au moindre commencement de bonne volonté.

Ce sont de faux spirituels qui blâment le saint attachement qu'on a à Jésus-Christ, à son Écriture, à ses mystères, et aux attributs de Dieu. Il est vrai que Dieu est quelque chose de si caché, qu'on ne peut s'unir à lui, que quand il y appelle, et qu'avec une certaine transcendance au-dessus des vues particulières: la marque qu'il y appelle, c'est quand on commence à le pratiquer. En cela on ne quitte point les attributs de Dieu; mais on entre dans l'obscurité, c'est-à-dire, en d'autres paroles, dans la profondeur et dans l'incompréhensibilité de l'Etre divin. C'est là sans doute un attribut divin, et des plus augustes. On ne sort donc jamais tellement des attributs de Dieu, qu'on n'y rentre d'un autre côté, et peut-être plus profondé

Ce que je vous disois dernièrement, c'est, si je ne me trompe, que Dieu a su tirer le plus grand de tous les biens du plus grand de tous les péchés, qui est la trahison de Judas, l'injustice de Pilate, et l'ingratitude des Juifs. Ce grand mystère nous doit faire voir qu'il ne permet le péché que pour sa gloire: et quoiqu'on ne puisse assez hair le péché, cela n'empêche pas d'aimer le bien que Dieu sait en faire sortir. S'il n'y avoit point de haine, d'impatience, d'injustice dans le monde, les vertus ne parviendroient pas à leur perfection. Déplorons donc le péché; mais en rendant graces à Dieu de l'ex-ment. trême patience avec laquelle il le supporte, et de la toute puissante bonté par laquelle il le tourne en bien pour ses amis. Je ne vous répondrai rien sur ce qu'on vous dit que j'approuve; vous savez bien mes sentiments. Je prie, ma Fille, notre Seigneur, qu'il soit avec vons. A Germigny, ce 16 octobre 1693.

LETTRE XLI.

Á MADAME DE BARADAT.

Que dans la contemplation il ne faut point séparer en Jésus-Christ la nature humaine de la divine; réponse à différentes questions sur l'union avec Dieu, sa manière de se communiquer à nous, et l'acceptation de ses dons. Je ne connois point du tout le livre dont vous me parlez. La méditation de Jésus-Christ en qualité d'homme n'oblige pas toujours à le regarder selon son humanité. La contemplation de la Divinité n'est pas une oraison abstraite, mais épurée ; c'est la première vérité. Mais la vue de Jésus-Christ ne peut pas en détourner: au contraire, Jésus-Christ en tant qu'homme a été en tout et partout guidé par le Verbe, animé du Verbe: il n'a pas fait une action, il n'a pas prononcé une parole, il n'a pas fait un clin d'œil qui ne soit plein de cette sagesse incréée que le Père engendre dans son sein. Ainsi, pour concilier toutes choses, il ne faut point séparer la na

ture humaine de la divine. C'est un effet de sa bonté infinie que de s'être si étroitement uni à Phomme. Tout ce qui reluit de divin dans l'homme Jésus-Christ retourne à Dieu quand nous y sommes, on peut s'y tenir avec un secret retour sur Jésus-Christ, qu'on ne perd guère de vue quand on aime Dieu. Après tout, c'est l'attrait qu'il faut suivre dans les objets où tout est bon, et il n'y a qu'à marcher avec une entière liberté.

Les jours ne sont pas faits pour Dieu. Ceux que l'Église destine aux mystères parlent d'euxmêmes à l'ame attentive: demeurer en Dieu, c'est demeurer au centre de tous les mystères.

L'état où l'on reçoit l'impression d'une certaine vérité cachée, qui semble ne faire qu'effleurer l'esprit, et qui fait taire cependant toute autre pensée, n'est pas oisif; ou c'est dans cette bienheureuse oisiveté que consiste le divin sabbat, et le jour du repos du Seigneur.

Dieu semble nous échapper quand il se communique plus obscurément, et que par-là il nous fait entrer dans son incompréhensible profondeur: alors, comme toute la vue semble être réduite à bien voir qu'on ne voit rien, parcequ'on ne voit rien qui soit digne de lui, cela paroit un songe à l'homme animal; mais cependant l'homme spirituel se nourrit.

Où le péché a abondé, la grace a surabondé'. C'est honorer cette vérité que de recevoir les dons de Dieu, quelque grands qu'ils soient, et malgré ses péchés, de tendre de tout son cœur à lui être uni sans donner aucunes bornes à ce desir.

C'est assez d'avoir dit ses péchés, sans marquer les occasions; la foi bannit les vains scrupules.

Je vous renvoie votre lettre, afin, si vous ne l'avez pas assez présente, que vous voyiez la réponse à chaque article.

Ne craignez point, ma Fille, Dieu est avec vous soyez fidèle et courageuse, vous avez un bon défenseur.

A Germigny, ce 23 octobre 1695.

Rom. v. 20.

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