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émanés durant sa captivité. S'il avait eu intention de sortir du royaume, il n'aurait pas pu- 1791 blié son mémoire le jour même de son départ; il ne l'eût pas publié du tout, si son intention eût été de rester en France. Toutes les lignes de cet écrit prouvent qu'il pensait qu'il aurait

des

moyens de force pour en assurer l'exécution, au moment même où le public en aurait connaissance. Il conservait toujours le desir de revenir. Oui, pour asservir la France, pour s'y baigner dans le sang, pour rétablir son trône sur les débris dispersés de la constitution, Peut-on oublier la dernière phrase de la protestation ? N'annonce-t-elle pas le dessein formé de sortir de France? « Français ! et vous, sur>> tout, Parisiens! habitans d'une ville que mes >> ancêtres se plaisaient de nommer leur bonne » ville, défiez-vous des suggestions et des men>> songes de vos faux amis.Revenez à votre roi; il » sera toujours votre père, votre meilleur ami. » Avec quel plaisir n'oublierait-il pas ses injures >> personnelles pour revenir au milieu de vous, >> lorsqu'une constitution qu'il aura acceptée » librement, fera que notre sainte religion sera » respectée, que le gouvernement sera établi » sur un pied stable, et que, par son action, les » biens et l'état de chacun ne seront plus trou » blés ; que les lois ne seront plus enfreintes impunément, et qu'enfin la liberté sera posée >> sur des bases fermes et inébranlables. >>

La protestation, ainsi que le contenu du mé1791 moire, ne porte pas sur le fond de la consti→ tution, mais sur la forme des sanctions. Que signifient ces paroles? La protestation et le mémoire ne sont qu'un seul acte, écrit par la même main. Le mémoire porte sur le fond, et la protestation sur la forme. Louis ne protestait pas contre le fond des décrets, parce qu'il ne les comptait pour rien tant que sa main né les avait pas sanctionnés. On ne proteste pas contre des actes tenus pour nuls; on les argue de nullité. Mais comme quelquesuns de ces décrets avaient été sanctionnés on protestait d'avoir été contraint. Il résultait de cette distinction deux délits distincts, une protestation qui seule excluait Louis XVI de la couronne, et une diatribe insultante, qui prouvait que Louis XVI était l'ennemi le plus dangereux de la liberté.

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Il ajoutait dans le même article de sa réponse que, les décrets ne lui ayant pas été présentés en masse il n'avait pu juger de

l'ensemble de la constitution. Mais comment pouvaient être présentés en masse au roi des décrets rendus successivement? Cette présentation ne pouvait avoir lieu qu'après l'achévement de l'acte constitutionnel; et dans cet intervalle la France aurait donc continué à être gouvernée par l'ancien régime, lequel donnait au roi une puissance assez grande pour em

pêcher que la constitution ne fùt jamais achevée. Le principal reproche contenu dans le 1791. mémoire, se rapporte aux difficultés d'exécution; autre imposture. Ces reproches sont la destruction de la royauté, c'est-à-dire du despotisme; l'anarchie actuelle c'est-à-dire la

marche vers la liberté ; la coalition des gardesfrançaises avec les citoyens, qui assure la révolution; les journées des 5 et 6 octobre, dont le résultat a été la translation de l'assemblée nationale et de la cour à Paris, l'exiguité d'une liste civile de vingt-cinq millions; le retranchement de quelques domaines; la séparation qu'on a faite de l'individu royal avec le corps de l'Etat ; la nomination des juges accordée au peuple ; la révision des traités accordée au corps législatif: voilà l'analyse de son mémoire; il contient la critique la plus amère de la marche de la révolution.

Prisonnier dans Paris, ajoutait-on, Louis n'avait pas cru que l'opinion publique des provinces fût la même que dans la capitale; et pour s'en informer, il fuyait de nuit par des routes détournées. Arrêté dans Varennes, il écrivait à Mandel, colonel de Royal - Allemand, de venir avec ses gens le délivrer des gardes nationales; il faisait distribuer de l'or pour corrompre les soldats de ce régiment. C'est ainsi qu'il voulait consulter l'opinion des provinces; il n'hésita pas en effet de revenir, mais ce fut

lorsque des milliers de gardes nationales l'envi 1791. ronnèrent, et que les troupes de lignes refu→ sèrent de marcher à son secours.

Louis a pris la fuite; il a protesté contre la constitution; il était attendu à Orval, abbaye de Luxembourg, et non à Mont-Médi; il a défendu à ses ministres de signer aucun acte en son nom, jusqu'à ce qu'ils eussent reçu des ordres ultérieurs; il a enjoint au garde des sceaux de l'Etat de les lui renvoyer, quand il en serait requis de sa part; il est donc de justice de le déclarer déchu de sa couronne, parce qu'en partant, il a dit expressément qu'il ne consentait pas à la porter aux clauses de la constitution, et qu'il a rompu lui-même le contrat qui le liait avec la nation.

CHAPITRE XX.

Projets d'ériger la France en république ; ils sont attribués à Sieyes, il repousse cette imputation.

CEPENDANT,

ANT, en demandant la déchéance de Louis XVI, les formes démocratiques n'étaient pas ouvertement réclamées. Au contraire, d'autres pétitionnaires, arguant de la constitution, repoussaient les demandes formées contre

Louis XVI, comme tendantes à renverser la constitution et le gouvernement. Sieyes était 1791. signalé comme l'ennemi le plus ardent de la constitution monarchique ; le duc d'Orléans et lui crurent devoir se justifier sur cette imputation le prince fit remettre à quelques journalistes la lettre suivante :

«

:

Ayant lu votre opinion, sur les mesures à prendre d'après le retour du roi et les réflexions qui me concernent, je crois devoir répéter publiquement ce que j'ai plusieurs fois déclaré à plusieurs membres de l'assemblée nationale, que je suis prêt à servir ma patrie sur terre, sur mer, dans la carrière diplomatique et dans tous les postes qui n'exigeront que du zèle et un dévoûment sans bornes à la chose publique ; mais que, s'il est question de régence, je renonce dès ce moment et pour toujours aux droits que la constitution me donne. »

» J'oserai dire qu'après avoir fait tant de sacrifices à l'intérêt du peuple et à la cause de la liberté, il ne m'est plus permis de sortir de la classe de simple citoyen où je ne me suis placé qu'avec la ferme résolution d'y rester constamment, et que l'ambition serait en moi une inconséquence sans excuse.. Ce n'est point pour imposer silence à mes détrac teurs que je fais cette déclaration, je sais trop que mon zèle pour la liberté nationale et pour

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