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avaient attesté l'existence. Il s'agissait de l'invasion de la France par trente-six mille hommes de troupes suédoises et russes. Ils devaient être débarqués le plus près possible de Paris, soit pour marcher droit à cette capitale et faire une diversion, tandis que les émigrés, rassemblés sur le Rhin, pénétreraient en Lorraine, et que les rois d'Espagne et de Sardaigne enverraient leurs troupes sur les frontières des Pyrénées et des Alpes; soit pour s'assurer une position respectable, en s'emparant d'un port de mer, où l'on aurait attendu l'issue d'une négociation avec le nouveau gouvernement, qui devait être entamée au nom de l'impératrice de Russic.

Les armées russes et suédoises devaient être commandées par le roi de Suède, Gustave, et la cour de Madrid s'était engagée à fournir quinze millions nécessaires aux préparatifs de cette invasion. Le roi d'Angleterre se chargeait d'engager l'empereur à céder le port d'Ostende, comme le plus propre à rem plir les vues du roi de Suède. Il paraît que les royalistes comptaient essentiellement, pour l'exécution de ce plan, non seulement sur les émigrés rassemblés en Allemagne, mais sur les mécoutens de l'intérieur qui devaient prendre de toutes parts leur défense. L'expérience leur apprit, l'année suivante, combien ils s'étaient trompés.

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Une coalition plus formidable était celle de Pilnitz, où l'empereur Léopold et le roi de 179г. Prusse, Frédéric-Guillaume, s'étaient rendus, dans les derniers jours d'août, pour concerter ensemble les moyens qu'ils voulaient employer à terminer les troubles de France. Le comte d'Artois se rendit à Pilnitz, mais sans y avoir été invité par les deux monarques, dont il venait solliciter l'appui. Quelques chefs des émigrés furent aussi admis aux conférences; il paraît même que la cour de Paris y avait envoyé le comte de Fersen, dont l'absencepouvait être moins aisément remarquée; mais ni les uns ni les autres ne connurent le véritable secret des négociations, qui ne consistait à rien moins qu'à traiter la France comme le. fut la Pologne. Le comte d'Artois obtint seulement, après beaucoup de difficultés, la déclaration suivante; elle fut rendue publique.

<< LL. MM.. l'empereur et le roi de Prusse ayant entendu les représentations de Monsieur, frère du roi de France, et de son S. A. R. le comte d'Artois, déclarent conjointement qu'elles regardent le situation où se trouve la France, comme un objet d'un intérêt commun à tous les souverains de l'Europe; ils espèrent que cet intérêt ne peut manquer d'être reeonnu par les puissances dont les secours sont réclamés et qu'elles emploieront les moyens les plus efficaces pour mettre le roi

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de France en état d'affermir, dans la plus parfaite liberté, les bases d'un gouvernement monarchique. L'empereur et le roi de Prusse sont résolus d'agir d'un mutuel accord pour obtenir le but proposé; ils donneront à leurs troupes les ordres convenables pour se mettre en activité.

Donné à Pilnitz, le 17 août 1791.

Signé LEOPOLD, FREDERIC-GUILLAUME»

Au milieu de l'entortillage de cette déclaration, on voyait clairement que l'empereur et le roi de Prusse ne devaient pas agir seuls contre la France, mais que leurs opérations étaient subordonnées à une autre négociation avec les principales puissances de l'Europe, et que l'écrit donné au comte d'Artois n'était qu'une de ces vaines formules employées par les cours pour cacher leurs véritables projets. La cour de Russie n'avait pas encore fait sa paix avec les Turcs; les hostilités, il est vrai, avaient cessé, mais elles pouvaient recommencer. Il n'était pas trop possible que, dans cette position, l'empereur entreprit une nouvelle guerre sur les bords du Rhin. D'ailleurs, les vues de Léopold se tournaient vers la paix ; il est douteux qu'il eût rompu avec la France, si sa carrière eût été prolongée, malgré toutes les promesses faites par lui aux émigrés.

Bertrand de Molleville parle dans ses mé

moires d'un autre traité conclu avec l'empereur, au mois de mai. Léopold voyageait alors 1791. en Italie avec la reine de Naples. Le comte Alphonse de Durfort fut chargé par la cour des Tuileries, de porter au comte d'Artois un pouvoir pour traiter avec l'empereur : l'entrevue eût lieu le 20 mai 1791. Il fut convenu que Léopold ferait marcher trente - cinq mille hommes, que les cercles en fourniraient quinze mille, le roi de Sardaigne quinze mille, l'Espagne vingt mille, les Suisses quinze mille. Cet accord fut apporté à Paris par le comte de Durfort. Necker assure, dans un mémoire publié vers l'époque du procès du roi, que Louis refusa d'accéder à cet accord, ce qui le fit manquer. Je parlerai dans la suite de ce mémoire de Necker. Mais il paraît que, malgré ce double traité, Léopold se flattait de terminer les affaires de France par une négociation armée, sans faire usage des forces qu'il préparait. Le maréchal de Lascy avait répété plusieurs fois aux émigrés, que les ressources de la France étaient immenses, ses frontières impénétrables, et qu'il ne presserait jamais la déclaration d'une guerre qui, dans son opinion, pouvait avoir les suites les plus désastreuses pour la maison d'Autriche et pour l'Allemagne. Le vrai plan de Léopold était de former une ligue entre toutes les puissances de l'Europe, de cerner la France de tout côté,

alors il aurait proposé la formation d'un con 1791. grès chargé de traiter avec les représentans de la nation française, non- seulement pour obtenir le redressement des griefs du corps. germanique, dont les droits, dans quelques frontières de France, pouvaient avoir reçu des atteintes par la nouvelle constitution mais aussi pour rétablir le gouvernement monarchique d'une manière solide; il se flattait que ces négociations, étant appuyées par les armées les plus redoutables, devaient prévenir les calamités d'une guerre générale.

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CHAPITRE XIIL

Les comités de l'assemblée législative ont connaissance du traité de Pilnitz..

Les comités de l'assemblée législative n'a

vaient aucune connaissance du traité de Mantoue, mais quelques particularités de celui de Pilnitz leur avaient été dévoilées ; ils savaient sur-tout que dans le conseil de Vienne, en regardant l'acceptation faite par Louis XVI de l'acte constitutionnel, comme l'effet d'une force majeure, on assurait que ce prince n'avait pu se dispenser d'adopter ce code, parce que la moindre restriction, la moindre hési

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