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autres, , que d'avoir fait remarquer le vôtre

même.

C'est cette politesse, ces graces, cette gaîté françoise qui, pour ainsi dire, vous ont rendu chez les étrangers l'apologie de notre nation. Une jeunesse indiscrète leur avoit donné quelquefois une fausse idée de notre caractère. Ils nous accusoient de légèreté, d'imprudence, et d'un dédain ridicule pour des manières éloignées des nôtres Vous leur avez donné, Monsieur, une idée bien différente. Ils vous ont vu joindre l'enjouement à la raison, la liberté aux égards, et la prudence à la vivacité même.

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Nous jouirons désormais, Monsieur, de tant d'aimables qualités. Vous êtes notre bien, et nous sommes devenus le vôtre. Nous nous promettons quelque assiduité de votre part, et j'ose vous y viter pour votre propre avantage. Venez prendre place à ces assemblées où préside l'égalité Académique, où les rangs et les dignités font gloire de se confondre; en un mot, où règne la politesse autant que les lumières.

Nous ne sommes pas toujours de même avis, mais nous nous éclairons toujours par les discussions. Chacun a ses richesses particulières, mais tout est en commun, et l'estime s'accroît, l'amitié s'entretient par l'utilité réciproque.

Vous tiendrez bientôt le même langage, et voilà, Monsieur, ce que je désirois depuis longtemps. J'attendois, comme un de mes plus beaux

jours, celui où je vous verrois au milieu de nous, mais je ne prévoyois pas qu'à cette joie dût se joindre le plaisir sensible de vous y recevoir moimême. Tout autre se seroit acquitté de cette fonction avec plus d'honneur pour l'Académie, mais personne ne le pouvoit faire avec plus de zèle.

DISCOURS

Prononcé le 25 août 1735,par M. l'abbé D'OLIVET, directeur, avant la distribution des prix (1).

CONSEILS AUX JEUNES ORATEURS.

Messieurs,

TOUTES les fois que nous voyons revenir ce jour solennel où l'orateur et le poète sont couronnés de nos mains, il n'est rien de si flatteur pour nous que de remonter à la naissance de l'Académie; rien qui prouve mieux le progrès de ces deux Arts, dont nous faisons le principal objet de nos

travaux.

Jamais la France ne fut stérile en beaux génies; et depuis le règne de François Ier., elle avoit disputé avec succès aux nations voisines, la palme de l'érudition. Mais autrefois nos Savans, pauvres en leur langue, ne connoissoient que celle d'Auguste, qui pût donner à leurs ouvrages un mérite d'éclat. Ainsi, les ignorans étoient alors presque les seuls à qui l'on permît d'écrire en François,

(1) C'étoit l'année séculaire de l'Académie.

et par conséquent nul style, nul goût dans la plupart des auteurs, qui sont venus avant l'Académie.

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Quelle heureuse révolution! Car y a-t-il quelque genre de beautés dont aujourd'hui notre langue n'ait pas fourni d'excellens modèles? Harmonie et majesté dans Balzac; naïveté et délicatesse dans Voiture; exactitude et netteté dans Vaugelas ; précision et vivacité dans Ablancourt; politesse et pureté dans Patru; abondance et facilité dans Pélisson; douceur et noblesse dans Bussy; élévation et force dans Bossuet; élégance et justesse dans Fléchier; grâces et variété dans Fénélon.

Je ne parle que de ceux qui ont écrit en prose, et c'est à dessein que je supprime un détail qui ne seroit pas moins glorieux à la poésie; car, souffrez, Messieurs, que l'Académie vous fasse part de sa juste douleur. Par les pièces qui ont été soumises à notre examen, et dont il convient que je parle avec une candeur digne de la place où j'ai l'honneur d'être assis, il nous paroît que la poésie se soutient, mais que l'éloquence décline insensiblement. On auroit pu depuis queiques années vous faire ce triste aveu; vousmêmes, à la lecture des pièces que nous avions jugées les moins mauvaises, vous en avez souhaité de meilleures, et plus d'une fois nous avons cru lire dans vos yeux que le souvenir de tant d'orateurs célèbres, qui de nos jours ont été si

justement admirés, vous faisoit déplorer le pré sent, vous effrayoit pour l'avenir.

Plus le mal continue, plus il est nécessaire d'en rechercher les causes. A quoi donc l'attribuerons-nous? au défaut d'émulation! mais ce qui fait voir que l'émulation n'est point refroidie, c'est que le nombre des pièces qui concourent pour nos prix, a été aussi grand cette année qu'il le fut jamais! Au défaut de génie; on auroit tort certainement d'en accuser les auteurs dont nous venons d'examiner les ouvrages et bien loin qu'ils manquent d'esprit, c'est un reproche que nous avons eu souvent à leur faire, d'en montrer plus qu'il ne faut.

Je ne sais, Messieurs, si je me trompe; mais il me semble que la chute de l'éloquence, s'il est vrai que nous en soyons menacés, ne pourra être imputée qu'au goût de nos jeunes orateurs, qui se plaisent à marcher dans une nouvelle route inconnue à leurs pères, dont le bon sens avoit pris pour guide la saine antiquité. Puisque la nature est toujours la même, comment l'art, qui n'est autre chose qu'une imitation de la nature, ne seroit-il pas toujours le même? Ainsi, ne nous rebutons point d'établir toujours les mêmes principes, de rappeler sans cesse les mèmes règles. Peut-être nous suffira-t-il pour acquérir des Dé mosthènes et des Cicérons, de montrer à une jeunesse laborieuse, et qui connoît le prix de la gloire, par quel chemin ils y sont arrivés.

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