Images de page
PDF
ePub

les charmes que l'harmonie et les graces prêtent à la vérité; des hommes qui semblent se dévouer à la haine du vrai et du beau; tous ceux enfin qui par état, par caractère, ou par les circonstances, sont les ennemis du genre humain: voilà vos ennemis!

Ils vous supposent des vues et des idées que condamnent votre conduite et vos ouvrages; ils vous attribuent je ne sais quel système chimérique d'égalité, et l'amour d'une indépendance absurde qui ne s'allie pas même avec l'amour de la liberté. Ils chargent le corps entier de la littérature de la licence de quelques littérateurs; ils attachent le nom des hommes célèbres à des productions indignes du talent. Les uns voudroient borner les lettres aux genres les plus frivoles; d'autres voudroient les faire regarder comme un vain luxe; tous affectent de confondre le chant des muses et celui des syrènes.

Mais l'auguste maison qui a fait, en faveur des lettres, tant d'établissemens dont l'Europe lui rend graces, protégera dans leurs progrès ces lettres que sa protection a fait naître; et c'est ainsi que nos Rois ajouteront au titre de pères de leurs sujets, celui de bienfaiteurs du genre humain.

Ce jeune Prince dont l'auguste mariagepromet à la France et au monde une paix durable; ce Prince, l'espérance de l'Europe, qui a reçu de la nature l'amour de l'ordre et la bonté, apprit

de son sage instituteur qu'il n'est pas une seule vérité dangereuse ni pour les peuples, ni pour les Rois. Ce prélat, si respectable par sa piété et par ses lumières, apprit à son élève que l'ignorance seule est favorable aux erreurs et aux abus

funestes aux empires; et que depuis les progrès universels de l'industrie, depuis les révolutions arrivées dans les arts, dans les opinions, dans la science de conduire les hommes, les lumières de tous les genres ajoutent aux états une force véritable. Protégés par leurs souverains, rassemblés sous leurs auspices, les hommes de lettres feront des efforts nouveaux pour perpétuer les connoissances et pour en augmenter le trésor. Si jamais la nation perdoit son zèle pour le bien, cet esprit excellent qui la vivifie, ce brillant caractère qu'il faut diriger, entretenir, et jamais changer, vos ouvrages, Messieurs, réveilleroient en effet ses sentimens vertueux, et c'est ici le temple où se rallumeroient les deux passions qui font les citoyens et les grands hommes, l'amour de l'ordre et l'amour de la gloire.

[ocr errors]

DISCOURS

Prononcé le 5 septembre 1770, par M. DE LOMÉNIE DE BRIENNE, archevêque de Toulouse, lorsqu'il fut reçu à la place de M. le duc DE VILLARS.

Messieurs,

HONORE de vos suffrages, mon premier devoir est de vous faire agréer le juste hommage de ma reconnoissance. Que ne puis-je vous présenter les talens supérieurs qui vous distinguent! Il n'est aucun genre de littérature dans lequel l'Académie n'offre des maîtres et des modèles. Sensible à l'hon neur de pouvoir les approcher de plus près, ja loux de les imiter sans prétendre les atteindre, je tâcherai de justifier votre choix par mon empressement à profiter de vos leçons et de vos lumières.

Des hommes déjà illustrés par plus d'un titre, ont désiré d'y joindre celui de votre confrère. M. le maréchal de Villars, comblé d'honneurs, sentit que cette gloire manquoit à celle qu'il avoit acquise par ses victoires. L'héritier de son nom le fut aussi de la place qu'il occupoit parmi vous. Aux avantages qu'il tenoit de sa naissance, il joi

gnoit une politesse naturelle, une connoissance fine des richesses de notre langue, et sur-tout cet amour des lettres qui est la première des qualités que vous avez droit d'exiger.

M. le duc de Villars, protecteur d'une Académie qui les cultive avec succès, n'a jamais cessé d'en répandre le goût dans une province, où l'éclat d'une représentation habituelle, la douceur de son administration, et sa bienfaisance pour les pauvres, ont inspiré les ont inspiré les regrets les plus honorables à sa mémoire.

C'étoit ce goût des lettres que se proposoit d'étendre et de perfectionner votre fondateur en établissant l'Académie. Que d'autres célèbrent les vues élevées et profondes par lesquelles il a, pour ainsi dire, tiré la politique du néant, et la monarchie du chaos. Notre constitution formée n'a plus les mêmes besoins; le système de l'Europe est change; les graces et la vertu viennent de cimenter un traité qu'un nouvel ordre d'événemens avoit rendu nécessaire. Richelieu n'emploieroit pas les mêmes moyens ; il n'auroit plus les mêmes projets.

Dans le sanctuaire des lettres, il est doux de ne s'occuper que du bien qu'il leur a fait. En réunissant, comme dans un foyer, les rayons épars de l'esprit et du génie, il n'a pas moins travaillé pour la postérité que pour son siècle. Les révolutions les plus utiles ne sont pas celles dont peuvent jouir les grands hommes qui les produisent. L'arbuste fragile satisfait avec rapidité notre

impatience; mais le chêne majestueux ne promet d'ombre qu'à l'héritier de celui qui le cultive. Les grands établissemens sont toujours suivis de grands effets. La marche des siècles achève ce que le génie créateur a commencé. Les lettres devront à jamais à Richelieu leurs progrès; l'éclat qu'il répandit sur leur aurore prépara les chef d'œuvres qu'elles enfantèrent sous le règne de Louis XIV.

Ce Prince, jaloux de toute espèce de gloire, voulut remplacer lui-même le chancelier illustre qui, après la mort de Richelieu, fut décoré du titre honorable de votre protecteur. Animés par les regards de Louis XIV, les talens s'ouvrirent mille routes nouvelles : ils imprimèrent à son siècle ce caractère de grandeur qu'aucun siècle ne peut se flatter d'atteindre ; tout ce qui est grand doit exister ensemble; les héros et les hommes de génie ne peuvent naître séparés : les actions héroïques inspirent les pensées sublimes; l'éclat des lettres rejaillit sur les vertus qu'elles célèbrent. Tout fut grand sous Louis XIV, et son ame auguste est, pour ainsi dire, empreinte sur tous les événemens de son règne. ',

Des jours plus doux ont succédé à ces jours. brillans, mais mêlés d'amertume; ce qui fait la gloire d'un peuple n'en fait pas toujours le bonheur. Les événemens qui nous intéressent le plus dans l'histoire, ont souvent fait couler les larmes de ceux qui en ont été témoins. Les ruines sont à côté des trophées, et les grands changemens que

« PrécédentContinuer »