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Voltisne eamus visere?.

Imus, venimus,

Videmus. Virgo pulchra, et, quo magis diceres,
Nihil aderat adjumenti ad pulchritudinem.
Capillus passus, nudus pes, ipsa horrida;
Lacrumæ, vestitus turpis, ut, ni vis boni

In ipsa inesset forma, hæc formam exstinguerent.

Ces deux citations, je n'ai pas pu les tirer directement du livre de M. de Belloy, il m'a fallu les aller chercher ailleurs, dans une vieille édition de Térence. Dans son livre, le texte manque en regard de la traduction. C'est une lacune fâcheuse pour ceux des lecteurs avec lesquels il faut principalement compter; ce sera mon grief contre l'éditeur, si sa parcimonie leur a refusé ce complément nécessaire de toute publication de ce genre; contre le traducteur, si, par un excès de modestie timide, il décline la confrontation immédiate en présence de ses juges; il faut bien cependant qu'il la subisse. Ce n'est pas seulement pour ceux qui ne peuvent lire les anciens qu'en français que se font les traductions. Elles peuvent être à leur usage, usage d'autant plus superficiel, insuffisant et sujet à méprise, qu'elles leur sont indispensables. Il ne leur appartient pas, ils n'ont pas la satisfaction d'en estimer, d'en vérifier la valeur par la comparaison. Il est de la nature de l'esprit humain d'aimer le spectacle de la lutte dans les études littéraires, comme dans les amusements et les combats de la vie. C'est un plaisir de considérer l'effort du traducteur pour saisir la pensée de l'auteur original, dont la force, ou la finesse, ou la grâce, résiste à laisser transformer le vêtement qui enveloppe et dessine et fait ressortir ses contours. On lui tient compte des difficultés, on applaudit à son adresse, on jouit de sa victoire, ou seulement de sa tentative plus ou moins heureuse, lorsqu'il approche du génie de son modèle sans l'égaler.

M. de Belloy aurait tort de fuir une pareille épreuve. Les plus sévères ne lui reprocheront, ce me semble, ni les défaillances et les trahisons de la servilité littérale, ni les licences et les infidélités d'une liberté insouciante ou téméraire. Il a le sentiment et le respect de son auteur, et la conscience d'un diligent interprète. Prenons en exemple, puisque nous les avons sous les yeux, la version des deux passages que j'ai cités tout à l'heure :

Elle était là tissant, les yeux sur sa navette,
En deuil de la défunte, et sans nulle toilette,

Sans apprêts, sans joyaux, et, par ce peu de soin,
Montrant qu'elle vivait pour elle et sans témoin.
Autour de son visage incliné sur la toile,

Ses longs cheveux épars retombaient comme un voile,
Flottants et négligés.

Voici l'autre description :

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La pauvre jeune fille! Ah! dieux, quel désespoir!
C'est à deux pas d'ici, je crois encor la voir.
Près de sa mère morte, elle est seule qui veille.
Sans parents, sans voisins, sans amis, qu'une vieille
Pour les derniers apprêts, pour l'aider, la servir.
Cela fait mal. Notez qu'elle est belle à ravir.

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Il dit, chacun s'émeut; en faut-il davantage?
«Quoi! s'écrie Antiphon, là dans le voisinage?

Allons-y. » Ce dessein plaît à nos jeunes fous.

« Volontiers, cher ami, dit l'un deux. Conduis-nous. »

On le suit, on arrive, on voit. Qu'elle était belle!
Et simple! nul apprêt; le charme était en elle.
Cheveux épars, pieds nus, yeux en pleurs, des habits
Tels,
que pour l'enlaidir on n'eût pu trouver pis.

J'ai, jusqu'ici, plutôt rapporté les impressions de ma lecture que rendu compte d'un examen critique, et, comme il y a beaucoup à louer dans cet ouvrage, j'ai pu être très-louangeur sans trop d'indulgence; mais je ne prétends pas dire qu'il ne s'y puisse trouver rien à reprendre.

Je ne voudrais pas que l'auteur parlât d'as, ni de deniers, ni de sesterces. Dans le théâtre de Térence, nous sommes en pleine comédie grecque, palliata, vraiment Athéniens; ces mots nous dépaysent. On trouverait bien d'autres fautes contre le costume et la vérité locale dans Plaute, des édiles, des publicains, des marchands du Vélabre, des habitués de la basilique et du temple de Cloacine; inconvenances volontaires, calculées, un de ses artifices pour amuser son public. Mais Térence ne se permettait aucun de ces écarts contraires aux bienséances de détail et à la vraisemblance de la fable.

Lorsque l'on compare la traduction avec le texte, on a lieu de reconnaître que le traducteur est bon latiniste et qu'il s'est familiarisé intimement avec la langue de son auteur; mais il lui est échappé quelques inadvertances. Ne traduit-il pas trop étymologiquement cette locution vulgaire de la conversation numquid vis? et ne lui prête-t-il pas une si

:

gnification plus explicite et plus sérieuse qu'elle ne le comporte dans

ces vers1:

Certumne est istuc ?

-Nunc quidem ut videtur. Sed numquid vis?

Nam est quod me transire ad forum oporteat.

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Numquid vis? était tout simplement une façon de parler pour prendre congé de quelqu'un, sans plus de valeur que celle-ci : « Vous me per<< mettez ? » ou «Je suis votre serviteur. >>

Je noterai encore un de ces rares passages où le traducteur, pour n'avoir pas attribué à un mot le sens véritable, a un peu altéré celui de la phrase. Un amoureux, dans un transport de joie, s'écrie 3 :

1

Aliquis forsan me putet

Non putare hoc verum : at mihi nunc sic esse verum lubet.
Ego deorum vitam propterea sempiternam esse arbitror,
Quod voluptates eorum propriæ sint. Nam mihi immortalitas
Parta est, si nulla ægritudo huic gaudio intercesserit.

La traduction dit élégamment, mais un peu inexactement:

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L'adjectif proprie, mal entendu ou omis, change la portée de la ré

Hecyr. II, 11, 30. Ces paroles sont bien l'équivalent du latin: un des interlocuteurs avait dit : « Mon humeur est de ne pas contrarier mes enfants; lui demande s'il est bien résolu, par conséquent, certumne istuc, qu'on sollicite de lui, si la démarche demeurera sans effet. Il aurait a votre dernier mot?»-3 Andr. V, v, 3.

3

, l'autre à ne pas faire ce pu dire : « C'est

flexion. Ce n'est pas parce qu'ils sont heureux que les dieux sont immortels, c'est parce que leur bonheur est un bien assuré, sans accident et sans fin, et non une jouissance précaire, empruntée, passagère.

Aussi Virgile, dans l'éloge funèbre du jeune Marcellus, s'écriait-il : <«<La nation romaine vous eût semblé trop puissante, grands dieux, si «<elle eût été assurée de posséder toujours un tel trésor. »>

Propria hæc si dona fuissent'.

Et Térence lui-même, dans une scène précédente de la même pièce 2, avait expliqué d'avance le mot :

Nihil esse proprium cuiquam! Di vostram fidem!

Et le traducteur l'avait bien interprété :

Chose étrange!

De ne pouvoir compter sur rien!

Mais il serait inutile et fastidieux de s'appesantir sur ces peccadilles, qui disparaîtront dans une nouvelle étude et une seconde édition, et qui ne font point ombre au mérite de l'ouvrage, pulchro inspersos in corpore nævos. Mais je lui recommande surtout, et j'exige, au nom des lecteurs lettrés, pour la réimpression future, le texte à côté de la traduction.

Pauvre littérature classique! pauvres muses de l'antiquité! Que devient leur culte et leur gloire? Triste symptôme du goût de notre temps! Voici une traduction de Térence, qui, pour oser ou pouvoir se produire, a besoin d'être séparée du latin de Térence! Je sais gré à M. de Belloy de protester de toute la force de son talent contre ce délaissement de la littérature qui fut la nourrice des plus beaux génies de la scène française, et d'essayer de remettre en honneur une poésie qui charmait les Scipion et les Lélius, comme elle charma et Molière et Boileau. Puisse la sienne avoir la magique influence de celle d'Orphée!

NAUDET.

'Eneid. VI, 871. — ' IV, 111, 1.

Богданъ Хмельницкій

Сочиненіе Николая Костомарова.

BOGDAN CHMIELNICKI, par M. Nicolas Kostomarof.
Saint-Pétersbourg, 1859.

TROISIÈME ARTICLE1.

Chmielnicki de retour en Ukraine, soit qu'il se crût parvenu à la fin de ses travaux, soit qu'il voulût donner du repos à son organisation énergique mais altérée par de longues fatigues, soit enfin qu'il subît une sorte de folle joie après tant de succès, sembla négliger les affaires publiques et ne penser qu'à lui-même. On le voyait partagé entre les pratiques d'une dévotion superstitieuse et les orgies coutumières à ses compatriotes. Pendant des heures entières il demeurait prosterné devant les images des saints, puis il s'enfermait avec des sorciers, ou s'enivrait avec les Anciens, en leur chantant des vers de sa façon. Bien qu'il se montrât quelquefois rude et hautain, surtout avec les chefs, toutes ses singularités étaient prises en bonne part, et ne nuisaient en rien à la prodigieuse autorité qu'il exerçait. Vers le même temps, il reprit sa femme, enlevée et épousée par Czaplinski, comme nous l'avons dit plus haut. On pense bien que Czaplinski n'avait pas attendu la vengeance de l'époux outragé, et qu'il avait eu soin de quitter l'Ukraine. Madame Chmielnicka était sa commère. Le métropolitain de Corinthe, qu'on appelait alors le patriarche russien, trouva que cette parenté religieuse invalidait la seconde union, et il confirma la première. Madame Chmielnicka reprit à la fois son ancienne religion et son ancien mari.

Les victoires des Cosaques avaient attiré l'attention de tous les princes voisins sur l'Ukraine et son chef. On commençait à rechercher son alliance; dans son quartier général, à Pereïasław, il réunissait les envoyés du prince de Transilvanie, Georges Ragoczi, du Sultan et du Tsar de Moscou. Chmielnicki leur offrait une hospitalité large et barbare. Vrai chef de Cosaques, mais enrichi par la victoire, il faisait boire à

Voir, pour le premier article, le cahier de janvier 1863, p. 5; pour le deuxième le cahier de février, p. 77.

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