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du collier de la reine, et beaucoup d'autres manuscrits qui font partie de la collec-
tion appartenant à M. le comte Le Couteulx de Canteleu.

BELGIQUE.

Les trouveres brabançons, hainuyers, liégeois et namurois, par M. Arthur Dinaux,
correspondant de l'Institut impérial, associe de l'Académie royale de Belgique, etc.
Bruxelles, imprimerie de Heussner; Paris, librairie de J. Techener, 1863, in-8° de
XL-717 pages. M. Arthur Dinaux complete, par la publication de ce volume, les
savantes recherches qu'il a poursuivies pendant trente ans sur les anciennes poésies
en langue romane composées dans le nord de la France et en Belgique. Toutes les
personnes qui étudient l'histoire littéraire du moyen âge connaissent les trois pre-
mières parties de ce recueil, où sont réunis de précieux documents sur les trouveres
du Cambrésis, de la Flandre, du Tournaisis et de l'Artois. La quatrième partie,
consacrée aux poêtes du Brabant, du Hainaut, du pays de Liége et du comté de
Namur, n'offre pas moins d'intérêt. Le volume s'ouvre par une introduction traitant,
à un point de vue général, des œuvres des trouvères du nord de la France et du midi
de la Belgique. Viennent ensuite les notices, au nombre de plus de quatre-vingts,
formant le corps de l'ouvrage. On y trouve, avec des indications biographiques sur
chaque trouvere, et des fragments ou des analyses de ses œuvres, beaucoup de ren-
seignements relatifs aux mœurs, à la langue et à l'histoire de la France septentrionale
et d'une partie des Pays-Bas depuis le x1* jusqu'au xvi° siècle. Parmi les écrivains de
cette période, quelques-uns sout signalés ici pour la première fois, et ceux dont la
critique s'est déjà occupée seront mieux connus grâce aux investigations de M. Di-
naux. Ce livre, bien conçu et bien fait, malgré quelques négligences de style, con-
tribuera certainement à répandre le goût et à populariser l'étude des monuments de
notre ancienne littérature.

TABLE.

Pages.

De quelques travaux d'histoire naturelle. (Article de M. Flourens.)...

269

Bogdan Chmielnicki, par M. Nicolas Kostomarof. (4° article de M. P. Mérimée.)
Ennianæ poesis reliquiæ. (3° et dernier article de M. Patin.).

277

298

Petri Abælardi Opera, hactenus seorsim edita, nunc primum in unum collegit, etc.
V. Cousin. (Suite et fin du 3o et dernier article de M. Ch. Lévêque.). . . . .
Nouvelles littéraires. — Livres nouveaux.

F'N DE LA TACLE.

313

326

DES SAVANTS.

JUIN 1863.

VOYAGE ARCHÉOLOGIQUE DANS LA Régence de Tunis, exécuté (en 1860) et publié sous les auspices et aux frais de M. H. d'Albert, duc de Luynes, membre de l'Institut, par V. Guérin, ancien membre de l'École française d'Athènes, membre de la Société géographique de Paris, etc. ouvrage accompagné d'une grande carte de la Régence et d'une planche reproduisant la célèbre inscription bilingue de Thugga. Paris, 1862, deux volumes in-8°, de 438 et 395 pages.

PREMIER ARTICLE.

Il y a un demi-siècle que la côte septentrionale de l'Afrique, à l'ouest de l'Égypte, était le seul pays où la lumière de l'Évangile avait entièrement disparu, après un établissement complet et de longue durée. Succombant dans une lutte dont nous connaissons fort peu les détails, les populations, depuis Tripoli jusqu'à l'océan Atlantique, oubliant la langue et la religion de Rome devenue chrétienne, s'étaient soumises au joug du prophète arabe. De nos jours, il est vrai, la face de ce littoral a changé en partie. Les armes françaises ont rendu à la croyance de saint Augustin et à la civilisation de l'Europe la Mauritanie césarienne et la Numidie occidentale; l'Algérie, où florissaient des cités opulentes, où dormaient tant de débris de la langue et des arts de Rome, a mis au jour de nombreuses inscriptions et plusieurs monuments qu'elle recélait; elle ressent aujourd'hui les heureux effets d'un gouvernement éclairé et stable. Mais une grande partie de l'Afrique

romaine, la plus importante peut-être et la plus riche, l'Afrique proprement dite, est restée musulmane. Siége principal de la puissance carthaginoise, elle forme actuellement la régence de Tunis, gouvernée par un bey dont le pouvoir, absolu dans les villes, restreint et quelquefois contesté loin de sa résidence, s'étend entre les limites de l'Algérie et celles de la régence de Tripoli; c'est la Zeugitane et la Byzacène des anciens. Depuis Léon l'Africain, mort vers 1526, cette contrée, que chaque siècle a marquée de son empreinte, a été l'objet d'une série d'observations et de travaux qui ne furent jamais entièrement interrompus, bien que la direction n'en ait pas été toujours confiée au même peuple, et que tous n'aient pas contribué dans une proportion égale à la construction de l'édifice, qui, grâce surtout aux découvertes faites par des savants français et anglais, sera peut-être un jour le fruit de leur labeur commun et de leur ardeur soutenue. Il y a peu d'années que, sous un sol exhaussé par des décombres, M. Beulé a retrouvé les restes de la Carthage punique1, que M. Davis a exploré cette terre de ruines où tous les âges se pressent entassés 2; d'autres voyageurs encore ont également obtenu des résultats précieux. Mais leurs recherches archéologiques ne pouvaient être aussi complètes que celles qui, depuis trente ans, ont été entreprises en Algérie. A la vérité, les autorités musulmanes, devenues moins intolérantes que jadis, et surtout plus avides, laissent aujourd'hui paisiblement visiter ces silencieux débris qu'ils regardent d'un œil indifférent; mais la masse de la population se prête difficilement à l'entrée des chrétiens dans les maisons particulières et dans les monuments publics. Sur presque tous les points du pays, à mesure qu'on s'éloigne de la résidence du bey, la facilité de lui désobéir ou d'éluder ses ordres produit une sorte d'anarchie; et plus d'une fois des explorateurs isolés ont éprouvé tout ce qu'il y a de fatigant et de dangereux à être l'objet des soupçons chimériques ou de la curiosité inquiète d'un peuple ignorant et à demi sauvage.

Néanmoins, la contrée où florissait jadis Carthage, où elle fut pendant si longtemps la dominatrice des mers, ne laisse pas d'avoir un attrait puissant; et le nombre des voyageurs ayant examiné avec intelligence et succès les monuments anciens de la régence de Tunis, ou,

1 Fouilles à Carthage, Paris, 1861, Imprimerie impériale, un volume in-4°, avec six planches. — 2 Carthage and her remains, being an account of the excavations and researches on the site of the phenician metropolis, Londres, 1861, in-8°, avec des gravures. Cet ouvrage de M. Davis a été suivi de près par un autre intitulé Ruined cities within numidian and carthaginian territories, Londres, 1862, in-8°; il est accompagné d'une carte.

comme l'appellent nos géographes, de la Tunisie, ce nombre, disonsnous, vient d'être augmenté par l'auteur de l'ouvrage dont nous essayerons de donner l'analyse. On en doit la publication à un généreux protecteur, qui sait discerner le talent et lui fournir les objets sur lesquels il peut s'exercer avec fruit. Personne n'ignore que, jouissant d'une grande fortune, M. le duc de Luynes a préféré l'érudition aux occupations faciles, les études linguistiques et archéologiques aux arts frivoles et aux divertissements bruyants du monde; qu'il a tourné son activité studieuse vers un but exclusivement intellectuel. Aussi, tant que les lettres seront cultivées en France, on n'oubliera jamais le nom de celui qui, avec une magnificence rarement déployée en leur faveur, a su encourager les recherches savantes, inspirer le goût de l'étude, animer l'émulation et seconder les découvertes. Il y a environ trente ans qu'au centre de la Tunisie, parmi les ruines de la ville romaine de Thugga, un voyageur actif et lettré, sir Grenville Temple, remarqua un énorme bloc engagé dans la façade orientale d'un mausolée construit avec un luxe grandiose et délicat. Ce bloc était revêtu de deux inscriptions, l'une punique, l'autre libyque ou berbère; copié et publié par M. Grenville Temple, ce curieux monument épigraphique1 attira l'attention des orientalistes de l'Europe et exerça leur sagacité. Les inscriptions bilingues sont rares dans l'Afrique proprement dite, et les textes en langue libyque sont en si petit nombre, qu'il en résulte l'impossibilité jusqu'ici insurmontable d'arriver à leur déchiffrement complet. On y parviendra peut-être un jour en s'aidant de quelque dialecte kabyle; mais, dans l'état actuel de nos connaissances, l'idiome parlé jadis sur le littoral, soit simultanément avec le punique et le latin, soit antérieurement à l'un et à l'autre, reste l'un des plus obscurs mystères de la science linguistique. Sans doute on ne peut guère espérer de parvenir, en recueillant avec soin les monuments dont il s'agit, à rétablir en entier les annales des peuples autochthones du nord de l'Afrique; mais au moins peut-on raisonnablement se flatter d'arriver à la connaissance de quelques faits principaux, d'entrevoir quelle fut la vie domestique et morale des anciennes populations de la Numidie, et de faire pénétrer au sein des ténèbres qui couvrent leur origine une lumière assez vive pour en laisser désirer une plus vive encore.

Ce furent sans doute des considérations de ce genre qui inspirèrent à M. le duc de Luynes le désir de posséder une copie aussi fidèle que

Il se trouve gravé au volume II, p. 352 de l'ouvrage de M. Temple intitulé Excursions in the Mediterranean; Algiers and Tunis. Londres, 1835, 2 volumes in-8°.

possible de l'inscription libyque de Thugga, et de comparer cette copie avec celle que l'on devait déjà à sir Grenville Temple. En épigraphie on ne peut trop multiplier le nombre des hommes patients et habiles qui, se pénétrant de l'esprit, des sentiments, des passions d'une autre société et d'une autre époque, agrandissent le domaine de l'histoire en essayant de lire des lignes à moitié effacées, de compléter des mots dont leurs devanciers n'avaient pu distinguer que quelques lettres. Mais, pour obtenir de pareils résultats, surtout dans un pays mahométan, il fallait un philologue jeune encore, familiarisé avec toutes les difficultés de ce genre d'explorations, doué enfin d'un caractère qui fait trouver des jouissances dans le travail même auquel il se livre, et qui ne croit aucun temps mieux employé que celui qu'il consacre à enrichir la science.

L'ouvrage dont nous donnons l'extrait prouve que ces diverses qualités ne manquaient pas à M. Guérin. Il avait complété ses études à l'École française d'Athènes, où se sont formés tant d'habiles professeurs qui, non contents des connaissances puisées dans les livres, ont parcouru la Grèce entière pour recueillir sur les lieux mêmes, par l'inspection iminédiate du sol, ces notions que rien ne supplée, quand on veut arriver à bien juger l'antiquité. Plus tard, ayant visité la Syrie et l'Égypte, il se fit connaître comme observateur sagace et comme topographe exact par des publications sur trois îles renommées de l'Archipel, sur Samos, Patmos et Rhodes'. Les archéologues apprirent donc avec plaisir que S. E. M. Rouland, ministre de l'instruction publique, et M. le duc de Luynes, qui, dans sa munificence habituelle, fournit aux frais de la mission, que ces deux protecteurs éclairés, disonsnous, avaient chargé M. Guérin non-seulement de prendre une nouvelle copie de l'inscription de Thugga, mais encore de faire, dans les localités qu'il allait parcourir, toutes les recherches épigraphiques que l'on pourrait y entreprendre. C'étaient de nouvelles investigations à faire sur un sol nouveau; notre voyageur s'y prépara avec ardeur. Il lut les principaux ouvrages anciens et modernes qui se rapportent à la Tunisie; il compara tout, brochures, cartes, itinéraires, et consulta de savants amis, tels que MM. Guigniaut et Egger. D'un autre côté,

Voici les titres de ces monographies: Description de l'île de Patmos et de l'île de Samos, Paris, 1856, in-8°; Etudes sur l'île de Rhodes, Paris, même année et même format. Une partie des observations faites par M. Guérin en Syrie se trouve consignée dans une dissertation écrite en latin De ora Palæstina, a promontorio Carmelo usque ad urbem Joppen pertinente. Chacun de ces trois ouvrages est accompagné d'une carte offrant plusieurs détails nouveaux.

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