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nos documents ne se terminaient pas à ce jour même, nous verrions qu'elle se prolongea plus avant, et que, dans l'héritage de l'empire, elle échut à Conrad, le fils et le successeur de Frédéric.

Ses revers politiques et surtout des malheurs de famille affligèrent les dernières années de l'empereur sans abattre sa fierté; et les prérogatives de l'empire, qu'il avait soutenues jusqu'à la fin par les armes, il les revendiquait encore en mourant, dans l'acte de sa dernière volonté. Nous lisons dans un testament écrit trois jours avant sa mort, le 10 décembre1: «< Item statuimus ut sacrosancte Romane Ecclesie, matri nostre, << restituantur omnia jura sua, salvis in omnibus et per omnia jure et <«< honore imperii, heredum nostrorum et aliorum fidelium, si ipsa Ec«< clesia restituat jura imperii. » L'approche du moment suprême ne lui inspira nulle clémence pour les attentats commis contre l'empire; parmi les condamnés envers lesquels il use d'indulgence, il excepte formellement ceux qui étaient détenus pour crime d'État; il prétendit même exercer sa sévérité au delà de sa vie, et il interdit à l'héritier de sa couronne de leur jamais faire grâce 2.

Cependant il sentit s'éveiller dans son cœur des sentiments de justice et de mansuétude, qui se manifestèrent par des restitutions aux églises, et un retour à plus de douceur envers ses sujets; il se souvint alors, trop tard hélas! des prospérités de la Sicile sous le règne de Guillaume le Bon, et il voulut que ses sujets siciliens fussent soulagés du fardeau des impôts, comme au temps de ce roi bien-aimé3.

Ainsi que plusieurs des princes qui marquent une époque dans l'histoire, Frédéric II fut législateur; et M. H. Bréholles a donné, au IV volume de l'Historia diplomatica, le texte des lois que cet empereur a publiées, en 1231, dans l'assemblée solennelle de Melfi'.

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L'original du testament de Frédéric II est perdu, et les nombreuses copies qui existent dans les archives diverses ne s'accordent point sur la date; la chronique De rebus in Italia gestis, où il est rapporté, p. 228, dit le 17 décembre. L'éditeur de cette chronique, M. H. Bréholles, a montré en cet endroit que la date la plus vraisemblable, la vraie sans doute, est le 10 décembre. « Item <«< statuimus ut omnes captivi in carcere nostro detenti liberentur preter illos de imperio et preter illos de regno qui capti sunt ex proditione nota..... Item « volumus quod nullus de proditoribus regni in aliquo tempore reverti audent in regnum, nec aliqui de eorum genere succedere possint; immo heredes nostri « teneantur vindictam de eis sumere. » — 3 Item statuimus ut omnibus ecclesiis et « domibus religiosis restituantur jura earum et gaudeant solita libertate. - Statuimus " ut homines regni nostri sint liberi et exempti ab omnibus generalibus collectis, * sicut consueverunt esse tempore regis Guillelmi secundi, consobrini nostri, etc. » (Hist. dipl. t. VI, 805-810.) — «Constitutiones regni Siciliæ a Federico secundo

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Imprimées pour la première fois à Naples, en 1475, d'après des manuscrits très-défectueux, toutes les éditions qui suivirent sont également fautives, jusqu'à celle que donna, avec plus de soin, à Francfort, en 1613, Lindebrog (Frédéric), dans son recueil Codex legum antiquarum, etc. Enfin Carcani, directeur de l'imprimerie royale à Naples, publia, en 1786, un texte rendu plus correct par la comparaison attentive qu'il avait faite des diverses éditions alors connues. M. H. Bréholles, à son tour, a conféré ce texte avec deux manuscrits de notre bibliothèque (ancien fonds latin 4624 A et 4625); il l'a accompagné de notes, de leçons prises dans les éditions précédentes, et qu'il pouvait être utile de conserver, de variantes qu'offre une ancienne version grecque, dont le manuscrit se trouve à la Bibliothèque impériale, sous le n° 33702, et qui, selon Montfaucon, avait été écrite du temps même de l'empereur Frédéric, enfin de leçons nouvelles proposées avec perspicacité et discrétion. On voit que M. H. Bréholles n'a rien négligé pour donner de ce code célèbre un texte aussi irréprochable, aussi parfait qu'il est possible.

Ce recueil de lois, divisé en trois livres et en un grand nombre de titres, est un véritable code universel: civil, criminel, de procédure, de simple police, qui embrasse à la fois les questions religieuses, les matières féodales, qui règle les moindres litiges des particuliers, et sauvegarde les grands intérêts de la société, qui édicte le châtiment de l'homme coupable d'assassinat aussi bien que la peine due à l'infidélité de celui qui s'approprie un objet trouvé par hasard, qui, enfin, commence par les titres De Hereticis et Patarenis, ou De his qui in regno guerram moverint, pour arriver à la contravention du paysan qui fait rouir du chanvre en un lieu défendu (de non dealbando prope urbem lino vel canape), et à l'épicier qui vend des électuaires ou des sirops sans l'approbation du médecin.

Dans cette œuvre législative, dont une partie seulement est une compilation, sont réunies quelques lois des rois Guillaume et Roger, adoptées par l'empereur Frédéric, à celles de cet empereur lui-même.

Ce corps de lois anciennes et nouvelles a une date précise: c'est celle de l'assemblée de Melfi, durant laquelle il fut proclamé (août et septembre 1231).

Dans la déclaration placée à la fin de cet acte législatif, Frédéric le présente non aux votes de ses sujets, mais à leurs acclamations: «< In

" apud Melfiam edita, in quibus leges tam a suis prædecessoribus quam ab ipso antea publicatæ concluduntur.» (Hist. dipl. t. IV, 1-178.)

<<< reverentiam Serenitatis auguste et honorem regie dignitatis, accipite «gratanter, o populi, constitutiones istas, tam in judiciis quam extra ju«dicia potituri. Quas per magistrum Petrum de Vineis capuanum, ma«gne curie nostre judicem et fidelem nostrum, mandavimus compilari1. » Mais M. H. Bréholles considère comme une interpolation la phrase où Pierre des Vignes est donné comme le rédacteur des constitutiones. « Lo<«< cum istum, dit-il, qui in codice 4625 et in græco deest, interpola« tum censemus. » Et il attribue cette rédaction principalement à Jacques de Capoue. «Jacobus autem, capuanus archiepiscopus, præcipuus <«< harum constitutionum dictator fuisse videtur. >>

M. H. Bréholles a mis à part les lois de Frédéric II postérieures à l'assemblée de Melfi, et, sous le titre de Nove constitutiones regni Siciliæ a Friderico secundo variis temporibus et locis, post Melfiense consistorium editæ, il a réuni, selon l'ordre de la matière, des actes qui, dans les anciennes éditions, sont dispersés çà et là et confondus pêle-mêle parmi toutes les autres constitutions, et se trouvent ainsi classés sous des titres auxquels ils n'ont aucun rapport.

L'ensemble des lois de Frédéric, qui n'occupe pas moins de 254 pages de ce volume, offre le sujet d'une étude bien instructive et très-propre à faire connaître l'esprit et les mœurs du temps où cette législation était en vigueur et gouvernait la société pour laquelle elle avait été édictée.

A quatre ans de là, nous trouvons une espèce d'acte additionnel, constitutio generalis 2 (comme s'exprime la promulgation), acte dont l'expérience avait sans doute montré la nécessité « pour le maintien de fa paix « et l'observation de la justice, » ces deux principaux fondements de l'autorité des rois, l'espérance des bons et l'effroi des méchants3.

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Ce supplément de lois est divisé en quinze articles, et, si, comme dans les constitutions données précédemment, il est ici certaines dispositions qui, même en faisant la part du temps, sembleraient étranges à qui les apprécie aujourd'hui, beaucoup sont marquées au coin d'une haute sagesse et restent d'une éternelle vérité.

Nous ne dirons pas assurément que Frédéric II ait demandé pour ses fois la consécration du vœu populaire, mais il déclare qu'il les a soumises à la discussion et qu'il a demandé conseil et assentiment aux princes ecclésiastiques et séculiers, aux nobles et autres sujets de l'em

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1 Hist. dipl. t. IV, p. 176. — « Fridericus, Romanorum imperator, constitutio« nem generalem promulgat, sub quindecim capitulis distinctam, ad statum impe<«<rii in observantia pacis et executione justitie reformandum. » « Ex his enim precipue munitur auctoritas imperantis, quum in observantia pacis et executione justitie quantum terribilis est adversis tantum est desiderabilis mansuetis. »

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pire; la formule finale est d'ailleurs la preuve qu'il n'invoquait pas le plein pouvoir et la science certaine : «Ad generalem statum et tranquillitatem imperii edite et promulgate sunt hee constitutiones de « consilio et assensu principum tam ecclesiasticorum quam secularium, « necnon plurimorum nobilium et aliorum fidelium imperii, in so«<lempni curia celebrata Maguncie, anno incarnationis Domini MCCXXXV, << mense Augusti1. » N'y a-t-il pas là comme un germe et quelques premiers linéaments d'États généraux et de représentation par ordres?

Cependant les constitutions de Frédéric, données sans le concours réel des sujets, restaient à la merci de l'empereur; aussi nous les voyons au besoin modifiées par la seule volonté du prince qui en a fait l'octroi. Nous avons dit que l'assemblée de Melfi s'était tenue en août et septembre 1231, et, dès le mois d'octobre 1233, un privilége est donné à ceux de Palerme, «non obstantibus novis constitutionibus1; » et cela sans prendre l'avis de personne : « Dignum duxit nostra Serenitas..... »

Néanmoins les lois données par Frédéric II font une bonne partie de sa renommée; ce sont elles plus que toute autre chose qui l'ont placé au rang des princes dont on garde le souvenir, et c'est surtout comme législateur que l'histoire a consacré son nom.

Cette riche collection de documents tirés de tant d'archives ou de collections imprimées, recueillis avec tant de soin, éclaircis, s'ils sont obscurs, corrigés, s'ils sont défectueux, dont beaucoup paraissent ici pour la première fois, rangés dans un ordre chronologique rigoureux, s'expliquent et se corroborent l'un l'autre par leur rapprochement; s'ils ne forment pas une véritable histoire, ils présentent à l'esprit attentif qui les étudie et qui les coordonne par la pensée quelque chose de plus saisissant, de plus vivant peut-être et de plus instructif qu'ils ne feraient employés et arrangés dans la suite d'un récit où leur caractère propre et leur primitive originalité seraient nécessairement plus ou moins effacés, et, dans cette étude, on est dédommagé d'une lecture moins facile par une impression plus directe et plus profonde.

Toutefois on comprend que l'examen d'un tel recueil impose une tâche un peu ingrate au critique réduit, pour faire connaître le livre, à indiquer des pièces et à dresser comme une sorte d'inventaire. Nous avons beaucoup cité; il nous a semblé qu'en pareil cas les citations pouvaient diminuer la sécheresse de l'analyse. Le style des pièces principales, empreint de l'esprit du temps, animé des ardeurs de la lutte, laisse aux faits leur naïve signification, et leur vrai caractère aux per

1 Hist. dipl. t. IV, p. 749.

sonnes; le langage des textes est encore de l'histoire, c'en est du moins une nuance expressive et fidèle.

Il nous reste à rendre compte du volume d'Introduction, qui a paru l'un des derniers, et qui est l'œuvre propre de M. H. Bréholles.

(La suite à un prochain cahier.)

M. AVENEL.

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

INSTITUT IMPÉRIAL DE FRANCE.

ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.

Dans sa séance de vendredi 20 novembre, l'Académie des inscriptions et belleslettres a élu M. Pertz, à Berlin, associé étranger, en remplacement de M. Jacob Grimm, décédé.

ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS.

Dans sa séance du samedi 21 novembre, l'Académie des beaux-arts a élu M. Donaldson, architecte à Londres, à la place d'associé étranger, vacante par le décès de M. Cockerell.

ACADÉMIE DES SCIENCES MORALES ET POLITIQUES.

M. Villermé, membre de l'Académie des sciences morales et politiques, est mort à Paris le 16 novembre 1863.

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