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DE

DROIT PÉNAL.

INTRODUCTION.

TITRE I.

IDÉES SOMMAIRES D'INTRODUCTION PHILOSOPHIQUE.

CHAPITRE PREMIER.

NOTION ET NATURE DU DROIT PÉNAL.

Notion de la loi et du droit en général. · Différence entre le droit et la morale. Droit rationnel et droit positif. Le droit proprement dit ou le précepte, les juridictions, et la procédure. Notion du droit pénal. Il intervient dans toutes les branches du droit. Il se divise à son tour en précepte pénal, juridictions pénales, et procédure pénale. Il fait partie du droit public interne.

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1. On ne donne pas une notion exacte du droit en général, quand on le définit : « Ce qui est prescrit par l'autorité législative (quod jussum est), » définition matérialiste, dans laquelle on prend le fait pour le droit.

2. Ni quand on le définit : « Ce qui est bon et juste, ou bon et équitable (quod semper æquum et bonum est, suivant Paul); ou l'art du bon et du juste, l'art du bon et de l'équitable (ars boni et æqui, suivant Ülpien): apparence de définition spiritualiste, qui ne consiste réellement qu'à mettre un mot à la place d'un autre; car qu'est-ce que le bon, qu'est-ce que le juste, qu'est-ce que l'équitable?

3. L'étude philologique de la dénomination employée, jus en latin, droit en français (quæstio nominis), ne fournit pas une

notion plus satisfaisante: soit que prenant le mot latin jus, on n'y voie qu'un sens matériel (quod jussum est); soit qu'on y cherche une origine toute spirituelle, et qu'avec Vico on le fasse dériver de Jovis, Jupiter, ou, avec saint Augustin, de la voix de Dieu qui parle et enseigne aux hommes (fatur et jubet, d'où fas et jus) ce qu'il leur est permis, ce qu'il leur est commandé ou défendu dé faire; soit, enfin, que, s'attachant à l'expression française droit, on y fasse remarquer l'idée d'une figure de géométrie, celle de la ligne droite, c'est-à-dire de la ligne la plus courte, de la ligne non arbitraire d'un point à un autre, et de la règle ou de l'instrument qui sert à tracer cette ligne.

Les sciences, comme la littérature, parlent souvent par images, par métaphores; mais sous ces métaphores il faut savoir ce qu'il y a réellement; il faut arriver, simplement et sans figure, à une notion exacte et précise. Or pour obtenir celle du droit, il est nécessaire de remonter à celle de loi. L'une marchera à la suite de l'autre.

4. Si, dans le monde des objets matériels qui nous entourent, nous voyons un phénomène physique s'accomplir une pierre tomber vers la terre, une bulle de savon s'élever dans l'air, une planche flotter à la surface de l'eau, et l'eau courir, en suivant sa pente, du ruisseau au fleuve et du fleuve à la mer; si, au contact de certaines nuées, l'éclair jaillit, puis le tonnerre roule; si le jour succède à la nuit, et la nuit au jour; ou que le cortège varié de chaque saison ait une fois passé graduellement devant nous : témoins de ces faits et de mille autres encore, nous arrêteronsnous au fait isolé, au phénomène déterminé qui s'est accompli sous nos yeux, ou bien notre esprit ne s'èlancera-t-il pas au delà? Penserons-nous que chacun de ces phénomènes est un accident, un hasard, une éventualité; et que, les mêmes données se reproduisant, il ne se reproduira plus ou arrivera d'une tout autre manière? Telle certainement ne sera pas notre pensée. Le phénomène une fois observé, nous nons attendons au même retour si les mêmes conditions se réalisent. Nous portons en nous la conviction intime qu'il y a dans l'accomplissement de ce phénomène une série de forces en jeu, un enchaînement de causes et d'effets successifs, d'où, en définitive, une nécessité que tel résultat se produise; ou, en d'autres termes, ce que nous appelons une loi. Une loi, dans l'ordre physique, n'est autre chose en effet qu'une nécessité de mouvement ou de repos, de transformations ou de modifications; ou, pour tout réduire à des expressions plus générales, une nécessité d'action ou d'inaction des corps les uns à l'égard des autres. L'esprit de l'homme, en présence de tout phénomène, est travaillé du besoin de découvrir et de préciser quelle est la nécessité immédiate, c'est-à-dire la loi la plus proche sous l'empire de laquelle le fait a eu lieu; de remonter de celle-ci à celle qui la précède; et se poussant de plus en plus dans un enchaine

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ment de nécessités ou lois successives dont l'une le conduit à l'autre, de marcher sans cesse de degré en degré vers l'idéal d'une loi générale, principe générateur de toutes les autres. Un des modes de raisonnement les plus naturels à l'homme, une des conclusions de logique les plus usitées, sans étude et pour ainsi dire par instinct, ne repose que sur la croyance innée à l'existence de ces lois; « cela s'est passé ainsi, donc cela se passera encore de même, ou l'induction: tel est, on peut le dire, le principal fondement de nos connaissances. Ne percevoir que le phénomène, en s'arrêtant à la sensation de l'effet produit, est d'une nature bornée, d'une organisation brute; s'inquiéter de la cause au moins la plus voisine et chercher à s'en rendre compte appartient aux esprits même les plus vulgaires; mais plus l'intelligence est éle→ vée, plus elle embrasse en abstraction la série graduelle des lois; plus elle est possédée du besoin de parvenir à les connaître; plus elle tend à satisfaire ce besoin. La connaissance, ou, pour mieux dire, le souvenir des phénomènes, comme purs phénomènes, quelque nombreux qu'ils soient, n'est qu'un acte de mémoire, qu'une chose de fait; c'est la connaissance des lois qui seule constitue la

science.

5. Qui dit loi dit nécessité, et qui dit nécessité dit contrainte le moyen de contrainte d'où résultent les lois de l'ordre matériel git dans les forces mêmes de la création. Ni les objets qui y sont soumis ne peuvent s'y soustraire, ni l'homme par ses efforts ne les peut empêcher; les obstacles qu'il semble mettre à l'accomplissement de ces lois n'en provoquent, au contraire, que l'accomplissement même : c'est le paratonnerre qui garantit la maison parce qu'il sert au fluide électrique à aller se décharger dans la terre; toute l'industrie, tout le pouvoir de l'homme se borne à fournir l'occasion à la loi de fonctionner; à disposer les choses de telle sorte que la loi dont il veut profiter entre en application et produise son effet. Le propre des lois physiques est d'être permanentes, invariables et inviolables.

6. A mesure qu'on passe de la matière inerte et non organisée aux êtres construits de manière à former chacun une individualité

distincte, pourvus d'organes remplissant certaines fonctions et dont le fonctionnement produit le phénomène qu'on appelle la vie, on trouve à côté des nécessités ou lois purement physiques, auxquelles restent toujours soumis les éléments matériels dont se composent ces êtres, un ensemble de nécessités d'actions ou d'inactions d'un ordre plus élevé. Il s'agit, en effet, ici des actions ou inactions qui constituent le fonctionnement même des divers organes, en rapport soit avec les corps intérieurs ou extérieurs, soit l'un avec l'autre. Ces nécessités d'actions ou d'inactions organiques, d'où résultent les mille phénomènes de la vie, naissance, accroissement, décadence progressive, finalement désorganisation et retour à la matière inerte, portent le nom de lois physiologiques. Le moyen

notion plus satisfaisante: soit que prenant le mot latin jus, on n'y voie qu'un sens matériel (quod jussum est); soit qu'on y cherche une origine toute spirituelle, et qu'avec Vico on le fasse dériver de Jovis, Jupiter, ou, avec saint Augustin, de la voix de Dieu qui parle et enseigne aux hommes (fatur et jubet, d'où fas et jus) ce qu'il leur est permis, ce qu'il leur est commandé ou défendu de faire; soit, enfin, que, s'attachant à l'expression française droit, on y fasse remarquer l'idée d'une figure de géométrie, celle de la ligne droite, c'est-à-dire de la ligne la plus courte, de la ligne non arbitraire d'un point à un autre, et de la règle ou de l'instrument qui sert à tracer cette ligne.

Les sciences, comme la littérature, parlent souvent par images, par métaphores; mais sous ces métaphores il faut savoir ce qu'il y a réellement; il faut arriver, simplement et sans figure, à une notion exacte et précise. Or pour obtenir celle du droit, il est nécessaire de remonter à celle de loi. L'une marchera à la suite de l'autre.

4. Si, dans le monde des objets matériels qui nous entourent, nous voyons un phénomène physique s'accomplir une pierre tomber vers la terre, une bulle de savon s'élever dans l'air, une planche flotter à la surface de l'eau, et l'eau courir, en suivant sa pente, du ruisseau au fleuve et du fleuve à la mer; si, au contact de certaines nuées, l'éclair jaillit, puis le tonnerre roule; si le jour succède à la nuit, et la nuit au jour; ou que le cortège varié de chaque saison ait une fois passé graduellement devant nous : témoins de ces faits et de mille autres encore, nous arrêteronsnous au fait isolé, au phénomène déterminé qui s'est accompli sous nos yeux, ou bien notre esprit ne s'èlancera-t-il pas au delà? Penserons-nous que chacun de ces phénomènes est un accident, un hasard, une éventualité; et que, les mêmes données se reproduisant, il ne se reproduira plus ou arrivera d'une tout autre manière? Telle certainement ne sera pas notre pensée. Le phénomène une fois observé, nous nous attendons au même retour si les mêmes conditions se réalisent. Nous portons en nous la conviction intime qu'il y a dans l'accomplissement de ce phénomène une série de forces en jeu, un enchaînement de causes et d'effets successifs, d'où, en définitive, une nécessité que tel résultat se produise; ou, en d'autres termes, ce que nous appelons une loi. Une loi, dans l'ordre physique, n'est autre chose en effet qu'une nécessité de mouvement ou de repos, de transformations ou de modifications; ou, pour tout réduire à des expressions plus générales, une nécessité d'action ou d'inaction des corps les uns à l'égard des autres. L'esprit de l'homme, en présence de tout phénomène, est travaillé du besoin de découvrir et de préciser quelle est la nécessité immédiate, c'est-à-dire la loi la plus proche sous l'empire de laquelle le fait a eu lieu; de remonter de celle-ci à celle qui la précède; et se poussant de plus en plus dans un enchaine

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