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prononcer la mise en surveillance; mais qu'il n'en est pas de même pour la confiscation.

1641. Lorsque la même cause présente à la fois des circonstances aggravantes, des excuses et des circonstances atténuantes, voici comment et dans quel ordre le juge doit opérer. Il doit : 1° Se reporter à la peine édictée par la loi contre le crime ou le délit à l'état normal; 2° Augmenter cette peine comme l'ordonne la loi à raison des circonstances aggravantes constatées; 3o Opérer, sur cette peine ainsi aggravée, l'atténuation voulue par les excuses dont il s'agit; 4o Enfin, sur la peine formant le résultat final de cette dernière opération, effectuer l'abaissement motivé par les circonstances atténuantes (ci-dess., n° 1127 et suiv.).

§ 4. Modification des peines à raison de l'état physique des condamnés.

1642. Les modifications dont il s'agit ici ne constituent pas une différence de mesure dans la quotité de la peine, motivée par des différences de culpabilité morale ou d'intérêt social; elles sont déduites de considérations sur l'état physique des condamnés. Les considérations de cette sorte en notre droit positif sont au nombre de deux le sexe et la vieillesse.

1643. Quant au sexe, nous savons comment, dans l'exécution de l'emprisonnement de peine, les principes rationnels veulent que des établissements distincts, non-seulement par quartiers, mais totalement séparés, soient consacrés aux femmes d'une part et aux hommes de l'autre (ci-dess., no 1486); et comment, en fait, l'administration tend à arriver à ce résultat, qui n'est pas encore atteint d'une manière complète dans notre pratique. Le système de la loi du 5 août 1850, relative aux jeunes détenus, a été construit sur cette distinction (ci-dess., p. 703, en note). Mais nous ne trouvons de disposition impérative, dans notre Code pénal, quant à une modification de peine ordonnée à raison du sexe, que celle de l'article 16, qui veut que les femmes ne puissent subir la peine des travaux forcés que dans l'intérieur d'une maison de force (ci-dess., p. 690, note 2). Cette disposition, aux termes de l'article 4 de la loi du 30 mai 1854, cesse d'être applicable du moment qu'il s'agit d'exécuter les travaux forcés par la transportation dans une colonie pénale; les femmes pouvant être transpor tées dans ces colonies, avec les modifications prescrites par cet article 4 (ci-dess., p. 690, note 3).

1644. Quant à la vieillesse, les articles 70, 71, 72 du Code pénal avaient fixé l'âge de soixante-dix ans accomplis pour limite à laquelle les peines de la déportation et des travaux forcés, soit à perpétuité, soit à temps, ne seraient plus prononcées contre le vieillard, mais devraient être transformées, en conservant chacuné leur durée, la première en détention, et les autres en réclusion: la déportation, parce qu'une longue navigation et un changement

lointain de climat; les travaux forcés, parce que des travaux de force incompatibles avec la faiblesse des ans, seraient, en ce grand âge, des causes indirectes de mort que la loi pénale ne peut vouloir imposer au condamné (1). - A l'égard des travaux forcés, il y avait en outre cela de particulier que, si la prononciation et l'application en avaient eu lieu avant la limite de soixante-dix ans, ils devaient cesser dès que cette limite était atteinte, pour faire place à la réclusion dans une maison de force (C. p., art. 72). La déportation n'était pas soumise à une règle analogue, parce que la longue traversée et l'acclimatation une fois accomplies avant l'âge de soixante-dix ans, il n'y avait plus de raison pour la transformation de la peine à cet âge.

Ces dispositions du Code pénal et cette limite de soixante-dix ans accomplis restent toujours les mêmes en ce qui concerne la déportation simple. La loi de 1850 ne les ayant pas étendues à la déportation dans une enceinte fortifiée, malgré les considérations identiques qui les recommandent moralement, elles n'y sont pas obligatoires.

Quant aux travaux forcés, soit à perpétuité, soit à temps, la loi du 30 mai 1854, en vue des besoins coloniaux, des frais de transport et de la population robuste qui est nécessaire dans les établissements, a avancé la limite et l'a placée à soixante ans accomplis (art. 5 de la loi). En même temps, s'agissant de transportation, elle a déclaré abrogé l'article 72 du Code pénal, qui cependant fera défaut, et dont les dispositions nécessaires ne seront plus remplacées que par voie administrative, tant que les travaux forcés continueront à se subir en France, ce qui est encore le cas pour la majeure partie des condamnés.

1645. La difficulté soulevée au sujet de la mort civile, quant à la question de savoir si la détention ou la réclusion perpétuelles devaient entraîner cette mort lorsqu'elles étaient prononcées contre le septuagénaire en place de la déportation ou des travaux forcés à perpétuité, n'existe plus aujourd'hui quant aux incapacités que la loi du 31 mai 1854 a substituées à la mort civile, cette loi attachant formellement ces incapacités à toutes les peines afflic tives perpétuelles, sans distinction.

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(1) Code pénal. Art. 70. Les peines des travaux forcés à perpétuité, de la dépor»tation et des travaux forcés à temps, ne seront prononcées contre aucun individu âgé de soixante-dix ans accomplis au moment du jugement. » (Modifié en ce qui concerne les travaux forcés, par l'article 5 de la loi du 30 mai 1854.)

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Art. 71. Les peines seront remplacées, à leur égard, savoir: celle de la déportation par la détention à perpétuité; et les autres, par celle de la réclusion, soit à perpétuité, soit à temps, selon la durée de la peine qu'elle remplacera.

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Art. 72. Tout condamné à la peine des travaux forcés à perpétuité ou à temps,

dès qu'il aura atteint l'âge de soixante-dix ans accomplis, en sera relevé, et sera ren

fermé dans la maison de force pour tout le temps à expirer de sa peine, comme s'il • n'eût été condamné qu'à la réclusion.. (Déclaré abrogé par l'article 5 de la loi da 30 mai 1854.)

1646. A part la déportation et les travaux forcés, aucune autre peine, ni celle de mort ni autre, n'est modifiée ou commuée par notre loi à raison de la vieillesse.

TITRE VI.

DES DROITS D'ACTION ET DES DROITS D'EXÉCUTION.

CHAPITRE PREMIER.

DE LA NAISSANCE ET DU CARACTÈRE DES DROITS D'ACTION
ET DES DROITS D'EXÉCUTION.

1647. Le délit donne naissance à deux droits: l'un, qui appartient à la société, celui de punir le coupable; l'autre, qui appartient à la partie lésée, celui de faire réparer le préjudice occasionné. Du premier naît pour la société le droit d'agir devant l'autorité compétente pour obtenir cette punition; du second naît pour la partie lésée le droit d'agir pour obtenir cette réparation : droits sanctionnateurs qui se nomment, l'un action publique, et

l'autre action civile.

La société, être collectif, ne pouvant agir par elle-même, est obligée de déléguer l'exercice de son droit. Elle ne le délégue chez nous qu'à des fonctionnaires ou à certaines administrations publiques, et notamment, en règle générale, à un corps judiciaire ad hoc, nommé collectivement le ministère public. Notez que l'action publique n'appartient pas à ces fonctionnaires; c'est à la société qu'elle appartient; quant aux fonctionnaires, ils n'en ont que l'exercice par délégation, en qualité de mandataires, d'où il suit qu'ils n'ont pas le droit d'en disposer hors des limites de leur mandat. L'action civile, au contraire, est bien la propriété de la partie lésée, qui est libre d'en disposer comme de ses autres droits. On conclura de là, si on remarque les expressions dont s'est servi à cet égard l'article 1 de notre Code d'instruction criminelle, qu'il faut renverser l'ordre de ces expressions (1).

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(1) Code d'instruction criminelle. Art. 1. L'action pour l'application des peines n'appartient qu'aux fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi. — L'action en réparation du dommage causé par un crime, par un délit ou par une contravention, ⚫ peut être exercée par tous ceux qui ont souffert de ce dommage. (Renversez, pour plus d'exactitude, l'ordre des expressions soulignées.)

1648. L'action publique est de droit pénal, l'action civile est de droit privé; et cependant elle se lie intimement au droit pénal, beaucoup plus même qu'il n'est d'usage de le dire : Premièrement, par l'importance qu'il est pour la sécurité et pour le bien-être social, non-seulement que la société inflige une peine publique au coupable, mais encore qu'elle contraigne ce coupable à réparer le préjudice qu'il a causé par son délit. L'obligation de la société à cet égard n'est peut-être pas encore suffisamment aperçue (ci-dess., n° 1476).-En second lieu, parce que les deux points sont étroitement liés, le délit ne pouvant être constaté et apprécié au point de vue de la peine méritée sans l'être en même temps au point de vue du préjudice occasionné (ci-dess., n° 958 et suiv.); de telle sorte que nul jamais ne sera mieux à même de statuer sur la réparation que le juge qui statuera sur la répression.

1649. Il est des cas dans lesquels, quoique le principe de l'action publique soit en germe dans le délit même, l'existence ou l'exercice en est subordonné à l'accomplissement de certaine condition : Par exemple, à celle d'une arrestation en France ou d'une extradition, comme dans le cas de l'article 6 du Code d'instruction criminelle (ci-dess., n° 912); - Ou à celle d'une autorisation du conseil d'Etat, à l'égard des fonctionnaires qui jouissent de ce qu'on appelle la garantie constitutionnelle (1) ; — Ou à celle d'un jugement définitif préalable sur une question de droit civil préjudicielle (C. Nap., art. 327); — Ou à celle d'une initiative prise par la partie lésée, comme en cas d'adultère (C. pén., art. 336 et 339); de rapt, dans les termes de l'article 357 du Code pénal; d'offenses, diffamations, injures contre certaines personnes publiques ou privées (loi du 26 mai 1817 et autres sur la presse); de fraude par des fournisseurs des armées de terre ou de mer (C. pén., art. 433); de crimes commis en pays étranger par un Français contre un Français (C. i. c., art. 7); de délit de chasse sur le terrain d'autrui sans le consentement du propriétaire, dans les termes de l'article 26 de la loi du 3 mai 1844.

que

1650. Bien qu'il soit permis à la partie lésée, lorsqu'il ne s'agit de délit de police correctionnelle ou de contravention de simple police, de porter directement son action civile devant la juridiction répressive, ainsi que nous aurons à l'expliquer plus tard, et de saisir par là cette juridiction de l'affaire pénale, nous ne disons

(1) Constitution du 22 frimaire an VIII. Art. 75. Les agents du gouvernement autres que les ministres ne peuvent être poursuivis, pour des faits relatifs à leurs fonetions, qu'en vertu d'une décision du conseil d'Etat.

Décret portant règlement intérieur du conseil d'État, du 30 janvier 1852. — Art. 8. En outre des affaires qui lui sont déférées, la section de législation, de justice et des affaires étrangères est chargée de l'examen des affaires relatives: 1o à l'autorisation des poursuites intentées contre les agents du gouvernement ; 2o aux prises

maritimes..

pas, même en ce cas, que cette partie exerce l'action publique, laquelle reste toujours déléguée au ministère public.

1651. La décision du juge sur le procès pénal, du moment qu'elle qu'elle est devenue irrévocable, ou pour mieux dire exécutoire, donne naissance à de nouveaux droits.

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Nous distinguons dans le procès pénal trois solutions ou issues différentes: 1° l'acquittement, qui a lieu lorsque la personne poursuivie n'est pas reconnue coupable; 2° l'absolution, qui a lieu lorsque, la personne poursuivie étant reconnue coupable, le juge décide, en droit, qu'il n'y a pas dans la loi de peine applicable au fait ainsi mis à sa charge: bien que notre Code d'instruction criminelle n'ait établi cette première distinction, soit dans le nom différent donné à chacune de ces solutions, soit dans la forme, soit dans les conséquences, qu'en ce qui concerne les procès-criminels (comparer, à ce sujet, entre eux, les articles 191, 358 et 364 du Code d'instruction criminelle), au fond la nuance existe, en abstraction, dans tous les cas; 3° enfin la condamnation.

1652. Nous n'admettons pas le non liquet (N. L.) des Romains, ni le plus amplement informe, indéfini (usque quo) ou à temps limité, de notre ancienne jurisprudence criminelle. La règle établie depuis la Constituante, c'est que le procès pénal doit avoir une issue définitive; il ne peut pas laisser l'action publique incertaine et suspendue, ni pour un temps indéfini, ni pour un certain temps fixé, sur la tête de la personne poursuivie; si les preuves fournies sont insuffisantes, si le juge, quelque doute, quelque soupçon qu'il puisse conserver sur la culpabilité, n'en est pas convaincu, il acquittera. D'où il suit qu'un acquittement ne signifie pas chez nous que l'acquitté ne soit pas coupable; mais seulement qu'il n'a pas été reconnu tel.

1653. Or, si la solution du procès pénal est une condamnation, dès que cette solution est irrévocable, il s'ouvre pour la société un nouveau droit, le droit d'exécution. Ce droit, comme celui de l'action publique, appartient à la société; mais l'exercice en est délégué par elle à des fonctionnaires ou agents chargés de l'exercer en

son nom.

Et réciproquement, quelle que soit la solution du procès pénal, acquittement, absolution ou condamnation, dès que la solution est irrévocable, il en résulte pour la personne poursuivie le droit de ne plus être recherchée pénalement à raison du même fait. Cette règle n'a pas été formulée d'une manière générale dans nos codes nous ne la trouvons que dans l'article 360 du Code d'instruction criminelle, à l'occasion des procès en cour d'assises, et seulement pour le cas d'acquittement (1). Mais elle doit être géné

(1) Code d'instruction criminelle. Art. 360. Toute personne acquittée légalement ⚫ ne pourra plus être reprise ni accusée à raison du même fait, ▾

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