SCAPIN. Il faut pourtant paroître ferme au premier choc, de peur que, fur votre foibleffe, il ne prenne le piéd de vous mener comme un enfant. Là, tâchez de vous compofer par étude. Un peu de hardieffe, & fongez à répondre réfolument fur ce qu'il vous pourra dire. OCTAVE. Je ferai du mieux que je pourrai. SCAPIN. Çà, effayons un peu, pour vous accoûtumer. Répétons un peu votre rôle, & voyons fi vous ferez bien. Allons. La mine réfolue, la tête haute, les regards affurés. Bon. Imaginez-vous que je fuis votre pere qui arrive, & répondez-moi fermement comme fi c'étoit à luimême. Comment pendard, vaurien, infame, fils indigne d'un pere comme moi, ofes-tu paroître devant mes yeux après tes bons déportemens, après le lâche tour que tu m'as joué pendant mon abfcence? Eft-ce là le fruit de mes foins, maraud, eft-ce là le fruit de mes foins, le refpect qui m'est dû, le respect que tu me conferves? Allons donc. Tu as l'infolence, fripon, de t'engager fans le confentement de ton pere, de contracter un mariage clandeftin ? Réponsmoi, coquin, répons-moi. Voyons un peu tes belles raifons. Oh! Que diable, vous demeurez interdit. OCTAV E. C'est que je m'imagine que c'est mon pere que j'en tens. SCAPIN. Hé, oui. C'est par cette raifon qu'il ne faut pas être comme un innocent. OCTAV E. Je m'en vais prendre plus de résolution, & je répon drai fermement. SCAPIN. Olà, Octave, demeurez; Octave. Le voilà enfui. Quelle pauvre espèce d'homme ! Ne laiffons pas d'attendre le vieillard. SILVESTRE. Laiffe-moi dire, moi, & ne fais que me fuivre. SCENE SCENE V I. 'ARGANTE, SCAPIN & SILVESTRE dans le fonds du théatre. A ARGANTE fe croyant feul. T-on jamais ouï parler d'une action pareille à celle-là ? SCAPIN à Silveftre. Il a déjà appris l'affaire, & elle lui tient fi fort en tête, que, tout feul, il en parle haut. ARGANTÉ fe croyant feul Voilà une témérité bien grande. SCAPINà Silveftre. Ecoutons-le un peu. ARGANTE fe croyant feul. Je voudrois bien favoir ce qu'ils me pourront dire fur ce beau mariage. SCAPIN à part. Nous y avons fongé. ARGANTE fe croyant feul. Tâcheront-ils de me nier la chose? SCAPINà part. Non. Nous n'y penfons pas. ARGANTE fe croyant feul Ou s'ils entreprendront de l'excufer? SCAPINà part. Celui-là fe pourra faire. ARGANTE fe croyant feul. Prétendront-ils m'amufer par des contes en l'air? SCAPIN à part. Peut-être. Tome VII. B ARGANTE fe croyant feul. Tous leurs difcours feront inutiles. SCAPINà part. Nous allons voir. ARGANTE fe croyant feul. Ils ne m'en donneront point à garder. SCAPINà part. Ne jurons de rien. ARGANTE fe croyant feul Je faurai mettre mon pendard de fils en lieu de fûreté. SCAPIN à part. Nous y pourvoirons. ARGANTE fe croyant feul. Et pour le coquin de Silveftre, je le rouerai de coups. SILVESTRE à Scapin. J'étois bien étonné, s'il m'oublioit. ARGANTE apercevant Silveftre. 'Ah, ah ! Vous voilà donc, fage gouverneur de famille, beau directeur de jeunes gens. SCAPIN. Monfieur, je fuis ravi de vous voir de retour. ARGANTE. Bon jour, Scapin. Vous avez fuivi mes ordres, vraiment, d'une belle maniére; & mon fils s'eft comporté fort fagement pendant mon absence. SCAPIN. 2 Vous vous portez bien, à ce que je vois. ARGANTE.C ( à Silvestre.) Affez bien. Tu ne dis mot, coquin, tu ne dis mot SCAPIN. Votre voyage a-t-il été bon? ARGANTE. Mon Dieu! Fort bon. Laiffe-moi un peu quereller en repos. SCAPIN. Tu n'as pas our parler de ce qui s'eft paffé dans mon abfence? SCAPIN. J'ai bien ouï parler de quelque petite chofe. ARGANTE. Comment, quelque petite chofe? Une action de cette Un fils qui fe marie fans le confentement de fon pere? SCAPIN. Oui, il y a quelque chofe à dire à cela. Mais je ferois d'avis que vous ne fiffiez point de bruit. ARGANTE. Je ne fuis pas de cet avis, moi, & je veux faire du bruit tout mon faoul. Quoi! Tu ne trouves pas que j'aie tous les fujets du monde d'être en colére? SCAPIN. Si-fait. J'y ai d'abord été, moi, lorsque j'ai fû la chofe, & je me fuis intéreffé pour vous, jufqu'à que- |