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ACTE III

SCENE PREMIERE.

ZERBINETTE, HIACINTE, SCAPIN, SILVESTRE.

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SILVESTRE.

Ui, vos amans ont arrêté entr'eux que vous fuffiez ensemble; & nous nous acquittons de l'ordre qu'ils nous ont donné.

HIACINTE à Zerbinette. Un tel ordre n'a rien qui ne foit fort agréable. Je re çois avec joie une compagne de la forte; & il ne tiendra pas à moi, que l'amitié qui eft entre les perfonnes que nous aimons, ne fe répande entre nous deux.

ZERBINETTE.

J'accepte la propofition, & ne fuis point perfonne à reculer, lorfqu'on m'attaque d'amitié.

SCAPIN.

Et lorfque c'eft d'amour qu'on vous attaque?
ZERBINETTE.

Pour l'amour, c'est une autre chofe; on y court un peu plus de rifque, & je n'y fuis pas fi hardie. SCAPIN.

Vous l'étes, que je crois, contre mon maître maintenant; & ce qu'il vient de faire pour vous, doit vous donner du cœur pour répondre comme il faut à fa paffion.

ZERBINETTE

ZERBINETTE.

Je ne m'y fie encore que de la bonne forte; & ce n'eft pas affez pour m'aflurer entiérement, que ce qu'il vient de faire. J'ai l'humeur enjouée, & fans ceffe je ris; mais, tout en riant, je fuis férieufe fur de certains chapitres, & ton maître s'abufera, s'il croit qu'il lui fuffife de m'avoir achetée, pour me voir toute à lui. Il doit lui en coûter autre chofe que de l'argent; & pour répondre à fon amour de la maniére qu'il fouhaite, il me faut un don de fa foi, qui foit affaifonné de certaines cérémonies qu'on trouve néceffaires.

SCAPIN.

C'est-là auffi comme il l'entend. Il ne prétend à vous qu'en tout bien & en tout honneur; & je n'aurois pas été homme à me mêler de cette affaire, s'il avoit une autre pensée.

ZERBINETTE. C'est ce que je veux croire, puifque vous me le dites, mais, du côté du pere, j'y prévois des empêchemens. SCAPIN.

Nous trouverons moyen d'accommoder les chofes. HIA CINTE à Zerbinette.

La reffemblance de nos deftins doit contribuer encore à faire naître notre amitié; & nous nous voyons toutes deux dans les mêmes alarmes, toutes deux expofées à la même infortune.

ZERBINETTE. Vous avez cet avantage, au moins, que vous favez de qui vous étes née ; & que l'appui de vos parens, que vous pouvez faire connoître, eft capable d'ajufter Lout, peut affurer votre bonheur, & faire donner un confentement au mariage qu'on trouve fait. Mais,pour moi, je ne rencontre aucun fecours dans ce que je puis être, & l'on me voit dans un état qui n'adoucira pas les volontés d'un pere qui ne regarde que le bien,

Tome VII.

F

HIACINTE.

Mais auffi avez-vous cet avantage, que l'on ne tente point, par un autre parti, celui que vous aimez.

ZERBINETTE.

Le changement du cœur d'un amant n'eft pas ce que l'on peut le plus craindre. On fe peut naturellement croire affez de mérite pour garder la conquête ; & ce que je vois de plus redoutable dans ces fortes d'affairest, c'eft la puiffance paternelle, auprès de qui tout le mérite ne fert de rien.

HIACINTE

Hélas! Pourquoi faut-il que de juftes inclinations fe trouvent traverfées? La douce chofe que d'aimer, lorfque l'on ne voit point d'obstacle à ces aimables chaînes, dont deux cœurs fe lient ensemble..

SCAPIN.

Vous vous moquez. La tranquillité, en amour, eft un calme défagréable. Un bonheur tout uni nous devient ennuyeux, il faut du haut & du bas dans la vie, & les difficultés, qui fe mêlent aux chofes, réveillent les ardeurs, augmentent les plaifirs.

ZERBINETTE.

Mon Dieu, Scapin, fais-nous un peu cerécit, qu'on m'a dit qui eft fi plaifant, du ftratagême dont tu t'es avifé pour tirer de l'argent de ton vieillard avare. Tu fais qu'on ne perd point fa peine, lorfqu'on me fait un conte; & que je le paye affez bien, par la joie qu'on m'y voit prendre.

SCAPIN. Voilà Silveftre qui s'en acquittera auffi-bien que moi. J'ai dans la tête certaine petite vengeance dont je vais goûter le plaifir.

SILVESTRE.

Pourquoi, de gaieté de cœur, veux-tu chercher à s'attirer de méchantes affaires?

SCAPIN.

Je me plais à tenter des entreprises hazardeuses.

SILVESTRE.

Je te l'ai déjà dit, tu quitterois le deffein que tu as, fi tu m'en voulois croire.

SCAPIN.

Oui; mais c'eft moi que j'en croirai.

SILVESTRE.

A quoi diable te vas-tu amuser?

SCAPIN.

De quoi diable te mets-tu en peine?

SILVESTRE.

C'est que je vois que, fans néceffité, tu vas courir rifque de t'attirer une venue de coups de bâton.

SCAPIN.

Hé bien, c'est aux dépens de mon dos, & non pas du tien.

SILVESTRE.

Il eft vrai que tu es maître de tes épaules, & tu en difpoferas comme il te plaira.

SCAPIN.

Ces fortes de périls ne m'ont jamais arrêté ; & je hais ces cœurs pufillanimes qui, pour trop prévoir les fuites des chofes, n'ofent rien entreprendre.

ZERBINETTE à Scapin.

Nous aurons befoin de tes foins.

SCAPIN.

Allez, je vous irai bien-tôt rejoindre. Il ne fera pas dit qu'impunément on m'ait mis en état de me trahir moi-même, & de découvrir des fecrets qu'il étoit bon qu'on ne sût pas.

SCENE I I

GERONTE, SCA PIN.

GERONTE.

E bien, Scapin, comment va l'affaire de mon
fils?

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SCAPIN

Votre fils, Monfieur, eft en lieu de fûreté; mais vous courez maintenant, vous, le péril le plus grand du monde, & je voudrois, pour beaucoup, que vous fuffiez dans votre logis.

Comment donc ?

GERONTE.

SCAPIN.

A l'heure que je parle, on vous cherche de toutes parts pour vous tuer.

Moi?

Oui.

Et qui?

GERONTE.

SCAPIN.

GERONTE.

SCAPIN.

Le frere de cette perfonne qu'Octave a époufée. I croit que le deffein que vous avez de mettre votre fille à la place que tient fa fœur, eft ce qui pouffe le plus fort à faire rompre leur mariage; &, dans cette pensée, il a réfolu hautement de décharger fon défefpoir fur vous; & de vous ôter la vie pour venger fon honneur. Tous les amis, gens d'épée comme lui, vous cherchent de tous les côtés, & demandent de vos nou

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