Images de page
PDF
ePub

Hylobiens, lesquels se couvrent d'écorces d'arbre, choisissent les creux des chênes pour retraite, renoncent au vin, aux femmes, généralement à toutes les jouissances, et traînent la vie la plus misérable.

Enfin, de tous les monuments historiques de l'antiquité, des traditions encore vivantes des régions idolâtriques, il résulte ceci: Que l'homme a été puni d'une première transgression, d'une première forfaiture, ce que nous appelons le péché originel, et qu'il doit l'expier.

CHAPITRE III.

Que le monde païen n'a point compris la vraie punition de l'homme et toutes ses conséquences. - Que l'esprit d'amour ayant été affaibli et comme éteint par le péché, c'est l'esprit de crainte qui a dominé la société antique.

[ocr errors]

Mais si le monde païen, conservant la notion de la justice qui est le fondement des sociétés, a bien reconnu dans l'homme un coupable que la Divinité punissait, il n'a rien compris à la punition. La première, la plus grande et la plus effrayante punition de l'homme, comme nous le montrent saint Paul et avec lui tous les Pères, c'est son égarement égarement du cœur, de la raison et de la volonté. Eh! comment les païens égarés auraientils su qu'ils étaient égarés? Un fou sait-il qu'il est fou? Hélas! les malheureux (et j'en excepte très-peu

+

les philosophes, comme on le verra) ne se doutaient pas plus de leur égarement qu'un aveugle-né des couleurs. L'homme avait préféré son corps à son Dieu, la lumière de ses sens à la lumière divine qui brillait en son âme, et Dieu l'abandonna à l'amour et au culte des corps comme à la grossière lumière de ses sens. Être séparé du premier auteur de son existence, n'avoir plus de communication avec lui, avec le Père céleste, telle était la grande punition du monde païen, mais qu'il n'a jamais comprise.

Dieu est la source de tout amour vrai, de tout amour spirituel; et voilà que l'homme s'étant volontairement séparé de son Dieu, n'a plus puisé à cette source pure. Dès que l'âme n'a plus eu en elle, pour l'inspirer, l'amour vrai, la pure reconnaissance, elle a déifié tous les objets, toutes les forces, les puissances, les passions de la matière. Or, le mobile de cette déification était la reconnaissance et la crainte. Mais si l'on examine de près le fond du culte idolâtrique, les prières et les sacrifices, on trouve une reconnaissance grossière, terrestre, absurde en ce qu'elle ne remonte pas à la cause spirituelle, mais de plus toujours dominé par la crainte.

[ocr errors]

Avec la séparation de Dieu, commencent, parmi les hommes, la division, la jalousie, l'envie, la convoitise, la polygamie, la débauche, les maladies, l'antagonisme, la haine, l'oppression, la vio

lence, le meurtre', la guerre traînant a sa suite le carnage, l'incendie, le pillage, la servitude, Pesclavage, toutes les dévastations et toutes les misères. Toutes les traditions sacrées' et profanés en sont pleines. Et il en devait être ainsi, car l'amour de Dieu était le fondement de l'amour des hommes entre eux; comme aussi la division, l'envie, lä haine et la rébellion à l'égard de Dieu étaient la raison de toutes ces choses parmi les hommes.

La famille et la patrie sont dans l'ordre providentiel de l'humanité : ce sont deux conditions essentielles de l'existence de la société. La famille est une école, où, enfant, l'homme doit apprendre à aimer, à honorer et à servir, après Dieu, ses parents et ses proches. Mais, pour cela, il est obligé au sacrifice et au dévoûment. Émancipé de la famille, l'adolescent devient homme, et alors commence une seconde école: il apprend à aimer et servir sa patrie, à se dévouer et se sacrifier pour elle.

1

[ocr errors]

2

Ainsi que nous l'avons démontré, toutes les vertus de la famille ont leur principe dans l'amour. Le propre de l'amour est la bonté, la douceur, l'affection, 'l'attachement, d'où découlent les attentions et les complaisances, la condescendance, la libre soumission, le libre dévoûment, le libre sacrifice. Le propre de l'amour, c'est la mutualité et la réciprocité dans toutes ces choses, c'est la reconnaissance enfin. Mais chez les anciens, il y a

[ocr errors]
[ocr errors]

dans la famille peu ou point de bonté, dureté, insensibilité froide et impassible, abaissement, soumission forcée, dévoûment forcé, sacrifice forcé ; enfin, il y a le despotisme, L'enfant doit à son père une obéissance sans bornes: il ne s'appartient en rien et pour rien; mais le père ne doit rien à son enfantil a sur celui-ci le droit de vie et de mort.

[ocr errors]

1

[ocr errors]

(

La patrie, qui est une école plus grande, plus large, plus complète, a le même principe que la famille, l'amour. Ici, ce sont surtout les actes de service, de dévoùment, de sacrifice, de désintéressement, d'abnégation ou de renoncement qui doivent dominer. Mais l'essence même de ces actes, c'est la liberté, c'est la pure et libre volonté. Or, chez les anciens, la patrie était plus despotique encore que la famille, car elle tendait à se substituer à celle-ci. Soit qu'on prenne dans l'antique Orient ou en Égypte le gouvernement d'un seul, ou sur le littoral de la Méditerranée, comme à Carthage et à Tyr le gouvernement de quelques riches, ou en Grèce, en Italie, dans les Gaules et dans la Germanie, enfin, en Europe, le gouvernement des riches et de la plèbe mélangés, on trouve le plus dur despotisme. Tous ces gouvernements de l'antiquité ont reconnu l'esclavage comme légal, légitime, nécessaire même. Consacrant un état si odieux, si monstrueux, si opposé aux vraies notions de droit et de justice, ils ne pouvaient faire de bon

nes lois, des lois qui respectassent assez la dignité et la liberté des personnes, enfin, des lois assez humaines. Et que ces lois fussent faites par un seul, › par quelques-uns ou par un grand nombre, qu'importe, si elles étaient dures, impitoyables, inhumaines? Pour nous résumer, c'est la crainte, le destin ou la fatalité, qui domine toute la société antique...

CHAPITRE IV.

Que les plus beaux génies de l'antiquité païenne n'ont pas compris la cause de la chute de l'homme, ni les dogmes défigurés de la religion du vulgaire; d'où le déisme, dans lequel ils n'ont pu puiser de croyances.

[ocr errors]

Le père de toute l'humanité (Adam) ayant rompu avec Dieu, n'a plus pu alimenter son cœur à la pure source d'amour, et il a transmis à ses descendants l'amour divin affaibli, lequel s'affaiblissant de plus en plus, il n'est plus guère resté que, l'amour terrestre, que les passions de la chair et du sang, que le culte de la forme ou de la matière. Telle était la grande punition de l'humanité. Et Platon, dont on exalte tant, surtout aujourd'hui, le sublime génie, s'en est à peine douté, comme les plus simples mortels d'Athènes. Il met en travail sa haute raison et sa féconde imagination pour découvrir le mystère de notre chute, qu'il sent vivement, mais il ne le peut. Il fait un traité sur l'amour (son Banquet des sept Sages), et qu'il

« PrécédentContinuer »