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fonctionnaire public, parceque la disposition de l'ancien code, sur ce point, est générale, comme celle du nouveau, et qu'elle atteint, sans distinction, quiconque, c'est-à-dire, tout citoyen, tout individu qui a entretenu des intelligences.

En second lieu, Michel est accusé d'avoir livré aux agents de cette même puissance étrangere le secret des expéditions militaires, dont il étoit instruit, à raison de son état.

Les débats et les aveux de Michel ont encore dû vous offrir les éléments propres à déterminer votre conviction sur ce second

chef d'accusation.

On vous a dit, Messieurs, que, suivant le code de 1791, ce crime n'étoit punissable, que lorsqu'il avoit été commis par des fonctionnaires publics.

Mais l'article 80 du code pénal de 1810 punit également tout fonctionnaire public, tout agent du Gouvernement, oU TOUTE AUTRE PERSONNÉ qui aura livré le secret dont elle étoit instruite.

Or, la trahison de Michel, qui, de son aveu, remonte à huit ou neuf ans, ne s'est-elle pas continuée avec beaucoup plus d'activité en 1810 et 1812, nous voulons dire depuis le nouveau Code pénal?

On a plaidé que, dans ces derniers temps, Michel, n'étant plus employé au bureau du mouvement, n'étoit plus instruit, à raison de son état, du secret des expéditions, qu'il a livré ; et qu'il ne s'est procuré ce secret, qu'en corrompant d'autres employés que vous voyez traduits devant la Cour, comme ses complices.

Mais n'est-il pas convenu dans l'instruction, et sur-tout aux débats, qu'il avoit fourni lui-même personnellement une partie des renseignements qui ont servi à la rédaction du grand travail, mis au net par Salmon et donné par Michel à M. Krafft.

Salmon ne vous a-t-il pas déclaré, qu'il avoit expédié ce grand travail sur des notes écrites en partie de la main de Michel?

Ces renseignements, ces notes, comment Michel se les étoit-il procurés?-Les uns, par Saget.-Les autres, parlui-même, dans le temps qu'il étoit employé au bureau du mouvement: telles étoient les notions générales qu'il avoit prises, dans ce bureau sur la force des divers corps. D'autres enfin, par le livret d'emplacement qui existe dans différents bureaux, notamment dans celui de l'habillement, où il étoit employé, à l'époque de son arrestation.

Rappelez-vous, Messieurs, qu'il a sans cesse soutenu, devant vous, avoir puisé une partie des renseignements dans ce livret d'emplacement. Or, ce livret d'emplacement étoit déposé dans son bureau, C'est en sa qualité d'employé, c'est à raison

de son état qu'il a eu connoissance de ce même livret, et qu'il en a pris communication.

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C'est donc à raison de son état qu'il s'est procuré une partie des renseignements qu'il a remis aux divers agents de la Russie. Le surplus lui a été fourni par Saget et Salmon. - Encore l'un et l'autre vous ont-ils dit n'avoir accordé d'instructions à Michel, qu'à cause de sa qualité d'employé comme eux et long-temps avant eux : qualité qui les empêchoit de soupçonner qu'il en fit un usage

criminel.

--

Au reste, Messieurs, nous devons vous prévenir que l'application de la loi n'entre point dans vos attributions. La question de savoir si les faits imputés à Michel sont prévus par tel ou tel article du Code de 1791, ou du Code de 1810, ne vous sera point soumise. Nous ne vous demanderons point si Michel étoit, ou non, fonctionnaire public. — Vous n'êtes appelés que pour juger le point de fait.

Les questions qui doivent vous être proposées et sur lesquelles il vous sera facile d'émettre votre opinion, sont fixées par l'arrêt de mise en accusation et par l'acte d'accusation, dont vous avez entendu la lecture. — Quant aux questions sur l'application de la loi, elles sont de la compétence exclusive de la Cour.

Vous parlerons-nous, Messieurs, de la simplicité, de l'innocence intentionnelle de Michel? La discussion si lumineuse, si morale de M. le Procureur-Général sur cet étrange moyen de défense de l'accusé nous en dispense.

On a voulu équivoquer sur les mots -- expédition militaire.

Il y a expédition militaire, là où se forme, où se rassemble une armée, et sur-tout une armée divisée en trois ou quatre grands corps, une armée composée de quatre, cinq, ou six cent mille hommes, avec parcs d'artillerie, génie, équipages, et toutes autres parties qui en constituent l'organisatiou complete.

Une expédition militaire a pour but de défendre, comme d'attaquer; de faire ou continuer la guerre, comme de la prévenir ou terminer; de rompre, comme de conserver la paix.

Le secret de pareilles expéditions importe au salut de l'état. L'affaire ainsi résumée sous le rapport de l'accusation principale, nous passons à l'accusation de complicité.

Saget et Salmon sont-ils complices de Michel?
Nous séparerons Salmon de Saget.

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Salmon a mis dans sa défense autant de franchise, de naïveté même, que Saget a usé de dissimulation et de ruse.

Employé, dans le bureau des revues, à tenir et rédiger les états de l'effectif des armées, Salmon aura fourni à Michel, sur la situation, l'emplacement et la force de chaque corps.militaire, des

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notes qu'il puisoit dans le travail dont il étoit journellement chargé. Il est sans doute bien répréhensible; mais vous réfléchirez, Messieurs, sur son genre d'occupation auprès de Michel. Il paroîtroit qu'il n'auroit été principalement occupé, qu'à rédiger et à copier des états et tableaux, sur des pieces qui lui étoient administrées par Michel et par Saget.

En est-il de même de Saget?

Employé au bureau du mouvement des troupes, bureau où repose singulièrement le secret des opérations et expéditions militaires, il a vendu et livré à Michel, depuis environ six mois, une série d'intructions et de pieces plus importantes les unes que les autres. Nous ne vous signalerons, dans ce moment, que la derniere organisation de l'armée d'Allemagne, divisée en quatre corps, et le travail complet sur la Garde Impériale. Il a même porté l'infidélité jusqu'à soustraire des feuilles minutes ou originales des travaux de son bureau, et à les confier à Michel.

Salmon et Saget connoissoient-ils l'abus que Michel faisoit des pieces, notes, et renseignements qu'ils lui donnoient?

On a fait valoir, pour l'un comme pour l'autre, la modicité des sommes qu'ils ont reçues.

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Mais ont-ils cru, ont-ils pu croire, que ces pieces, notes et ren seignements fussent pour un fournisseur, comme Michel le leur auroit fait accroire?

Leur crédulité ne vous paroîtra-t-elle pas, Messieurs, inconciliable avec la nature et le nombre de ces différentes instructions? D'ailleurs, vous vous rappellerez les explications que les chefs de bureaux vous ont données à cet égard.

La surprise et les inquiétudes que Salmon et Saget témoignoient à Michel, seront encore l'objet de vos méditations.

Relativement à Saget, vous vous reporterez aux déclarations de Michel, qui, dans deux endroits, présente Saget comme le confident de ses intelligences et de ses craintes.

Michel a-t-il confondu Saget avec Jean Wustinger? a-t-il nommé l'un pour l'autre ?

Vous avez entendu ce dernier; n'a-t-il pas démenti cette allégation de Michel?

Mais il est un autre point de vue, sous lequel vous examinerez la conduite de Salmon et de Saget.

Vous examinerez sous le même rapport celle de Mosès.

Sont-ils coupables d'avoir, en leur qualité d'employés d'une administration publique, reçu de l'argent pour faire des actes de leurs emplois non licites et non sujets à salaire?

Sur cette question, nous distinguerons encore Salmon, et même Mosès, de Saget.

Vous avez dû remarquer, Messieurs, que Saget n'a fait aucun travail manuel pour Michel; il n'auroit donc été récompensé, salarié que pour des actes très illicites.

Salmon, au contraire, rédacteur et copiste d'états et de tableaux, 'ne paroîtroit avoir été payé, qu'autant qu'il travailloit et en raison de ses travaux manuels.

Quant à Mosès, vous aurez à examiner de quelle maniere ce garçon de bureau, d'abord simple commissionnaire, sans aucune espece d'éducation, sans intelligence, ne sachant pas lire, jusquelà fidele à ses devoirs, a été circonvenu, trompé par Michel,

Vous apprécierez le genre des gratifications que Mosès recevoit de son corrupteur, que celui-ci qualifioit d'étrennes ou de pour boire, et qui se réduiroient, au total, à la somme de trente à trente-cinq francs.

MESSIEURS LES JURES!

Nous croyons maintenant vos consciences éclairées.

François, étrangers, amis, et ennemis, tous ont les yeux fixés

sur vous!

Vous connoissez votre serment.

Profondément pénétrés du sentiment de vos devoirs, vous sau rez les remplir avec courage et avec honneur.

QUESTIONS

Proposées au Jury.

Michel Michel, 1° est-il coupable d'avoir, moyennant des rétributions d'argent, entretenu des intelligences avec les agents d'une puissance étrangere, pour procurer à cette puissance les moyens d'entreprendre la guerre contre la France?

2o Est-il coupable d'avoir livré aux agents de cette puissance le secret des expéditions militaires de la France, dont il étoit instruit à raison de son état?

Louis Saget, 1o est-il coupable de s'être rendu complice du crime imputé à Michel, en fournissant à prix d'argent partie des instructions, renseignements, notes et pieces qui ont servi à le commettre, sachant qu'ils devoient y servir?

2o Est-il coupable d'avoir, en sa qualité de préposé d'une administration publique, reçu de l'argent pour faire des actes de son emploi non licites et non sujets à salaire?

Louis-François-Alexandre Salmon, 1o est-il coupable de s'être

rendu complice du crime imputé à Michel, en fournissant à prix d'argent partie des instructions, renseignements, notes et pieces qui ont servi à le commettre, sachant qu'ils devoient y servir?

2o Est-il coupable d'avoir, en sa qualité de préposé d'une administration publique, reçu de l'argent pour faire des actes de son emploi non licites et non sujets à salaire?

Jean-Nicolas-Marie Mosès, dit Mirabeau, est-il coupable d'avoir, en sa qualité de préposé d'une administration publique, reçu de l'argent pour faire des actes de son emploi non licites et non sujets à salaire?

Le Procureur-Général. Il a été proposé par l'accusé Michel de rédiger une des questions soumises aux Jurés ainsi qu'il suit :

<<< Michel est-il coupable, en qualité de fonctionnaire public «< chargé du secret de l'Etat, d'avoir livré traîtreusement et mé, «< chamment le secret d'une expédition aux agents d'une puissance << étrangere? >>

Nous pensons que les opérations illicites et criminelles auxquelles s'est livré Michel ne se bornant pas seulement au temps où subsistoit l'ancienne législation qui restreignoit la disposition pénale aux fonctionnaires publics, mais s'étant étendues sur la nouvelle législation à celui qui auroit divulgué les secrets dont il étoit instruit à raison de son état, les questions que vous avez présentées, messieurs, sont conformes à la loi, et qu'il n'y a aucun changement à y faire.

ARRÊT.

LA COUR, vu les conclusions prises par Michel, faisant droit sur le réquisitoire du Procureur Général,

Considérant que la position des questions présentées résulte de l'instruction, de l'acte d'accusation et des débats, sans s'arrêter aux conclusions de Michel dont il est débouté, déclare que les questions resteront telles qu'elles ont été posées.

(Messieurs les Jurés, ayant entré à deux heures et demie dans leur chambre, en sont sortis à cinq heures et demie, et ont prononcé par l'organe de leur chef la déclaration suivante:)

DÉCLARATION DU JURY.

Sur mon honneur et ma conscience, devant Dieu et devant les hommes, la déclaration du Jury est:

Sur la premiere question relative à Michel Michel : « Oui, l'accusé est coupable d'avoir commis le crime avec toutes les circonstances comprises dans la position de la question.

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