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siastiques du voisinage lui paieront 600,000 reichthalers d'indemnité.

Les électeurs, princes et états de l'empire contribueront de cinq millions de reichthalers pour la satisfaction et le licenciement de la milice suédoise.

La présente transaction sera désormais une loi perpétuelle et une pragmatique sanction de l'empire, ainsi que les autres lois et constitutions fondamentales'.

Telles sont les dispositions essentielles du double traité de Westphalie, dispositions qui réalisent à peu près complétement les plans que s'étaient tracés Mazarin, d'une part, et le gouvernement suédois, de l'autre, dès l'ouverture des négociations.

On ne saurait se défendre d'une profonde impression de respect en présence de ce pacte, le plus grand monument du plus grand siècle de la diplomatie. C'est là comme l'arc de triomphe sur lequel le génie de la Renaissance a écrit sa victoire, achetée par les veilles ardentes de Richelieu, par le sang de Henri IV et de Gustave-Adolphe. L'Europe centrale est réorganisée sur des bases nouvelles : la France, constituée garante du maintien du système fédératif en Allemagne 2, s'indemnise de ses services en s'asseyant enfin sur la rive tant désirée du Rhin; la Germanie restitue l'Alsace à la vieille Gaule, qui franchit joyeusement les Vosges pour retrouver son humide frontière des anciens jours; mais la Germanie achète à ce prix l'avenir et la vie : elle échappe à la main étouffante de l'Autriche, et le salut de la civilisation protestante d'Allemagne, si nécessaire au progrès de la société européenne, est assuré par l'intervention franco-suédoise 3. La Suède ne donne pas seulement, comme la France, une garantie extérieure aucun état allemand du Nord n'étant assez fort pour

1. Le texte des deux traités est dans Bougeant; Histoire du Traité de Westphalie, t. II, p. 507 631; et dans Dumont, t. VI, 2o part.

2. La faculté accordée aux divers états germaniques de contracter isolément des alliances au dehors semble dépasser les bornes de la liberté que permet une fédération régulière; mais l'extrême inégalité de force des états confédérés rendait nécessaire aux petits cette garantie conforme aux traditions immémoriales de la Germanie.

3. Intervention étrangère, dira-t-on; mais les armées de Slaves, de Hongrois, d'Italiens et d'Espagnols avec lesquelles l'Autriche opprimait l'Allemagne, n'étaientelles pas étrangères aussi?

faire contre-poids à l'Autriche dans le corps germanique, la Suède se charge de ce rôle, au moins pour un temps, en entrant dans la famille allemande.

En tête du traité de la France avec l'empire ne figure d'autre médiateur que l'ambassadeur vénitien. Tout s'était décidé en dehors de l'intervention du nonce, auquel le pape, sur la fin des négociations, avait ordonné de se retirer et de protester, à cause des nombreuses atteintes portées aux principes et aux biens de l'Église par la tolérance accordée aux hérétiques et par la sécularisation des terres ecclésiastiques. Les princes catholiques passèrent outre la ratification de l'empereur arriva la première à Münster dès le 5 décembre, puis celle du roi de France, et le traité de Wesphalie devint la loi de l'Europe, tandis que le saintsiége, de sa « certaine science et pleine puissance », le déclarait « nul, invalide, réprouvé, sans force et sans effet » '.

Rome fulmina en vain sa protestation, qui jadis eût ébranlé l'Europe, vint mourir sans écho sur le seuil des chancelleries. C'en était fait, sans retour, de la république catholique du moyen âge les états chrétiens venaient d'en déposer implicitement l'antique médiateur. Un nouveau droit des gens apparaissait dans la chrétienté le principe n'en était plus la communauté de culte religieux, mais l'indépendance des états, soumis seulement les uns envers les autres aux lois générales de l'humanité. L'équilibre, dont on a tant parlé et que l'Europe s'est longtemps proposé d'obtenir en empêchant une puissance quelconque d'acquérir une prépondérance accablante pour les autres, n'était que la garantie matérielle de ce principe moral de l'indépendance des nations. La politique laïque et internationale avait remplacé la politique ecclésiastique. Heureuse la France, principal auteur de cette révolution, si, dans la période de grandeur qu'elle allait parcourir après un orage passager, son gouvernement fût resté fidèle à l'esprit qui avait fondé cette grandeur si légitime et si pure!

1. Bougeant, Traité de Westphalie, t. II, p. 631-632.

LA FRONDE.

LIVRE LXXVI

MAZARIN, SUITE.

Lutte entre la cour et le parlement. Les Frondeurs. Arrêt d'union entre les corps de magistrature. Tentative de révolution faite par l'aristocratie de robe. Le coadjuteur. Le premier président Molé. Journée des Barricades. La cour cède. Déclaration du 24 octobre 1648. Nouveaux démêlés entre la cour et le parlement. La cour quitte Paris. Guerre de la FRONDE. Siége de Paris. Mouvements dans les Provinces. Paix de Ruel.

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Avec l'année 1648 avait commencé pour la France une phase nouvelle au moment même où la diplomatie nationale obtenait un si éclatant triomphe, le mouvement et l'intérêt dramatique de l'histoire, qui étaient aux frontières et au dehors, rentraient à l'intérieur du royaume, signe presque toujours funeste et qui annonce que le pays tourne son activité non-seulement sur luimême, mais contre lui-même.

Un orage, amassé depuis plusieurs années, avait en effet éclaté sur la régente et sur son ministre les finances, cette pierre d'achoppement où se heurtent si souvent et parfois se brisent les gouvernements, faisaient trébucher Mazarin au milieu des plus brillants succès militaires et diplomatiques.

On a vu, dans le livre précédent, les embarras croître; les luttes s'engager; l'impôt devenir toujours plus onéreux, et par la quotité, et par le mode de perception; le parlement de Paris, encouragé par l'importance que lui avait rendue le début de la régence, affecter de se poser en défenseur du peuple contre l'impôt; le gouvernement reculer devant la bourgeoisie parisienne et devant les États de Languedoc, puis se décider à rompre, par

quelques rigueurs, la résistance du parlement de Paris. Le parlement, après le lit de justice du 7 septembre 1645, avait gardé quelque temps un silence que la cour prit pour de la résignation, et la fiscalité s'était déployée sans obstacle pendant le cours de l'année 1646 tous les priviléges de franc-salé furent révoqués et le prix du sel et les droits sur les vins furent considérablement augmentés. On retrancha aux officiers des cours souveraines le quart, aux officiers inférieurs la moitié de leurs gages pour tout le temps que durerait la guerre. On créa un million de rentes sur l'hôtel de ville. On frappa sur les six corps de métiers de Paris une taxe de 700,000 à 800,000 livres à répartir entre les aisés. On obtint de l'assemblée du clergé un secours de 4 millions payables en deux ans et demi, outre la subvention annuelle de 1,300,000 livres, qui avait été renouvelée pour dix ans en 1645. On résolut d'obliger le Languedoc à plier : les États de cette province avaient refusé, trois années de suite, le « don gratuit » que réclamait d'eux la cour, et le peuple de Montpellier avait été jusqu'à se soulever et à massacrer quelques percepteurs des droits du roi ». Le maréchal du Plessis-Praslin, au commencement de 1647, eut ordre d'aller châtier les mutins et tenir les États: il y mit de l'habileté; il ne sévit à Montpellier que tout juste assez pour donner du prix à l'amnistie qu'il avait en poche, puis, ayant bien préparé le terrain, il renouvela aux États la demande de 3 millions et leur fit entendre que, ce qu'on préférait demander par la douceur, on avait les moyens de l'obtenir autrement et qu'il y avait force troupes sur la frontière du Languedoc. Les Etats cédèrent et octroyèrent ce « don gratuit » qui méritait si peu son nom'.

Pendant que les États de Languedoc se soumettaient, le parlement de Paris se reprenait à résister, à l'occasion d'un nouvel édit de finance, qui était précisément le plus raisonnable que le ministère eût mis au jour. Le contrôleur général d'Émeri, personnage fort immoral, mais fort intelligent, eût voulu commencer à sortir des anticipations, des emprunts, des taxes sur les

1. Forbonnais, t. I, p. 251-254. 3 sér., t. VII, p. 386-390.

XII.

Mém. du maréchal du Plessis, Collect. Michaud,

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aisés et des créations d'offices, en procurant à l'état des ressources plus régulières et moins ruineuses. Il fit établir, par arrêt du conseil, en octobre 1646, un tarif qui assujettissait à des droits toutes les marchandises entrant par terre ou par eau dans Paris. Une partie de ces droits existaient déjà sous divers noms : d'Émeri les réunissait et les systématisait dans son tarif. Il projetait d'étendre ensuite aux autres villes de France cet impôt, qui avait l'avantage d'atteindre indistinctement toutes les classes de consommateurs, sans laisser de prise à l'arbitraire ni s'arrêter devant le privilége. Le tarif avait déjà été essayé du temps de Henri IV, sous le nom de Pancarte, et avait échoué devant les résistances municipales; sous Richelieu, un nouvel essai avait eu lieu sous le nom de droit du vingtième : beaucoup de villes s'en étaient rachetées. Cette fois, l'opposition fut plus vive et plus hardie: il suffisait que d'Émeri fût l'auteur de la mesure pour que l'opinion se soulevât contre; l'improbité du contrôleur général et ses spéculations éhontées sur la dette publique l'avaient rendu l'objet de la réprobation universelle; on l'accusait d'avoir dit en plein conseil que la bonne foi n'était que pour les marchands et que qui l'alléguait dans les affaires du roi méritait d'être puni'. Il y a des gens qui ont perdu le pouvoir et jusqu'au droit de faire le bien!

Le cri contre le tarif ne fut pourtant pas général : les marchands, qui, à l'occasion du tarif, se voyaient délivrés de la taxe arbitraire sur les aisés, ne s'y montrèrent pas d'abord trop hostiles; mais les gens de robe et les gros bourgeois, propriétaires de champs, de vergers et de vignes hors de Paris, furent trèsirrités d'avoir à payer des droits pour l'entrée des fruits de leurs crus, qui étaient francs de taxes depuis des siècles. Le parlement s'apprêta à réclamer la connaissance de l'édit. Le ministère, qui avait commencé à faire percevoir le tarif sur simple arrêt du conseil, se hâta d'envoyer l'édit à la cour des aides, afin de le soustraire aux débats du parlement. La cour des aides l'enregis

1. Le cardinal de Retz assure l'avoir entendu de ses oreilles. Mém. de Retz, ap. Collect. Michaud, p. 53. — D'Émeri, intéressé dans tous les traités et partis, faisait obtenir à vil prix aux partisans les fermes et autres « droits du roi »; ainsi, il accorda pendant dix ans, pour un million, la jouissance des impôts et billets de Bretagne, qui valaient 500,000 livres par an. - Forbonnais, t. I, p. 255.

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