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tour avec les brouillons; c'était de dire à tous d'utiles, mais de rudes vérités; c'était d'en appeler au bon sens du pays, contre ses préjugés, contre ses entraînements, contre ses passions. (Très-bien! très-bien!)

Messieurs, le gouvernement de Juillet a pris naissance au sein d'une révolution populaire. C'était là sa gloire et son danger. La gloire a été pure, parce que la cause était juste; le danger est grand, car toute insurrection qui réussit, légitime ou non, enfante par son succès des insurrections nouvelles. La révolte, c'est là l'ennemi que la révolution, la glorieuse et légitime révolution de Juillet portait dans son sein. C'est là l'ennemi que le gouvernement de Juillet devait rencontrer dans son berceau. La révolte, nous l'avons combattue sous toutes les formes, sur tous les champs de bataille. Elle a commencé par vouloir élever en face de cette tribune des tribunes rivales, d'où elle pût vous dicter ses volontés insolentes et vous imposer ses caprices sanguinaires. Nous avons démoli ces tribunes factieuses, nous avons fermé les clubs, nous avons, pour la première fois, muselé le monstre. (Très-bien ! trèsbien!)

Elle est alors descendue dans la rue, vous l'avez vue heurter aux portes du palais du Roi, aux portes de ce palais, les bras nus, déguenillée, hurlant, vociférant des injures et des menaces, et pensant tout entraîner par la peur. Nous l'avons regardée en face; la loi à la main, nous avons dispersé les attroupements, nous l'avons fait rentrer dans sa tanière. (Bravo!)

Elle s'est alors organisée en sociétés anarchiques,

en complots vivants, en conspirations permanentes. La loi à la main, nous avons dissous les sociétés anarchiques; nous avons arrêté les chefs, éparpillé les soldats.

Enfin, après nous avoir plusieurs fois menacés de la bataille, plusieurs fois elle est venue nous la livrer; plusieurs fois nous l'avons vaincue, plusieurs fois nous l'avons traînée malgré ses clameurs aux pieds de la justice pour recevoir son châtiment. (Bravo! bravo!)

Elle est maintenant à son dernier asile; elle se réfugie dans la presse factieuse; elle se réfugie derrière le droit sacré de discussion que la Charte garantit à tous les Français. C'est de là que, semblable à ce scélérat dont l'histoire a flétri la mémoire et qui avait empoisonné les fontaines d'une cité populeuse, elle empoisonne chaque jour les sources de l'intelligence humaine, les canaux où doit circuler la vérité, qu'elle mêle son venin aux aliments des esprits; nous l'attaquons dans son dernier asile; nous lui arrachons son dernier masque; après avoir dompté la révolte matérielle, sans porter atteinte à la liberté légitime des personnes, nous entreprenons de dompter la révolte du langage, sans porter atteinte à la liberté légitime de la discussion. (Nouvelles et vives acclamations.)

Si nous y réussissons, messieurs, et je l'espère, nous y réussirons, grâce à votre concours! Advienne ensuite de nous ce que pourra; nous aurons rempli notre tâche, nous aurons droit au repos. Que le Roi, dans sa sagesse, appelle dans d'autres circonstances d'autres

hommes au maniement des affaires; que, par des motifs que nous respecterons toujours, vous nous reliriez l'appui généreux que vous nous avez accordé jusqu'ici; que nous succombions par notre faute ou sans notre faute, peu importe; quand l'heure de la retraite sonnera pour nous, nous emporterons en rentrant dans la vie privée la consolation d'avoir exercé le pouvoir en gens de bien, en hommes de cœur; nous emporterons la conscience de n'avoir rien fait pour nous-mêmes, et d'avoir bien mérité de notre pays.

(Ce discours est suivi de bravos prolongés et de vifs applaudissements. La séance reste suspendue.)

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