qua

cette différence était fenfible: peutêtre les habits des Grands & du Peuple, des Riches & des Pauvres, différaient-ils, non-feulement par la lité, mais encore par la forme. Nos connaissances fur le coftume Juif, à l'époque dont il s'agit, ne s'étendent pas fi loin; on fçait à peu près comment les Juifs étaient habillés, & cette connaiffance eft fuffifante pour caractériser les perfonnes de cette Nation.

Il paraît néanmoins que fur cet objet les Peintres fe font un peu écartés de la vérité. Pour reconnaître les fautes qu'ils ont commifes en habillant S. Jofeph, ils feront bien de confulter le chapitre dans lequel je traite de l'habit des Juifs.

CHAPITRE X.

Portrait de la Vierge.

PUISQU UISQUE je viens de crayonner le portrait de S. Jofeph, je crois ne pouvoir mieux faire que de tracer tout de fuite une légère efquiffe de celui de fon Epoufe. Je me bornerai à trois objets principaux; fa figure, fon âge, & fes habits.

Suivant une ancienne Tradition, S. Luc l'Evangélifte peignit la Vierge d'après nature. Nicéphore, Métaphrafte & Théodore le Lecteur, patlent de ce portrait fait par S. Luc: on représente même fouvent cet Evangé. lifte peignant la Vierge, ou tenant fon portrait à la main. D'après cela, il femble que tous les tableaux, dans la compofition defquels entre la Vierge, devraient nous offrir la même figure: il n'en eft cependant aucuns d'abfolument femblables, chaque Artiste a donné à la Vierge la figure qu'il a voulu. Il y a plus, non-feulement chaque Artiste à donné à la Vierge une

figure de fantaisie, mais il en a créé une nouvelle toutes les fois qu'il a été chargé de peindre cette mère du Sauveur de forte que les Peintres font à la fois, fur cet article, différents entr'eux & avec eux-mêmes.

Cette licence des Peintres ne ferait peut-être pas excufable, fi le tableau de S. Luc était auffi connu, auffi autentique qu'il devrait l'être. Malheureufement on donne pour tels une foule de tableaux qui ne font ni de la même main, ni peints d'après le même modele. C'est ce qui a fait dire à M. Patin, dans les relations de fes voyages, « qu'il n'était fâché que de voir trop fouvent le portrait de la » Vierge peint par S. Luc: car ajoûtet-il, il eft certain qu'on fe trompe » dans la plus grande partie, n'étant » pas vraiffemblable que S. Luc ait peint la Vierge tant de fois.

Ce qui pourrait jeter de la clarté fur cette matière, & contribuer à difcerner le portrait fait par S. Luc d'avec les autres, ce ferait fi quelque ancien Auteur nous avait laiffé par écrit le détail de ce portrait. Nicéphore, dans fon Hiftoire Eccléfiaftique, nous a crayonné les principaux traits de Ma

rie; mais Nicéphore avait-il fous les yeux le véritable portrait peint par S. Luc? C'eft ce qu'on ignore, ou plutôt c'eft ce qui n'eft pas probable. Le portrait que cet Auteur trace de la Vierge, paraît copié fur une jeune perfonne; au-lieu que celui de S. Luc devait repréfenter une femme déja avancée en âge. Ce ne fut qu'après la defcente du S. Efprit qu'on fuppofe que ce Saint fit ce portrait. Or à cette époque la Vierge avait à peu prês quarantehuit ans il la peignit certainement telle qu'elle était alors. Il n'est donc pas probable que ce foit fur ce portrait que Nicéphore ait calqué celui qu'on trouve dans fon Hiftoire, & par conféquent on ne peut fe fervir de l'un pour reconnaître l'autre.

L'obfervation que je viens de faire fur l'âge qu'avait Marie, lorfqu'on fuppofe que S. Luc la peignit, pourrait être utile, fi l'on voulait réellement découvrir le véritable portrait peint par S. Luc. Tous ceux qui repréfentent la Vierge ayant moins de quarante-huit ans, ne font point de S. Luc; ce font des tableaux apocryphes, ils doivent être rejetés.

La même obfervation fait encore

le

connaître l'erreur de certains Peintres; ils repréfentent S. Luc peignant la Vierge, qui tient l'enfant Jéfus entre fes bras. S. Luc, à ce qu'il paraît par commencement de l'Evangile qu'il a écrit, n'a jamais vu le Sauveur ; n'a donc pas fait fon portrait.

il

Mais s'il eft certain que S. Luc n'a point fait le portrait de Jéfus encore enfant, est-il bien vrai qu'il ait peint la Vierge? Ce Saint, à ce qu'on croit, était Médecin. On ne trouve nulle part qu'il fût Peintre: ces deux qualités ne paraiffent pas même compatibles. D'ailleurs la Vierge était Juive; à ce titre, eft-il vraiffemblable qu'elle fe foit fait peindre? La défense de faire des images, grâce aux raifonnements métaphyfiques des Docteurs, s'était étendue à tout ce qui avait rapport avec la Peinture. Les portraits, les ftatues... tout leur était fufpect. On trouve même dans Jofephe un trait qui caractérise & les abus qui s'ésaient introduits, & l'ignorance dans laquelle les Juifs étaient, relativement à la Peinture & à la Sculpture.

Cet Auteur rapporte dans fes Antiquités, livre 15, chapitre, qu'’Hérode ayant fait bâtir à Jérufalem une