Images de page
PDF
ePub

coup d'œeuil d'entrevoir & ce qu'il peut faire, & ce qu'il doit éviter. Ce travail devrait être celui des Amateurs : contribuer à l'avancement des Arts, en éclairant les Artiftes, tel eft leur partage.

[ocr errors]

C'est pour avoir quelque droit à ce titre, que je me fuis décidé à mettre au jour différentes obfervations fur un certain nombre de faits fuivis, tirés de l'Hiftoire facrée : faits dont la plupart ont déja été exécutés par les Peintres, & dont la fuite forme, pour ainfi dire, les deux premières époques de l'Hiftoire du nouveau Teftament. Tout ce qui a précédé immédiatement la naiffance du Sauveur, tout ce qui s'eft paffé pendant les douze années qui ont faivi cette naiffance; voilà l'objet de mes obfervations. La vérité des faits, le dogme, les mœurs, le coftume; tels font les points principaux que je tâche d'éclaircir. Peu content d'approuver ou de critiquer ce que les Peintres ont hafardé; lorsque l'occafion s'en préfente, j'indique ce que felon moi ils auraient pu ou dû faire. Leur utilité, & l'avantage de la Religion ont dirigé mon zèle.

PREMIERE PARTIE.

CHAPITRE PREMIER..

Généalogie de Jésus-Chrit. SAINT Luc & Saint Matthieu nous ont confervé la généalogie de JésusChrit ; mais, comme l'a très-bien obfervé S. Ambroife, fi l'on veut avoir la véritable généalogie du Sauveur, il faut la chercher dans le premier chapitre de l'Evangile felon S. Jean. C'eft-là qu'on apprend ce qu'il a été, ce qu'il eft, & ce qu'il fera toujours.

Quant aux deux généalogies qui font parvenues jufqu'à nous, elles nous ont fait connaître les ancêtres en ligne directe de Jéfus Chrit, fils de Marie, époufe de S. Jofeph; l'une commence à Abraham, & s'étend jufqu'au Sauveur; l'autre remonte depuis le Sauveur jufqu'à Adam, lequel étoit fils de Dieu.

Une généalogie n'offre pas un fujet bien intéreffant pour un Peintre, fur

tout une généalogie qui ne contient que les afcendants en ligne directe, & dont la plupart des perfonnages ne font connus que de nom. Néanmoins quelques Artiftes, fi toutefois on peut leur donner ce nom, ont entrepris de repréfenter celle de Jéfus: voyons s'ils ont bien réuffi.

On s'imagine peut-être que ces Artiftes auront rangé les figures des ancêtres du Sauveur fuivant l'ordre que les Evangéliftes ont marqué; qu'ils fe feront contentés d'embellir leur tableau par des ornements & des attributs relatifs à cette illuftre famille : on eft dans l'erreur. Une méthode fi naturelle, & dont on fe fert tous les jours, a paru trop commune aux Peintres, ils ont travaillé d'après leur imagination. Pour les juger, il faut jeter les yeux fur leur ouvrage.

Ún vieillard eft étendu par terre; des entrailles de ce vieillard fort un arbre affez gros, d'où s'échappent à droite & à gauche différentes branches, qui fe fubdivifent en rameaux. Ces branches, ces rameaux font terminés par des efpèces de fleurs, qui reffemblent à celles des grenadiers ou bien au calyce d'un gland. Ces fleurs, ces

calyces fervent de bafes aux buftes de différents perfonnages, dont la plupart ont la couronne fur la tête & le fceptre à la main : David jouant de la harpe, eft le feul qui fe faffe connaître. Au fommet de l'arbre, dans la dernière des fleurs, on apperçoit une femme tenant un enfant nu entre fes bras.

Voilà le croquis des tableaux qui repréfentent la généalogie de JéfusChrit. En le comparant avec l'Evangile, il ne fera pas difficile de faire fentir combien de pareilles fictions font abfurdes & contraires à la vérité.

S. Matthieu & S. Luc, ainfi que je le dirai plus amplement par la fuite, n'ont fuivi le même ordre en rappas portant les noms des ancêtres de JéfusChrit. Pour tracer, d'aprês ces Auteurs, une généalogie parfaite, il faudrait les réunir toutes deux, & les représenter en même temps. Les Peintres ont fauté par-deffus cette différence; ils ne fe font fixés qu'à un feul ordre, ou plutôt ils n'ont tracé qu'une généalogie fimple, & par là ils ont en quelque forte tronqué l'Evangile. Quand il ferait vrai que les Peintres aient pu fans danger s'attacher à un feul

ordre, il demeurerait toujours pour conftant que dans l'un & l'autre cas, ils devaient tracer la généalogie de Jéfus toute entière, telle qu'elle eft rapportée, foit par S. Matthieu, foit par S. Luc. C'eft à quoi ils n'ont pas jugé à propos de s'aftreindre.

S. Matthieu compte quatorze générations depuis Abraham jufqu'à David, quatorze depuis David jufqu'à la captivité de Babilone, quatorze depuis cette captivité jufqu'à Jéfus-Chrit, ce qui fait en tout quarante-deux généra tions; cependant l'arbre généalogique des Peintres n'en contient tout au plus que quinze ou vingt. Eft ce ainfi qu'on doit copier l'Evangile ?

Cette faute devient encore plus fenfible, fi l'on calcule la généalogie rapportée par S. Luc. Comme cet Evangélifte l'a fait remonter jufqu'à Adam, qui était fils de Dieu, elle contient quatre-vingt-quatre générations. Les Peintres fe font contentés d'en repréfenter une vingtaine; ils ont choifi les perfonnages qu'ils pouvaient faire connaître par leurs attributs, les autres ont été mis à l'écart. Voilà un beau chef-d'œuvre.

S. Matthieu a rapporté la généalogie

« PrécédentContinuer »