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que ce figne extérieur de refpect & de foumiffion ait été ufité parmi les Juifs, & vraiffemblablement Elifabeth ne s'eft point mife dans une attitude qui lui était inconnue. 4°. Enfin, Elifabeth était au moins trois fois auffi âgée que la Vierge. Vis-à-vis de fa Coufine, Marie n'était prefque qu'un enfant, & ces motifs me paraiffent s'oppofer à ce qu'on reçoive l'adoration propofée par le Père Veyra.

Pourquoi ne pas puifer dans l'Evangile même le fujer des tableaux de la Vifitation? Il me femble que le récit de S. Luc offre aux Peintres une carriere affez vaste à fournir: l'infpiration d'Elifabeth & de la Vierge, la fanctification de S. Jean, voilà l'incident qui accom pagna la Visitation, & qui méritait feul d'occuper les Peintres,

La furprise, la joie, l'admiration la tendreffe d'Elifabeth, la fatisfaction de la Vierge, fes exclamations en prononçant le Magnificat, ne fçauraient-elles donc être rendues fur la toile? L'entrevûe des deux Coufines était un événement ordinaire, qui ne méritait pas l'attention principale des Peintres ce qui arriva lors de cette entrevûe devait uniquement les occu

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per.

Tâchons toujours d'exprimer les faits qui élèvent l'âme, & la rempliffent de la Divinité eux feuls font dignes d'être représentés.

La Vierge, les yeux levés vers le Ciel, rendant grâce à Dieu des faveurs dont il l'a comblée, & annonçant fes bienfaits, fa Confine qui lai prefferait la main dans les fiennes, & dont l'attitude exprimerait l'amitié, l'admiration, le raviffement, vaudrait bien, fans doute, cet embraffement fouvent fi froid, & toujours peu majestueux, qu'on voit dans prefque tous les tableaux.

Je dis prefque tous; car quelques Modernes ont déja tenté la manière que j'indique. Leurs efforts ont été couronnés du fuccês. Le tableau de la Vifitation ou Magnificat, peint par Jou venet, & qui décore le Choeur de la Cathédrale de Paris, malgré fon peu de fidélité, recevra toujours des applau diffements.

O vous qui brûlez du defir d'imiter cet habile Artifte, jeunes Elèves, f jamais vous traitez le même fujet, fouvenez-vous que perfonne ne doit être témoin de l'entrevûe des deux Cou fines; que le prodige qui s'opéra ne

fut connu que d'elles; que cette entre vûe fe fit dans la maison de Zacharie; que cette maifon était fituée dans une Ville, & cette Ville au milieu des montagnes de Juda. En rappelant tous ces objets à votre mémoire, vos tàbleaux auront le double avantage & de plaire, & d'être conformes à l'Hiftoire facrée.

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CHAPITRE X I X.

La Séparation.

MARIE

ARIE demeura avec Elifabeth » environ trois mois, aprês quoi elle » s'en retourna dans fa maifon ".

L'Evangile ne nous apprend point pourquoi la Vierge alla vifiter fa Coufine. Quelques Auteurs ont penfé qu'elle entreprit ce voyage pour vérifier ce que l'Ange Gabriël lui avait annoncé, c'est-à-dire, pour fçavoir fi réellement Elifabeth était enceinte. Cette conjecture a été rejetée comme injurieufe a la foi de Marie.

L'Evangile ne nous dit point non plus ce que fit la Vierge pendant fon

féjour chez fa Coufine: enfin leur féparation fut-elle fignalée par quelque prodige, comme l'avait été leur entrevûe? C'eft encore ce qu'on ne trouve point dans l'Evangile.

Cependant, fur ce dernier objet, fi l'on s'en rapporte aux expreflions dont s'eft fervi S. Luc, il y a apparence que la féparation des deux Coufines n'eut rien d'extraordinaire. Ce qui arrive communément lorfqu'on fe fépare, arriva lorfque la Vierge quitta la maifon de Zacharie. Les deux Coufines s'embrassèrent, s'attendrirent & s'embrassèrent encore.

Quoiqu'un pareil fujet prête beaucoup au fentiment, je ne fçache pas qu'aucun Peintre l'ait traité. Je crois même que quiconque voudrait l'entre prendre, éprouverait de grandes difficultés. On en trouvera quelques-unes d'applanies dans les chapitres fuivants: quant à préfent, je me contente de rapporter le texte de S. Luc, afin de ne pas interrompre la chaîne des faits, & de jeter de la clarté fur ce qui me reste à dire relativement à Sainte Elifabeth.

J'observerai cependant que le long féjour de Marie chez fa Coufine, concourt à démontrer que S. Joseph n'a

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point accompagné la Vierge dans fon voyage. Une abfence de prês de trois mois, ne s'accorde point avec les travaux journaliers d'un Artifan. Supposer, comme l'ont fait quelques Auteurs que S. Jofeph conduifit feulement la Vierge chez fa Coufine, & qu'il retour, ná enfuite chez lui, c'est une conjecture deftituée de fondement, & qui ne peut, tout au plus, être admife, qu'en fuppofant que lors de ce voyage, la Vierge & S. Jofeph étaient mariés.

Les mêmes Auteurs font revenir S. Jofeph au bout de trois mois, pour reprendre la Vierge, & la conduire chez lui. Cette feconde conjecture n'eft pas plus fondée que la précédente, & ne peut être admife, tout au plus, que dans le même cas. J'expliquerai ce tout au plus dans le chapitre fuivant;

Je finis par obferver que la Vierge en quittant fa Coufine, fe rendit à Nazareth d'où elle était partie: du moins c'est ainsi qu'on entend ces mots, elle s'en retourna dans fa maifon. On verra par la fuite que cette remarque n'eft pas fans utilité.. ov

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