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CHAPITRE XXII.

Naiffance de S. Jean.

ON lit dans Meurfius que les Athé niens avaient la coutume de fufpendre une couronne d'olivier dans la maison où un garçon venait de naître. Ils n'en fufpendaient qu'une de laine fi c'était une fille.

Il eft certain que chez prefque tou tes les Nations, la naiffance des enfants a toujours été fignalée par quelque figne extérieur, par quelque réjouiffance. L'anniverfaire de ce jour était même un jour de fête. On offrait des facrifices, on ornait fa maifon de guirlandes, on fefait des festins.

Ces réjouïffances n'ont pas été incon nues aux Juifs; & la naiffance des enfants, fur-tout des mâles, a toujouts été accompagnée de fètes. Il paraît même que du temps des Patriarches, on foJennifait le jour que l'enfant était fevré. On peut voir dans la Genèfe, ch. 11 une preuve de ce que j'avance. Je crois qu'il ne faut point chercher

,

d'autre caufe des réjouiffances qu'on renouvelle tous les ans, la veille de la fête de la Nativité de S. Jean. Ces cou- . ronnes, ces guirlandes qu'on fufpend encore aux portes, dans quelques Provinces, font des reftes des anciens ufag ges reçues par-tout, pour folennifer la naiffance des enfants, & qu'on a appliqués à la fête de la Nativité de S. Jean. Cette application a réalifé cette parole de l'Ange à Zacharie, Plufieurs fe rejouiront de fa naiffance.

Quoi qu'il en foit de cette conjecture, il est certain qu'outre cet accompliffement annuel des paroles de l'Ange, elles eurent auffi leur effet au moment de la naiffance de S. Jean. Cette cir conftance fe trouve dans S. Luc, chap. premier. Cependant, dit cet Evangélifte, Elifabeth arriva à fon terme, " & elle mit au monde un fils. Ses pa» rents & fes voifins apprenant la grâce fignalée que le Seigneur lui avait faite, s'en réjouïrent avec elle.

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Je fuis furpris que cette circonftance fi favorable aux Artiftes, & qui a tant de rapport à ce qui fe renouvelle tous les ans, leur foit échappée : il me femble qu'un tableau représentant des parents & des voifins admirant un eng

fant nouveau né, fe réjouïffant de fa naiffance, félicitant le père & la mère, &c. offrirait quelque chofe de fi naturel, de fi attendriffant, qu'il ferait difficile de n'en pas applaudir l'Au

teur.

Pour embellir leur compofition, les Peintres auraient pu faire ufage de cette couronne d'olivier dont parle Meurfius. Elle aurait fixé le fexe de l'enfant. Quelques jeunes-gens occupés à l'attacher, fourniraient un group❤ pe agréable, qu'on pourrair lier aux autres, & qui caractériserait le mo ment de l'action.

Les Peintres fe font contentés de peindre les couches de Sainte Elifabeth, Leurs tableaux font prefque calqués fur ceux de la Nativité de la Vierge. Elisabeth eft étendue dans un lit fait comme ceux d'à-préfent; plufieurs grouppes de femmes font difperfés dans la cham→ bre; elles lavent l'enfant, préparent des langes, font de la bouillie, &c, Je ne difconviens point que le group

pe formé

par les femmes qui lavent l'enfant, ne foit naturel. Cet ufage a été connu chez un grand nombre de Nations. Auffi-tôt qu'un enfant était né, on le plongeait dans l'eau froide.

1

» Natos ad flumina primùm

Deferimus, favoque gelu duramus, & undis,

Les anciens Germains en ufaient de même; ils lavaient leurs enfants dans le Rhin. On dit qu'ils éprouvaient parlà s'ils étaient légitimes. Les Lacédémoniens croyaient par ce bain froid rendre les enfants plus forts, plus robuftes. Vraissemblablement ceux qui étaient éloignés des rivières & des fleuves, les plongeaient dans quelque vafe qu'ils confervaient dans leur maifon il paraît même que communément cette eau n'était pas pure. Avicene yeut qu'on frotte le corps des enfants nouveaux nés, d'une eau imprégnée de fel, pour leur refferrer le nombril & durcir la peau.

:

Je conviendrai encore que cet ufage du bain d'eau falée était connu des Juifs, ainfi qu'on peut le conclure de ces paroles figurées d'Ezéchiel. « Lorf. » que vous êtes venue au monde... » on ne vous a point coupé l'ombilic » comme aux autres enfants, vous ne fûtes point lavée dans l'eau, qui vous » aurait été alors fi falutaire, ni purifiée avec du fel, ni enveloppée de lan

"ges, &c. ». Mais quand même cet ufage ferait encore plus certain, fon autenticité n'autoriferait point les Peintres à le choisir pour l'action la plus apparente de leurs travaux.

Nous trouvons dans les Auteurs, que chez les Anciens, auffi-tôt qu'un enfant était né, on le portait fur les genoux de fon père, pour qu'il le reconnût & le bénît. Cette ancienne coutume qui s'eft en partie confervée jufqu'à nous, offrait aux Peintres une action préférable au bain d'eau falée. En réuniffant cette action aux différentes circonftances que j'ai ci deffus détaillées, on aurait enrichi l'hiftoire pittorefque de Saint Jean, d'un tableau non moins gracieux qu'édifiant.

Au lieu de ces parents & voisins, aulieu de ces jeunes-gens attachant une couronne d'olivier, au-lieu de Zacharie bén ffant fon fils, les Peintres ont fait affifter la Sainte Vierge aux couches de fa coufine; elle semble préfider à la naiffance de S. Jean: ils en ont, pour ainsi dire, fait une Sage-Femme.

Il eft vrai que quelques Anteurs, tels que Maldonat, Toinard, &c. ont penfé que Marie ne quitta Elifabeth qu'après les couches; de forte que leur fentiment

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