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de fermer les fenêtres de vos appartemens, vous les trouvez inondés; le tonnerre a fait gåter le laitage et les viandes préparées pour votre souper; enfin, tout semble s'être réuni pour vous contrarier, et épuiser votre patience. Telles sont quelques-unes des tribulations de la campagne. A combien d'autres n'est-on pas exposé! C'est votre maison qui se trouve près d'une église dont le cloches sont perpétuellement en branle; c'est un vent du sud qui vous apporte, à certains jours, les parfums d'un dépôt consacré au dieu Stercutius; c'est un four à brique qui vous envoie ses noirs torrens de fumée; une aire de grange qui se trouve précisément sous votre chambre à coucher, et dont les batteurs commencent leur exercice au lever de l'aurore; le bruit d'un moulin qui ne vous laisse pas un moment de sommeil; c'est un troupeau de bœufs lâché dans un pâturage voisin de votre habitation, et qui vous poursuit dès qu'il vous aperçoit; c'est une foule de voisins lourds, ennuyeux, hébêtés, qui viennent assiéger votre salon au moment où vous voudriez être seul; un renard qui entre dans votre basse-cour, et mange toutes les poulardes que vous destinez à un grand repas, dont les convives sont déjà invités; une fouine qui dévaste votre colombier; des enfans qui entrent dans votre verger, et mangent vos plus belles pêches.

Fatigué de tant de contrariétés, prenez-vous le parti de retourner à la ville; nouvelles calamités. Boileau a peint dans ses vers les embarras

de Paris; vous les trouverez dix fois plus fàcheux aujourd'hui. Etes-vous dans la rue, et tournezvous la tête en marchant; un homme arrive dans la même direction, et vous fait subir le choc violent d'une espèce de bélier, qui vous fait rendre tout l'air que vous avez dans la poitrine. Plus loin, un passant trop poli se place devant vous, en voulant vous laisser passer ; vous prenez une autre direction, il la prend en même temps, se porte tantôt à droite, tantôt à gauche; de sorte que vous êtes un quart d'heure sans pouvoir vous décider. Si vous traversez un pont, un coup de vent vous emporte votre chapeau, qui roule dans la boue; vous courez pour le ressaisir, une nouvelle bouffée l'emporte encore plus loin, au moment où vous alliez le tenir; pour comble de mal, les malins, les enfans et les gens du peuple vous poursuivent de leurs huées. Alors vous rentrez chez vous; fatigué de vos courses, vous voulez prendre l'air; votre fenêtre est au rez-de-chaussée, vous prenez un livre nouveau, qui vous inspire de l'intérêt; vous comptez sur le recueillement et la tranquillité; tout-à-coup un joueur de vielle organisée et un chanteur incommode, font assaut de discordances, ils vous assourdissent de leurs sons malencontreux; vous cherchez à vous en délivrer, mais des barbares, logés au-dessus de vous, les paient pour vous faire enrager.

Vous rencontrez votre avocat dans la rue; vous avez un procès sérieux, dont vous désirez lui confier toutes les particularités; mais un maudit

chariot chargé de fer s'obstine à vous suivre, et fait un si grand bruit, que vous ne pouvez pas entendre un mot de ce que vous vous dites. Ces tribulations de ville ne sont encore que de petites tribulations; James Beresfort en décrit bien d'autres qui seraient capables de lasser la patience la plus angélique. Je ne le suivrai pas dans le cours de ce douloureux martyrologe : il suffit pour le lecteur de savoir qu'il les a dépistées avec un zèle, une ardeur et un succès étonnans; qu'il n'en est pas une seule qui ait échappé à sa sagacité. Son livre a eu huit éditions en Angleterre; mais Londres est le pays du spleen: il n'est pas à présumer qu'il en ait autant à Paris, où l'on aime miex s'occuper de plaisirs que d'afflictions et de calamités. Je ne conseillerais à personne de lire de suite cette longue et funèbre litanie de nos misères, ce serait en augmenter le nombre; mais si l'on veut s'amuser un instant, s'associer à l'humeur bizarre de l'auteur, on y trouvera souvent des idées heureuses et piquantes (1).

(1) L'ouvrage de M. James Beresfort a été traduit en français par M. Bertin; 2 vol. in-8°.

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ALMANACH DES DAMES.

I je composais un almanach des dames, j'aimerais à leur présenter tout ce qui pourrait leur donner une idée favorable d'elles-mêmes; si je plaçais un portrait en tête, ce ne serait ni celui de madame Briquet, ni celui de mademoiselle G..... ni celui de madame R...., mais celui de Fénélon ou de madame de Lambert, qui a composé de si sages discours sur les devoirs des femmes et les moyens qu'elles doivent employer pour plaire à leurs époux.

Je conserverais le calendrier religieux; c'est aux femmes qu'appartiennent sur-tout les affections tendres et les deux sentimens de la piété ; mais j'y joindrais un catalogue annuaire de toutes les femmes qui se sont distinguées par la fidélité à leurs devoirs, l'aimable modestie, la tendresse maternelle, l'esprit, la raison et le talent. Je n'en bannirais pas les femmes courageuses. J'aimerais qu'on y retrouvât le nom honorable de cette vierge guerrière qu'un de nos poètes a si indécemment vouée à l'ignominie. J'ajouterais à chaque mois, au moins à chaque saison, une estampe gravée avec soin, qui rappelerait quelque action vertueuse, quelque trait de charité et de bienfaisance. Dans l'une, je montrerais, sous les voûtes d'une prison, une fille généreuse qui allaite son père du lait de ses mamelles; dans une

autre, on verrait cette Epônine, qui alla s'ensevelir vivante dans les cavernes qui recelaient son époux Sabinus, pour partager avec lui ses chagrins et sa proscription. J'aimerais aussi à montrer cette mère de famille qui s'entoura de ses enfans pour prouver à son amie qu'elle n'avait pas besoin de trésors et de diamans pour être aussi riche qu'elle. Mademoiselle de Sombrenil, arrachant son père des mains des bourreaux, serait le sujet de mes dessins et de mes éloges. Je n'oublierais pas non plus cette vertueuse madame de la F..., portant, dans les humides prisons d'Olmutz, des consolations à son mari, et partageant sa misère et ses douleurs. Combien j'aurais de tableaux à faire si je voulais peindre les soins empressés de ces filles du ciel, consacrées par la religion au soulagement des indigens et des malades! j'aurais moins à m'occuper de ces héroïnes de Sparte, qui étouffaient les sentimens naturels pour laisser triompher l'amour de la patrie et les inspirations guerrières.

La gloire de Sémiramis ne m'éblouit pas; je suis touché de la confiance de cette Talespeu tris, qui vient solliciter Alexandre de donner au monde (en acceptant sa main) un fils digne de l'un et de l'autre. Mais j'admire, avec toute l'Europe, cette grande reine qui se présente à son armée, en tenant entre ses bras l'héritier de son sceptre, et demande à ses soldats de combattre pour l'honneur et pour leur roi.

Après avoir réglé tout ce qui concerne l'ornement et la décoration du livre, je m'occuperais

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