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vos enfans dans les mêmes principes que vous; de persuader à vos filles que les qualités d'une bonne mère sont préférables aux talens d'une virtuose; qu'une femme doit s'occuper essentiellement de ses enfans, et même avoir des égards pour son mari; que c'est à elle de fixer les dépenses de la maison, de surveiller les domestiques, de régler tous les détails de l'intérieur. Les belles occupations pour un esprit élevé, pour une ame libérale! Ah! Madame, ne songez pas à faire rétrograder votre siècle, et souvenez-vous bien que des soins aussi vulgaires ne sont faits que pour des femmes de chambre et des petites bourgeoises.

IL ne

ARTISTES OU VANITÉ.

L ne faut pas que les artistes s'offensent de ce rapprochement: la vanité est sœur de l'amourpropre, et l'amour-propre n'est pas si éloigné qu'on le croit de l'amour de la gloire.

Avant la révolution nous avions peu d'artistes. Ce titre semblait réservé aux peintres, aux sculpteurs, aux graveurs, etc. encore leur pri vilége n'était-il pas bien constant. L'abbé Dubos, dans ses Réflexions sur la poésie, la peinture et la sculpture, ne les appelle qu'artisans.

Ce fut un règlement de police qui constitua la première distinction entre les artistes et les artisans. Quand on eut classé les corporations d'arts et métiers, ceux qui ne se trouvèrent pas compris dans cette nomenclature sentirent un mouvement d'orgueil, et, pour fixer les limites qui les séparaient des artisans, ils établirent une distinction entre les arts mécaniques et les arts libéraux. Etiez-vous attaché aux arts mécaniques? vous n'étiez qu'un artisan. Cultiviez-vous les arts libéraux ? vous étiez un artiste.

Qui croirait que dans la liste des métiers et des jurandes, on trouve les maîtres d'escrime, et qu'ils sont justement placés entre les maçons et les maréchaux ferrans ; que les écrivains sont à côté des couvreurs, des couturières et des faiseuses de modes? Mais ce qui est bien autre

ment scandaleux, c'est que le même règlement qui confond si irrespectueusement les conditions libérales avec les plus vils métiers, porte que, pour soulager la misère, il y aura quelques professions qui pourront être exercées librement, et que ces professions sont celles des marchands de boyaux, des pêcheurs à verges, des savetiers, des vidangeurs (j'ose à peine écrire ce mot) et des maîtres de danse. Quoi! les favoris, les nourrissons, les élèves de Therpsicore avec les ministres de Vénus - Cloacine ! Quelle scandaleuse irrévérence!

Quand la révolution eut brisé toutes les barrières, les parties lésées s'empressèrent de prendre leur revanche, et plus l'humiliation avait été profonde, plus la fierté devint entreprenante. Tout ce qui était artisan voulut profiter des bienfaits de l'égalité et s'élever au rang d'artistes. Les premiers qui rejetèrent leurs anciens titres furent les comédiens. Ce titre de comédien avait quelque chose de populaire et d'ignoble qui ne pouvait se concilier avec la hauteur des personnages qu'un acteur est chargé de représenter; il fallait le partager avec les bouffons, les bateleurs de province et les pierrots de la foire. Les comédiens prirent donc le titre d'artistes dramatiques; ils se croyaient sauvés, et se trouvèrent encore confondus; car les gilles et les paillasses voulurent aussi être des artistes. Ce déchaînement général s'étendit sur toutes les professions un barbier qui coupait les cheveux à la Titus, sentit que ses fonctions avaient une

noblesse romaine qui ne pouvait s'accommoder du simple nom de perruquier; il se fit donc artiste. Si celui qui travaillait à la tête était un artiste, celui qui travaillait aux pieds dut se sentir appelé à la même prérogative, et le bottier devint un artiste. « Je rétablis le lustre que les << accidens de la marche enlèvent à votre ou<< vrage, dit alors celui qui tenait le pinceau pour << rendre aux bottes l'éclat qu'elles avaient perdu: je suis donc un artiste. » Et le pinceau de l'humble décroteur s'élèva à la dignité du pinceau de David. Ainsi, le titre d'artiste s'est étendu, multiplié, et dans cet anoblissement général, il ne nous reste plus d'artisans.

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Il faudra bien néanmoins que les choses s'arrangent; il est plus facile de payer un artisan qu'un artiste? Les productions des beaux-arts n'ont pas de prix réglé. Leur valeur est idéale et arbitraire; mais il est bon qu'on sache ce qu'il faut payer à son cordonnier pour une paire de souliers, à son tailleur pour un habit, et à son perruquier pour une perruque.

Vieilles routines, vous aviez votre mérite!

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L'ORTOGRAPHE ET LES ENSEIGNES.

Lettre d'un peintre d'enseignes à un commissaire de police.

Je ne suis, Monsieur, qu'un artiste du second ordre; je suis loin de me donner pour élève des David et des Vien, et de me présenter dans la carrière des beaux-arts comme le rival des Guerin et des Giraudet. Je ne suis qu'un peintre d'enseignes; mais j'ai aussi, Monsieur, une portion d'amour - propre et mes prétentions à la gloire. Je puis non seulement dessiner et rendre,

par la vigueur du pinceau, les attributs des différentes professions; mais je sais encore écrire les noms propres et détailler les marchandises des magasins sans offenser les règles de la langue française. J'ai fait une étude conséquente de la grammaire, et je ne rougis point de consulter le Dictionnaire de Restaut dans les cas embarrassans.

J'avais cru que ma science me ferait remarquer; que loin d'être confondu avec ces barbouilleurs de carrefours, qui insultent Vaugelas et outragent Ronsard, on citerait mes ouvrages et mon nom avec estime et reconnaissance; que la renommée publierait mes chefs-d'œuvre, et m'inscrirait avantageusement parmi les hommes qui s'élèvent au-dessus du commun de leurs confrères et honorent leur profession.

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