Images de page
PDF
ePub

1

côté, le navigateur aérien Garnerin nous af-
firme qu'il s'est élevé à la même hauteur, et que
l'atmosphère a agi sur sa tête en raison inverse,
de sorte qu'au lieu d'enfler, elle s'est resserrée à
un tel point, qu'il a tremblé de la perdre tout-
à-fait. Enfin, un physicien qui, par l'étendue de
ses connaissances, le rang qu'il occupe dans les
sciences, et son caractère connu, est fort au-
dessus de tous les navigateurs mercantiles qui,
pour quelques écus, se sont élancés dans les ré-
gions aériennes, M. Gay de Lussac nous assure
qu'il s'est élevé à 3600 toises; qu'il n'a éprouvé
aucun sentiment de froid, et que l'unique phé-
nomène qui l'ait frappé, n'a été qu'une respira-
tion plus pénible, une plus grande accélération
dans la circulation du sang. Pourquoi ce froid
excessif sur les sommets de montagnes, et cette
température si douce dans l'atmosphère qui les
avoisine? S'il est vrai que l'air soit si doux en
France à une hauteur de 3600 toises, pourquoi
cette température n'agit-elle pas sur les mon-
tagnes ? pourquoi les neiges cessent - elles de
fondre à 1500 toises au-dessus du niveau de la
mer? pourquoi, dans les régions de l'équateur,
restent-elles éternellement glacées à une hau-
teur de 2500 toises? Ce fait est constant. J'ai dit
que tout était vanité sur la terre ; je crains fort
que la vanité ne monte au ciel avec les hommes.
Un navigateur aérien qui s'élance de notre petit
globe terraqué, pour planer dans les nues, croit
qu'il est de son honneur d'exagérer les merveil-
les de son voyage, de nous étonner par la har-

diesse de son vol. Revenons donc au livre de M. Méchel pour avoir des pensées moins fières. Ce géomètre à calculé que si l'on représentait la terre par un globe dont le diamètre serait d'un pied, le Chimboraço, qui en est la plus haute montagne, n'aurait dans cette proportion qu'un quart de ligne de hauteur. Voyons maintenant ce que serait la taille d'un docteur : donnons-lui six pieds qui égalent une toise; le Chimboraço en a 3356, un homme est donc dans cette supposition, 3356 fois plus petit que cette montagne; mais cette montagne elle-même représentée sur un globe de 3 pieds de circonférence, n'aurait qu'un quart de ligne; voilà donc mon docteur réduit à la 3356° partie d'un quart de ligne. Or, maintenant avisons-nous de faire les fiers et de nous pavaner.

J'aurais voulu que le sculpteur qui proposa à Alexandre de tailler le mont Athos pour lui en faire une statue, eût pu avoir quelque connaissance des calculs de M. Méchel. Je ne sais point précisément quelle est la hauteur du mont Athos; mais supposons lui une taille de 1700 toises, ce qui est une dimension fort honnête, il s'ensuivra que d'après la supposition de M. Méchel, il n'aurait représenté sur son globe qu'un 8 de ligne, et le grand Alexandre que la 1,700o partie de ce huitième; ne voilà-t-il pas de quoi faire l'important? Que dire maintenant des jolies femmes qui exhaussent d'un demi pouce les talons de leurs souliers, pour paraître plus grandes, et des orateurs qui montent

dans une tribune de trois pieds de haut, pour se donner plus de dignité? Les moralistes qui veulent réprimer notre amour-propre, comparent notre globe à une fourmilière. Ces moralistes nous font trop d'honneur, c'est dans la classe des animalcules microscopiques qu'ils doivent nous ranger pour nous rendre la justice qui nous est due, puisque, dans la supposition de M. de Méchel, il faudrait un très-bon microscope pour nous apercevoir.

N'est-on pas étonné après cela de tant de querelles ridicules pour lesquelles les hommes ne cessent de se déchirer; de tant de procès dont nous faisons retentir l'oreille de nos juges, et souvent pour l'intérêt d'un arpent de terre; de tant d'ambition et de mouvemens pour nous procurer un poste éclatant, un emploi distingué? Je ne connais rien de plus propre à nous rendre sages que l'étude de la nature, et les calculs du géomètre et de l'astronome. Que seraitce si nous comparions la terre, ce petit grain de poussière, avec l'immensité des globes qui circulent dans l'espace? M. de Méchel, après s'être occupé de nos montagnes, a aussi voulu calculer celles de quelques globes environnans.

On apprendra, sans doute avec étonnement, que ces globes sont beaucoup plus riches que nous en grandes montagnes. Le diamètre de Vénus n'est que de 2748 lieues, c'est-à-dire, qu'il est de 116 lieues moindre que celui de la terre, et néanmoins Vénus a une montagne de 22000 toises de hauteur. Mercure, dont le dia

mètre n'est que de 1166 lieues, en a une de 8170 toises, et la lune, avec un diamètre de 782 lieues, en a une de 4160 toises dans sa partie méridionale. Il est probable que les autres planètes ne sont pas moins richement pourvues; mais leur distance les soustrait à la puissance de nos instrumens et à l'ambition de nos calculs.

LE LUXE,

CONTE TRADUIT DU RUSSE.

DANS une belle et riche contrée, dont les géographes ont oublié de déterminer la position, sous un ciel pur, riant et tempéré, florissait une nation vive, enjouée, spirituelle, industrieuse, amie du luxe, du plaisir et des arts. Les riches habitaient des édifices d'une architecture élégante et régulière; l'intérieur de leurs palais était décoré de statues, de tableaux, de meubles commodes et somptueux, d'étoffes magnifiques, de tapis précieux. Les hommes étaient vêtus d'habits de soie, ornés de broderies d'or et d'argent, et les femmes se paraient de tout ce que le Gange et l'Indus produisent de plus brillant; on voyait sur la table de ces hommes fortunés, des mêts délicats et succulens, des vins recherchés, des liqueurs exquises; une foule nombreuse de domestiques s'empressait autour d'eux pour les servir.

Leurs écuries renfermaient les plus beaux et les plus agiles coursiers du monde; des équipages élégans les transportaient aux spectacles, dans les cercles, par-tout où les appelait le plaisir ou l'amour des distractions. Toutes les classes de la société participaient plus ou moins à cette opulence; et lorsqu'un beau jour réu

« PrécédentContinuer »