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vite ils apparurent plutôt comme contemporains de ces uariorum » où s'était complu le xvin siècle.

<< editiones

Faut-il voir dans cet insuccès relatif la cause qui fit renoncer les savants français aux publications collectives? En tout cas, on ne signale plus en France dans le courant du XIXe siècle que des travaux individuels, sans unité ni cohésion.

Les éditions savantes entreprises par différentes librairies françaises sont toutes entachées de ce défaut. Nul plan d'ensemble n'a dirigé les collaborateurs chacun a agi à sa guise, suivant sa méthode ou son caprice, et moins soucieux de satisfaire l'intérêt général que son goût particulier. La lecture des catalogues est particulièrement instructive à cet égard; et l'on ne sait si l'on doit s'affliger davantage du désordre ou des lacunes. En grec par exemple, pour ne prendre que des « scriptores maiores », ni Eschyle, ni Pindare, ni Aristophane, ni Platon, ni Aristote; en latin, point de César, de Tite-Live; point de Plaute, point de Lucrèce ni d'Horace complets. Pour tel autre auteur, une pièce, un discours, un livre ont trouvé éditeur, sans qu'on aperçoive la raison qui a fait choisir ceci ou négliger le reste. Et pendant que nous nous complaisions dans cette anarchie, au delà de nos frontières se constituaient des collections nombreuses, imposantes et serrées, animées d'un même esprit, soumises à une même discipline, et dont la masse envahissait résolument le monde entier. Les individus fondus dans cet ensemble se soutenaient mutuellement, les bons faisant passer les mauvais ; et l'entreprise gagnait en force à mesure qu'elle allait s'accroissant. Il y avait là pour la science française danger d'être mise dans un état d'infériorité toujours plus grand vis-à-vis de nations plus entreprenantes, et surtout plus capables d'union et de constance dans l'effort.

Depuis longtemps déjà, de bons esprits dans l'Université comme ailleurs déploraient cette situation, et s'occupaient d'y remédier. Mais que de défiances à surmonter, que d'apathies à secouer! Comment vaincre et cette crainte de l'embrigadement, et surtout cet esprit hypercritique qui souvent a ralenti ou tari la production des meilleurs de nos savants? La tâche semblait presque irréalisable. Mais la guerre, en nous faisant ouvrir les yeux sur la grandeur et l'imminence du danger, a suscité en même temps des volontés décidées à le combattre hardiment. Dès l'année 1915, des professeurs de l'Enseignement secondaire et de l'Enseignement supérieur s'inquiétaient de savoir s'il ne serait pas enfin possible, autant qu'il semblait nécessaire, d'établir une collection de textes grecs et latins qui fût bien nôtre, et digne de notre grande tradition philologique. L'accueil fait à l'idée, à peine lancée, laissait bien augurer des possibilités de réalisation. Les suggestions

vinrent en foule; les bonnes volontés s'offrirent de toutes parts. Sous quelle forme les réunir, afin d'éviter une bonne fois cet éparpillement dont nous avions tant souffert? D'heureux précédents montraient tout le secours que pouvait apporter un groupement fortement constitué, qui se chargerait de dresser le plan général de l'édifice, d'en répartir et d'en surveiller l'exécution, de manière à assurer l'unité et la continuité de l'œuvre. C'est pour répondre à ces aspirations que s'est fondée la Société nouvelle qui s'est placée sous le patronage du maître humaniste Guillaume Budé. Dès maintenant, elle se propose de publier :

1o des textes d'auteurs grecs et latins; 2o des traductions de ces textes;

3o des commentaires et annotations.

Les textes, étudiants et professeurs en sentent tous le besoin, et il est un peu humiliant d'avouer notre indigence sur ce point. Mais par delà cette clientèle spéciale, plus technique, il a semblé nécessaire d'atteindre tous ceux qui aspirent à connaître la pensée des anciens, tous ceux dont la jeunesse a été élevée aux leçons de l'antiquité classique, et qui ont gardé dans l'âge mûr le souvenir et l'amour de cette éducatrice sans pareille. Pour ceux-là, le texte seul eût été le plus souvent d'une lecture impossible, ou trop sèche, ou trop ardue; la traduction a paru comme le secours indispensable. Enfin il ne pouvait être question d'interrompre la tradition de ces commentaires pleins de science et de finesse qui sont la gloire propre de l'érudition française. Et c'est là peut-être que l'activité de la Société peut le plus utile

ment s'exercer.

La philologie ancienne n'est plus maintenant un domaine assez étroit pour qu'un esprit, si vaste soit-il, puisse se vanter de l'embrasser tout entier. Elle s'agrandit, pour ainsi dire chaque jour, de nouvelles découvertes qui à leur tour appellent d'autres recherches. De plus en plus, en dehors de la culture générale nécessaire, savants et érudits sont amenés à se confiner `étroitement dans la spécialité qu'ils ont choisie. Le profit pour l'avancement des études est grand; mais le risque est que les différents spécialistes, tout en vivant côte à côte, s'ignorent mutuellement. Et pourtant ils ne peuvent se passer les uns des autres. L'édition d'Homère demandera la collaboration d'un philologue classique connaissant la tradition alexandrine, d'un linguiste, d'un archéologue, d'un papyrologue, d'un paléographe, d'un métricien que sais-je encore? Platon sans doute devra être commenté par un philosophe; mais celui-ci pourra-t-il accomplir seul la besogne minutieuse et compliquée de l'établissement du texte? A côté d'un helléniste,

Hérodote ne réclame-t-il pas un égyptologue, et plus encore? Qu'on songe à l'admirable Pausanias que le concours d'anciens élèves de notre École d'Athènes pourrait nous donner, et peut seul nous donner! A bien y réfléchir, il n'est point de texte qui ne doive tirer profit d'une collaboration ainsi envisagée. Un géographe aidera à expliquer les campagnes de César en Gaule et à faire la critique de ses opérations; un juriste éclaircira plus d'une question de droit soulevée par un discours de Cicéron, ou une controverse de Sénèque le Père; un architecte est indispensable pour Vitruve, un agronome pour Varron ou Columelle. N'eussent-ils rien de particulier à dire, il est bon qu'on le sache. Ainsi l'étude des réalités pourra renouveler utilement la connaissance des auteurs anciens, trop longtemps restreinte à l'étude des mots; et pour ce, le recours aux hommes de l'art apparaîtra de plus en plus nécessaire. C'est dans le choix, dans le groupement de ces techniciens, dans la répartition des travaux que la Société doit jouer un rôle bienfaisant, essentiel. Elle accueillera les bonnes volontés éparses, elle les conseillera, les dirigera, leur indiquera les voies à suivre, et celles qu'il faut éviter. Elle créera des centres d'études dans lesquels, sous une direction autorisée, les multiples et délicates questions que soulèvent l'établissement et l'exégèse d'un texte seront examinées et résolues par l'accord des plus compétents. En outre elle se préoccupera de former les jeunes, de les initier aux éléments de la méthode, en les adressant à des conseillers sûrs, ou bien, d'une manière plus générale, en éditant, en dehors de la collection d'auteurs anciens, des recueils et des manuels intéressant les sciences auxiliaires; l'épigraphie, la paléographie, la numismatique, les beaux-arts, etc.

Ceux qui ont pris l'initiative de l'œuvre et qui s'efforcent de la réaliser ne se dissimulent pas les difficultés qu'ils rencontreront. Mais ils sont soutenus par la conviction qu'ils défendent et la science française, et l'héritage spirituel que l'antiquité nous a légué, et que nulle barbarie n'a pu détruire. Nul doute que leur effort ne rencontre dans tous les milieux les encouragements et les sympathies qu'il est en droit d'espérer.

A. ERNOUT.

LIVRES NOUVEAUX.

mince mérite que d'avoir enrichi le patrimoine littéraire de son pays et ce mérite on ne saurait le contester à Christie.

CHARLES W. E. LEIGH. Catalogue | n'existe pas d'autre exemplaire dans of the Christie collection, comprising | les Iles Britanniques. Ce n'est pas un the printed books and manuscripts bequeathed to the library of the University of Manchester by the late Richard Copley Christic. Un vol. in-4, Manchester, University Press, 1915.

Les grands bibliophiles s'affranchissent rarement des tyrannies de la mode; les plus illustres et les plus éclairés courbent le joug devant ses décrets. Lord Spencer couvrait d'or les Bodoni; Grenville n'eut de repos qu'il n'eût complété ses Hearne sur grand papier et James de Rothschild appauvrissait son admirable bibliothèque en y plaçant les inepties de Restif de La Bretonne. Aussi doit-on particulièrement admirer les collectionneurs vraiment personnels.

La John Rylands Library de Manchester confère à cette ville, dans la géographie du bibliophile, une place qu'envient bien des capitales la bibliothèque Christic ne contribuera pas sensiblement à en augmenter l'éclat. Les huit mille volumes légués à l'Université de Manchester par cet éminent humaniste ne représentent, en effet, qu'une valeur marchande assez faible, à côté des inappréciables trésors de la Spenceriana.

Et pourtant, les savants anglais devraient éprouver une reconnaissance infinie au chancelier Christie. On trouve dans sa bibliothèque fort peu de ces ouvrages que se disputent les millionnaires, à des prix qui croissent sans cesse, mais on y rencontre un très grand nombre de volumes de la Renaissance, dont il

Grand amoureux de la Renaissance française, il en a recherché avec un soin pieux les moindres reliques. Laissant aux amateurs parisiens le soin de recueillir les rares pièces historiques échappées à la vigilance de notre Bibliothèque nationale, leur abandonnant aussi le domaine vaste et coûteux des lettres françaises proprement dites, Christie se rabattit vers le terrain dédaigné de l'humanisme. Il acheta, pour les lire et les relire, toutes les éditions classiques dues à nos grands érudits de la Renaissance, leurs poésies latines, leurs ouvrages grammaticaux et philosophiques. Celui qui veut se donner la peine de les rechercher peut encore les acquérir à bon compte, et Christie a prouvé que l'on pouvait y faire des découvertes.

Auteur d'une excellente biographie d'Etienne Dolet, livre qui a obtenu l'honneur bien mérité d'une traduction française, il a réuni plus d'ouvrages et d'impressions de Dolet qu'aucune bibliothèque n'en a jamais possédés.

Les relations de Dolet avec l'imprimeur Sébastien Gryphius de Lyon, l'incitèrent à rechercher les impressions de ce typographe et de ses parents : il en avait recueilli plus de sir cent cinquante dont plusieurs ne sont connus par aucun autre exemplaire et ont échappé même aux laborieuses recherches du grand bibliographe lyonnais, feu Julien Baudrier.

Il voulut également connaître la

Renaissance italienne, et se forma pour cela une excellente collection d'impressions des Aldes, comprenant plus de cinq cents numéros il n'y manque guère, parmi les grandes raretés de la série que la Galeomyomachia, le Nonnus, le Virgile de 1501 et les Heures grecques de 1497 et 1521. Excellent helléniste, il aimait à feuilleter les éditions principes des classiques grecs, qu'il possédait presque au complet, bien que son Homère de 1488 ne fût pas un bien bel exemplaire. Admirateur passionné d'Horace, il recueillit huit cents volumes d'éditions et de traductions du poète : il avait même l'Horace de Milan 1474, exemplaire de Lord Sunderland.

Nulle part mieux que chez Christie, pouvait-on étudier les opinions singulières de quelques humanistes philosophes comme Giulio Camillo, Ramus, Sturm, Scioppius et Guillaume Postel.

Beaucoup de ses livres avaient. d'illustres provenances et le catalogue note pieusement le pedigree de ces exemplaires. L'Angleterre peut savoir gré à Christie de lui avoir conservé tant de volumes des collections Beckford, Sunderland, Butler, Wodhull, Gaisford, Heber et Thorold; les Français seront à la fois flattés et envieux des beaux livres portant la marque de Baluze, de J.-A. de Thou, de Renouard, de Didot et de Yemeniz.

Du catalogue, il n'y a rien à dire de particulier, sinon que toutes les bibliothèques devraient en avoir de pareils, qu'il est compilé avec discrétion et sans débauche d'érudition inutile, qu'on y trouve, pour les ouvrages rares, tous les renvois nécessaires et que d'excellents index en facilitent l'emploi.

Quelques jeunes Français semblent attirés de nos jours vers l'étude de

l'histoire et des lettres anglaises la bibliothèque Christie pourra aider à faire mieux connaître en Angleterre nos gloires passées. Quelle tâche plus noble pouvait rêver un ami de la France comme Christie que d'y avoir aussi largement contribué pour sa part? SEYMOUR DE RICCI.

Lucretius edited by WILLIAM A. MERRILL. Une broch. in-8, University of California publications in classical philology, 1917.

C'est une édition des six livres du De natura rerum, sans commentaire explicatif, avec quelques notes critiques, extrêmement réduites, au bas des pages. Le texte est établi avec soin on notera une tendance à main

tenir, partout où cela est seulement possible, la leçon des manuscrits. L'esprit pratique de l'éditeur se marque à son souci d'indiquer au lecteur les divisions et subdivisions du texte à l'intérieur de chaque livre. Il a adopté pour cela un système dont chacun goûtera l'ingéniosité, mais que d'aucuns trouveront trop complexe : diverses combinaisons typographiques. permettent de distinguer jusqu'à huit degrés de division, sans compter que les digressions sont placées entre crochets. Pour compléter ce système, on a inséré dans le texte, à la place que leur donnent les manuscrits, les titres anciens des différentes sections, que la plupart des éditeurs suppriment et que Lach nann a rassemblés à part, en fin de volume. L. C.

A. H. DAVENPORT. The False Decretals. Un vol. in-8, de XX-103 p. Oxford, 1916.

Ce petit volume contient un essai sur l'ensemble de la question des

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