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texte employant paganus au sens de non chrétien est un rescrit impérial de 370 or, dès le v siècle, les auteurs qui veulent expliquer ce sens du mot ont recours à des interprétations mystiques ou à des hypothèses pseudohistoriques; en outre, on rencontre dès le iv siècle des expressions telles que pagani principes, paganitas philosophorum, Graecus id est paganus. Pour qu'on eût ainsi perdu de vue l'origine du mot, il fallait que son emploi dans la langue parlée fût déjà ancien. Mais, s'il en est ainsi, les inscriptions doivent en fournir des exemples or, la plus ancienne date. de 300/330.

Je ne vois pas qu'on puisse sortir de cette difficulté si l'on n'admet pas que, quand les chrétiens commencèrent d'employer le mot paganus, il était déjà chargé, dans la langue courante, du sens accessoire de « profane ». C'est d'ailleurs ce que laissent supposer deux passages de saint Augustin: deorum falsorum multorumque cultores, quos usitato nomine paganos vocamus (Retract. 11, 43);... infidelium, quos vel gentiles, vel jam vulgo usitato vocabulo paganos appellare consuevimus (Ep., Patr. lat. XXXIII, p. 1030). Chez les auteurs païens, le mot ne se rencontre qu'une fois au sens de « profane » : mais c'est dès le Ie siècle, chez Perse (Satirae Prologus), et le texte ne laisse pas matière à contestation :

Ipse semipaganus

Ad sacra vatum carmen adfero nostrum.

Comment expliquer, dira-t-on, que les auteurs latins aient employé si rarement le mot dans cette acception? C'est qu'elle appartenait à la langue vulgaire et provinciale. Historiquement, le paganus, habitant du pagus,

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s'oppose au colonus: l'un est un indigène, l'autre un citoyen de Rome; dans les colonies militaires de la frontière, celui-ci est soldat, tandis que le premier ne l'est point. Si le sens de paganus = civil apparaît pour la première fois chez Tacite, c'est que le système des colonies militaires se développa à partir de l'Empire. A côté du sens politique et du sens militaire, le mot paganus devait présenter un sens religieux, dérivant, comme les deux autres, de l'opposition fondamentale paganus colonus le païen, c'est le paysan indigène qui reste fidèle aux dieux du pays, et ne sait rendre aux divinités romaines, quand il ne les ignore pas complètement, qu'un culte maladroit. On comprend dès lors pourquoi le mot paganus n'apparut dans la langue des chrétiens qu'au temps de Constantin: son apparition coïncide avec le moment où le christianisme se substitue comme religion officielle à l'ancienne religion.

Je n'apporte ici qu'une hypothèse, et sommairement esquissée dans les limites d'un compte rendu. Quoi qu'il en soit, la discussion si complète de M. Zeiller ne clôt pas le débat mais plutôt elle le rouvre, et c'est là son mérite, si c'est bien servir la science que de mettre en lumière l'intérêt et les difficultés d'une question.

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bie dont M. Petroniévitch a dressé un répertoire, sinon complet, du moins extrêmement riche. L'auteur connaît bien les églises de son pays et en montre tout l'intérêt artistique et national à la fois, car elles sont les témoins irrécusables de la culture intellectuelle des Serbes du moyen âge. De plus en plus les historiens de l'art byzantin, en France MM. Diehl et Millet, par exemple, sont frappés de l'originalité de cette école serbe dont les brillantes créations longtemps méconnues ont été une véritable révélation.

Le livre de M. Petroniévitch rendra donc des services en donnant un aperçu d'ensemble de l'histoire de l'architecture serbe. Des chapitres liminaires délimitent l'extension géographique de l'école serbe et donnent des renseignements sur l'ardeur avec laquelle Etienne Nemanja et ses descendants couvrirent la Serbie et la Macédoine d'importants monastères. Presque tous se signalent par leur munificence et certains ont élevé jusqu'à 15 églises pendant leur règne. L'oeuvre de chacun de ces princes a été bien caractérisée. Malgré la clarté du plan et l'intérêt historique de la plupart de ces chapitres, quelques réserves sont nécessaires. Il y a quelque flottement dans le classement chronologique. Pourquoi rattacher au XIIe siècle Chilandar? L'églised' Etienne Nemanja a disparu et l'église actuelle date de 1293. Il reste d'ailleurs peu de chose, semble-t-il, des constructions d'Etienne Nemanja, très remaniées par ses successeurs. De même l'auteur affirme imprudemment que les premières églises d'Etienne Nemanja auraient subi par la Dalmatie les influences romanes, tandis qu'après son voyage à Constantinople en 1185, il introduisit en Serbie le pur style

byzantin. Or justement la «< Kourchoumlia » élevée sur la Toplitsa avant 1170 montre les ruines d'une coupole de briques entièrement byzantine; au contraire l'église de Stoudenitsa, élevée en 1190 a justement une décoration toute romane.

A vrai dire les influences romanes et byzantines se sont entrecroisées en Serbie de la fin du XIIe au XVe siècle. M. Petronievitch l'a montré lui-même dans sa conclusion et il a eu raison d'insister sur le caractère original que les architectes serbes ont su donner à leurs œuvres en fondant ces éléments hétérogènes d'une manière harmonieuse. A côté de l'influence byzantine il eût pu faire aussi une place à celle de l'Orient, et en particulier de l'Arménie, que la Serbie a reçues directement dès l'époque de saint Savas, sans l'intermédiaire de Constantinople. C'est à l'Arménie que l'on doit les magnifiques séries d'arcatures qui ornent l'extérieur des édifices et aussi probablement ce goût pour les panneaux de sculpture-broderie dont les églises de Skopje, de Ravanitsa, de Kalénitch nous ont conservé des spécimens si charmants.

LOUIS BRÉHier.

RENÉ BASSET. Mélanges africains et orientaux. Un vol. in-8, de 390 p. Paris, Jean Maisonneuve et fils, 1915.

M. René Basset a eu l'heureuse idée de recueillir dans ce volume vingtsept mémoires publiés par lui depuis une trentaine d'années dans diverses revues périodiques et traitant de questions d'histoire, d'histoire littéraire et de folklore des pays orientaux.

Parmi les morceaux consacrés à l'Afrique du Nord, nous citerons notamment les suivants : L'Algérie arabe,

exposé des invasions arabes dans le Maghreb au vir et au x1° siècle, puis des guerres et des événements politiques qui en furent la conséquence; La Littérature populaire berbère, et arabe dans le Maghreb et chez les Maures d'Espagne, analyse, avec citations multiples, des thèmes développés dans certains chants et contes arabes et berbères; Notes de voyage, récits, où se mêlent le pittoresque et l'érudition, des excursions que M. R. Basset fit de 1882 à 1885 à Djerbah, à Tanger, au Mzab, à Ouargla, et dans le Sahara oranais; Les cheiks du Maroc au XVIe siècle, dissertation, où il est montré comment les chérifs saadiens du Maroc arrêtèrent les conquêtes des Portugais et tinrent tête aux Turcs; A. de Calassanti-Motylinski (18541907), biographie d'un homme d'action doublé d'un savant; envoyé en 1882 à Ghardaïa comme interprète militaire, Motylinski saisit bientôt l'intérêt que présentait l'étude des communautés berbères du Mzab; quoique professeur d'arabe à la Médersa de Constantine, il resta toute sa vie un fidèle berbérisant, comme le montrent ses travaux sur l'île de Djerba et le djebel Nefousa; il succomba victime de la science, au retour d'un voyage au Hoggar dans le Sahara, où il était allé retrouver son ami le P. de Foucauld et d'où il avait rapporté plus de 6 000 lignes de textes touaregs inédits.

D'autres morceaux du volume de M. Basset ont trait au Sénégal : Rapport sur une mission au Sénégal; Les Bambaras; à l'Éthiopic; La reine de Saba; Les légendes de S. Tertag et de S. Sousnyos; Le nord-est de l'Ethiopie; à l'Égypte Les règles attribuées à S. Pakhome; La littérature copte; à la Perse Études persanes; Les Mèdes; Légendes de Perse; Contes persans.

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Il ne faut pas chercher dans l'ouvrage de M. V. Dauphin l'unité qu'il n'a pas voulu lui donner. Nous croyons savoir qu'il songe à un travail d'ensemble sur l'organisation professionnelle en Anjou qui, conçu sur le plan qui s'impose dans un pareil sujet, se composerait d'abord d'une étude sur cette organisation au point de vue économique, social, religieux et ensuite de monographies où seraient exposés les procédés techniques et les usages commerciaux propres à chaque profession. Les circonstances ne lui ont pas permis de nous donner autre chose aujourd'hui que deux études, dont la seconde, Les manufactures de toiles à voiles d'Angers et de Beaufort, se rapporte à une époque trop récente pour que nous puissions en parler aux lecteurs du Journal des Savants, dont la première elle-même, Les corporations des tisserands, des cordiers et des filassiers d'Angers nous fait

descendre jusqu'à une période non moins étrangère au domaine chronologique du présent recueil. L'auteur annonce l'intention de faire suivre ces deux études d'une troisième partie qui serait intitulée : L'Industrie toilière dans la province d'Anjou et d'une quatrième sur Les manufactures des toiles peintes d'Angers. Comment ces quatre parties qui constitueront l'ensemble des Recherches pour servir à l'histoire de l'industrie textile en Anjou, se raccorderont-elles à l'histoire générale de l'industrie et du commerce angevins dont l'auteur caresse la pensée, c'est ce qui ne paraît pas être arrêté encore dans son esprit. N'anticipons pas sur ses résolutions, ne troublons pas le peu de liberté que lui laissent, pour les mûrir, la tranchée et l'hôpital. Nous nous attacherons exclusivement ici, pour la raison que nous avons dite, à ce qu'il nous apprend des corporations des tisserands en toile, des cordiers et des filassiers d'Angers.

M. Dauphin commence par la no\ menclature et la définition des transformations subies par le chanvre et le lin et des métiers qui vivaient de la fabrication et du commerce de ces textiles. Ce qu'il nous dit sur ces deux points (Introd.) est à peu près conforme à ce que nous en avons dit nous-même (Etudes sur l'industrie..., chap, IV, Industries textiles) et nous ne pourrions y relever des différences sans tomber dans la minutie. teur ne paraît pas avoir bien su (p. 10-11) ce qu'étaient les regratiers. C'étaient des détaillants, des revendeurs. Il y en avait naturellement dans beaucoup de professions. Sur la généralité de l'obligation imposée aux cordiers de fournir les cordes pour les prisonniers et pour le gibet, M. Dau

SAVANTS.

L'au

phin aurait pu se montrer plus affirmatif encore (p. 23). Même fourniture et même immunité fiscale à Paris (Études, p. 99, note) et l'on sait que ce ce n'était pas la seule corporation qui fut soumise à des fournitures de son métier (Ibid.). M. Dauphin publie, d'après une transcription sur le registre du greffe de la police royale d'Angers en 1760, les statuts que les cordiers d'Angers obtinrent de René d'Anjou le 7 juin 1445, au moment où ils se constituèrent en corporation. C'est par là qu'il aurait dû commencer ce chapitre sur les cordiers et les vicissitudes de la corderie relatées p. 24 et suiv., n'auraient dû prendre place qu'après ce titre d'érection. Ce défaut de méthode a pour conséquence

de nous faire hésiter à reconnaître tout de suite dans les statuts publiés p. 35 sans intitulé, sans notification, sans exposé de motifs (ce préambule est donné à part, p. 24 en note) ceux du 7 juin 1445. La partie technique de ces statuts a d'ailleurs été commentée avec soin et intelligence. Peutêtre aurait-il fallu expliquer, bien qu'elle soit très usuelle, l'expression au fuer l'emplage, qui se présente dans l'article 24 et ailleurs. J'aurais voulu que les mots feste du sacre fussent expliqués aussi la première fois qu'on les rencontre, c'est-à-dire dans la requête des cordiers pour être déchargés des frais de la torche qu'ils avaient coutume de porter à la fête du SaintSacrement (p. 28). Dans la décision rendue par le corps de ville sur cette requête, on lit (p. 23): « Ils donnent [à] entendre... qu'ils sont pauvres quoy que soient la plupart d'eux... ». Il y a là une faute de copie qui d'ailleurs ne rend pas le sens douteux. P. 39, art. 39: « qu'ils y auront trouvé ledit chef-d'œuvre... »; il faudrait

...

28

ajouter quelque chose comme léalment blissement des tisserands. Ce texte fait, bon, léal. P. 43, art. 38 : « ... cha- ne soulève que quelques observations, cune qui ne soit pas du dit métier... >> p. 63, art. 4: « pour faire le seraient... » au lieu de chacune lisez à quelqu'un. lisez le serment. P. 65: « l'étant --L'auteur n'aurait pas dû reproduire, pour entretenir » ; supprimer : l'. P. 66 d'après un ouvrage de vulgarisation « ... jusqu'à ce qu'il ait désdomagé, comme le Dictionnaire portatif des satisfait du contanté... ». lisez proarts et métiers, l'assertion que les pre- bablement ou contanté. P. 63, n. 1 : miers statuts de la corporation des « de son commandement » ne signifie tisserands de toile de Paris datent du pas par son ordre, mais par son repré22 janvier 1586 (p. 17, n. 1). Ces pre- sentant. C'est le sens qu'il a dans le miers statuts sont du 9 octobre 1281 passage cité par M. Dauphin et qui (voir le recueil de Lespinasse et Bon- d'ailleurs ne se trouve pas au titre XIX nardot, III, 53). La date du 22 jan- du Livre des métiers, de l'éd. Depping, vier 1586 est celle de l'enregistrement celle à laquelle M. Dauphin se réfère des lettres patentes d'octobre 1579, toujours. En revanche on y trouve une érigeant le métier en métier juré. phrase d'où ressort bien le vrai sens (Ibid., III, 58). Quant aux tisserands de commandement : « ... fera à savoir toiliers d'Angers, ils auraient, si nous au prévot de Paris ou à son commanavons bien compris M. Dauphin, reçu dement ». P. 64, n. 2, nous lisons : leurs premiers statuts du roi René « Nous n'avons pas rencontré de conà une date qu'on ne nous indique pas trat qui nous ait fixé définitivement sur directement. Ils ne nous seraient pas la durée de l'apprentissage ». M. Dauparvenus et nous ne pourrions nous phin en aurait trouvé beaucoup s'il en faire une idée que par le remanie- avait exploré les minutiers des notaires. ment que nous en offrent ceux qui les P. 67, art. 11: « en l'ouvrage plain ou remplacèrent sous Charles VIII et trois rotz... ». Suppléez: il y ait que l'on ne connaît que par deux copies (p. 67. n. 1). Je crois que l'auteur de 1702. Or l'une d'elles, la plus com- donne une interprétation trop resplète, reproduirait celle que firent faire treinte au mot plain appliqué à une les tisserands toiliers de Saumur en étoffe, en disant qu'il désigne une juillet 1579, quand ils en adoptèrent étoffe unie, d'une seule couleur. Unie, les dispositions. Mais alors les statuts uniforme, oui, mais pas seulement donnés par le roi René ne nous seraient quant à la couleur. Je comprends plain plus inconnus, nous les posséderions dans le sens d'homogène, d'uniforme dans la copie faite par les soins des par le fil, la qualité, la couleur, la façon. tisserands de Saumur en 1579 et dans Voir Etudes, 225 et 371: « que l'édition qu'en donne M. Dauphin aucun ne vende... à Paris, draps plains (p. 60-73). Les pages 47-60 où l'auteur et d'une couleur qui aient rayes d'esraconte l'histoire des tisserands toi-tranges fils ». Dans un exemple donné liers depuis la suppression de leur corporation et s'occupe des marchés aux chanvres, aux fils et aux toiles, n'auraient dû trouver place qu'après le texte et l'examen des statuts qui sont jusqu'à nouvel ordre le titre d'éta

...

par Godefroy, v° Plain, drap plain est opposé à drap rayé. Dans l'art. 17, p. 69 de l'ouvrage dont nous rendons compte, plain œuvre s'oppose à œuvre ouvrée. Plain en parlant d'une étoffe, c'est ce que nous appelons dans un

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