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minuer l'année suivante, s'ils le jugent convenable; comme ils peuvent diminuer ou augmenter le traitement qu'ils accordent aux ministres protestants et aux rabbins : ce qui s'accorde peu, ce semble, avec le droit perpétuel ou permanent, qui est, de l'aveu de tous, inhérent au bénéfice ecclésiastique, proprement dit. C'est d'après ces considérations que nous avons adopté l'opinion de M. Émery, dans notre édition des Conférences d'Angers.

452. Mais l'opinion contraire a prévalu, surtout depuis les déci sions de la Sacrée Pénitencerie, du 9 janvier 1819, du 9 août 1821, et du 9 janvier 1823. Suivant ces décisions, le salaire que le clergé de France reçoit du gouvernement doit être regardé comme un revenu ecclésiastique. On se fonde sur ce que le pape Pie VII, en légitimant la vente des biens de l'Église, par le concordat de 1801, ne l'a fait qu'à raison de l'engagement pris, par le gouvernement, de procurer un traitement convenable au clergé; de sorte que ce traitement doit être considéré comme une portion des biens qui appartenaient aux églises de France avant la révolution(1).

Il n'y aurait plus de difficulté, si la pension qu'on accorde aux différents membres du clergé était déterminée et fixée, conformément à l'esprit des concordats, de manière à ne plus dépendre du caprice des chambres. Les décisions de la Sacrée Pénitencerie sont fondées sur l'engagement pris par le gouvernement de doter les églises de France, ou d'assurer au clergé un traitement convenable, et indépendant des événements. Tandis que cette dotation n'aura pas lieu, il nous paraitra difficile de concilier la notion des biens ecclésiastiques avec le caractère du traitement ou de la pension que les évêques, les chanoines et les curés reçoivent du gouvernement.

(1) Voyez la Théologie de Mgr Bouvier, de Jure, cap. 2. art. 1. sect. 4; le Traité de Justitia el Jure, imprimé à Amiens en 1827, Dissert. 2. cap. 2. art. 1; la Théologie de Toulouse, de Obligationibus, part. 2. cap. 2. sect. 2. art. 2. § 2; le Traité de Justitia, par M. Carrières, no 194; M. Lequeux, Manuale juris canonici, tom. ui, no 1205, etc.

DEUXIÈME PARTIE.

Du deuxième précepte du Décalogue.

453. Le deuxième commandement de Dieu est ainsi conçu: Tu ne prendras point en vain le nom du Seigneur ton Dieu; car le Seigneur ne tiendra pas pour innocent celui qui aura pris en vain le nom du Seigneur son Dieu. «Non assumes nomen Dei tui in « vanum. Nec enim habebit insontem Dominus eum qui assumpserit « nomen Domini Dei sui frustra (1). »

On pèche contre ce commandement, en même temps qu'on pèche contre la vertu de religion, par le blasphème, par le parjure, et par la violation des vœux.

CHAPITRE PREMIER.

Du Blasphème.

454. On définit le blasphème, une parole injurieuse à Dieu : « Contumeliosa contra Deum locutio. » Pour qu'il y ait blasphème, il n'est pas nécessaire qu'un discours soit directement contre Dieu; il suffit qu'il soit contre les saints, ou contre les choses sacrées, ou autres créatures, considérées comme œuvres de Dieu. Les blasphèmes qu'on se permet à l'égard des saints retombent sur Dieu, auteur de toute sainteté : « Sicut Deus laudatur in sanctis suis, dit «< saint Thomas, inquantum laudantur opera quæ Deus in sanctis efficit, ita et blasphemia quæ fit in sanctos, ex consequenti in « Deum redundat (2). » Et ailleurs : «Maledicere rebus irrationalibus inquantum sunt creaturæ Dei, est peccatum blasphemiæ; male« dicere autem eis secundum se consideratis est otiosum et vanum, « et per consequens illicitum (3). »

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455. Le blasphème proprement dit est un péché grave, et n'admet pas de légèreté de matière : « Qui blasphemaverit nomen Domini,

(1) Exod. c. 20. v. 7. — (2) Sum. part. 2. 2. quæst. 13. art. 1.—(3) Ibidem, quæst. 6. art. 2.

M. I.

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<< morte moriatur (1). Cependant il peut devenir véniel par le défaut d'une pleine advertance. Celui qui, par exemple, dans un mouvement d'impatience, profère les paroles du blasphème, sans faire attention à ce que signifient ces paroles, ne pèche que véniellement: « Cum aliquis subito ex aliqua passione in verba imagi« nata prorumpit, quorum significationem non considerat, tunc « est peccatum veniale, et non habet proprie rationem blasphemiæ. » Ce sont les expressions de saint Thomas (2).

Mais, pour se rendre coupable de blasphème, il n'est pas nécessaire d'avoir l'intention formelle d'outrager Dieu, de diminuer l'honneur qui lui est dù; il suffit de proférer le blasphème, quand on sait d'ailleurs et qu'on s'aperçoit que les paroles que l'on se permet sont injurieuses à Dieu.

456. Le blasphème est quelquefois accompagné d'hérésie ou d'imprécation: d'hérésie, quand, en proférant des paroles injurieuses à Dieu et contraires à la foi, on se persuade intérieurement que ces paroles sont vraies. Mais il est bien rare qu'un fidèle, qu'un catholique profère dans cet esprit des injures contre Dieu. Cela ne vient le plus souvent que d'un amour désordonné qu'on a pour les biens de la terre. S'en voyant privé, un homme s'emporte à parler mal de Dieu, sans penser que Dieu soit ce qu'il dit; de sorte que tel qui blasphème en disant que Dieu n'est pas juste, étant interrogé, répondra qu'il croit et professe que Dieu est souverainement juste.

Il y a blasphème par imprécation, lorsqu'on maudit Dieu, qu'on souhaite qu'il n'existe pas: c'est un crime, c'est la haine pour Dieu, que saint Thomas appelle le plus grand mal, le plus grave des péchés de l'homme, « pessimum peccatum hominis, inter alia pec«< cata gravius, gravissimum peccatum. » Ce blasphème, quoique moindre à l'égard des saints, est néanmoins mortel quand il est suffisamment délibéré.

457. On se rend coupable de blasphème: 1° En refusant à Dieu ce qui lui appartient, en disant, par exemple, qu'il n'est pas toutpuissant; qu'il n'est point miséricordieux; qu'il ne s'occupe pas de nous, de ce qui se passe sur la terre; qu'il n'est pas juste. 2o En attribuant à Dieu ce qui ne lui appartient pas, lorsqu'on dit de Dieu, par exemple, que c'est un tyran; qu'il est cruel, injuste. 3o En attribuant aux créatures ce qui n'appartient qu'à Dieu; ev disant du démon, par exemple, qu'il est tout-puissant, qu'il sait

(1) Lévit. e 24. v. 16. — (2) Sum. part. 2. 2. quæst. 13. art. 2.

tout ce qui doit arriver, qu'il en sait autant que Dieu; ou d'un prince, que c'est un dieu, un second Messie; que Dieu ne lui peut rien; ou d'une personne qu'on aime passionnément, qu'elle est aussi aimable que Dieu.

4o Lorsqu'on maudit Dieu, son Église, ses Saints, et celles des créatures dans lesquelles brillent d'une manière particulière sa puissance, sa grandeur, sa sagesse, sa bonté; comme sont l'homme, en général, notre âme, le ciel, la terre, l'océan,

5o C'est encore un blasphème de dire: Je ferai cela malgré Dieu; que Dieu le veuille ou ne le veuille pas, je le ferai; je renie Dieu; ou de tenir de semblables propos qui font horreur, que l'on ne peut entendre sans frémir.

6o C'est un blasphème de dire de la sainte Vierge, par exemple, que c'est une femme comme une autre, voulant faire entendre qu'elle n'est point mère de Dieu, ou qu'elle n'est pas demeurée vierge pendant et après l'enfantement.

458. Mais ce n'est point un blasphème de mêler les noms de Dieu, de la sainte Vierge Marie, des saints, dans les conversations ordinaires et profanes, quoiqu'on les prononce sans aucun esprit de religion. Cependant on n'excuse pas de tout péché véniel l'habitude de les prononcer à tout propos comme s'ils étaient purement profanes, à moins qu'on ne puisse alléguer l'ignorance ou la simplicité des fidèles qui tombent facilement dans cet abus : « Nomi«< natio Dei non sit assidua in ore tuo, et nominibus sanctorum « non admiscearis, quoniam non eris immunis ab eis (1). »

459. Ce n'est point un blasphème, ni un péché mortel, de prononcer, soit de sang-froid, soit dans un mouvement de colère ou d'impatience, le mot de sacré, qu'on emploie le plus souvent avec certaines expressions grossières, plus ou moins injurieuses au prochain, en disant de quelqu'un, par exemple, que c'est un sacré B., sacré M. Ce n'est point contre Dieu que l'emportement fait tenir de semblables propos, mais bien contre les hommes, ou contre les animaux, ou contre les choses mêmes qui ont été l'occasion de notre impatience. La colère, quelque grande, quelque grave qu'elle soit, n'en change point la signification.

460. Ce n'est point non plus un blasphème proprement dit, de prononcer en vain le saint nom de Dieu, en disant, par exemple: Nom de Dieu! sacré nom de Dieu! Ces mots, qu'on profère le plus souvent dans un mouvement d'impatience, ne sont point

(1) Eccli. c. 23. v. 10.

contre Dieu dans l'intention de celui qui se les permet, mais contre les hommes, les animaux ou les êtres inanimés à l'égard desquels on se livre à la colère. Ils n'expriment, par eux-mêmes, aucune injure, aucune diminution de l'honneur que l'on doit au saint nom de Dieu. Si on y fait bien attention, on remarquera que ce sont des jurements, jurements matériels et comminatoires: des jurements; car ces mots, nom de Dieu, sacré nom de Dieu, répondent à ceux-ci : Par Dieu, par le nom de Dieu, par le sacré ou saint nom de Dieu; jurements matériels, et non formels ; car ici on n'a pas généralement l'intention de jurer, de prendre Dieu à témoin; jurements comminatoires: ils sont ordinairement accompagnés de menaces, plus ou moins explicites. Aussi, ce qui confirme notre manière de voir, c'est que les fidèles qui ont la malheureuse habitude de proférer le saint nom de Dieu, de la manière dont il s'agit, s'accusent toujours, conformément à l'opinion vulgaire, d'avoir juré le nom de Dieu, ou par le nom de Dieu. D'ailleurs, y eût-il du doute, s'il y a blasphème ou non, un confesseur doit, dans la pratique, se comporter comme s'il n'y avait pas blasphème : « In dubio, dit saint Alphonse de Liguori, an aliqua sit necne blasphemia, minime ut blasphemia sumenda « est (1). »

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461. Mais en tout cas, de quelque manière qu'on envisage la chose, on ne peut excuser de péché véniel ceux qui prononcent en vain le nom de Dieu. Il peut même y avoir péché mortel, à raison du scandale. Pour en juger, il faut avoir égard au caractère de la personne qui se rend coupable de cet abus, et à l'idée qu'on y attache généralement dans le pays.

Tout en instruisant les fidèles sur l'obligation d'honorer et de sanctifier en tout le saint nom du Seigneur; tout en leur inspirant la plus vive horreur pour le blasphème, les curés éviteront de comprendre parmi les blasphémateurs ceux qui, sans blasphemer en effet, ont la mauvaise habitude de prononcer en vain le nom de Dieu, et de proférer à tout propos le mot de sacré. Ils feront tout ce qui dépendra d'eux pour déraciner cette habitude dans leurs paroisses; mais ils ne réussiront à la détruire qu'en facilitant à leurs paroissiens, autant que possible, la pratique et la fréquentation des sacrements de Pénitence et d'Eucharistie.

462. Quand un pénitent s'accuse d'avoir blasphémé, le confesseur doit l'interroger sur la nature du blasphème et sur l'intention

(1) Theol. moral. lib. 1. no 130. Voyez aussi Bonacina, Laymann, etc.

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