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Je veux que mon corps soit enterré à Reims, et qu'on fasse célébrer cent messes pour le repos de mon âme.

Fait à Reims, le sept mai de l'an mil huit cent quarante-trois,

PIERRE-ANTOINE OLIVIER.

II. Ceci est mon testament.

Je donne et lègue à Claude Vincent, avocat à Paris, les meubles qui se trouveront à mon décès dans la maison que je possède à Reims.

Je nomme et institue mon légataire universel Paul-Étienne Robert, négociant à Reims, pour recueillir tous mes biens meubles et immeubles, à l'exception des meubles dont je viens de disposer en faveur de Claude Vincent.

Je le charge de mes funérailles, en m'en rapportant à sa discrétion.

Je le charge aussi de donner mille francs au grand séminaire de Reims, mille francs aux pauvres de cette ville, et trois cents francs au curé de ma paroisse, pour trois cents messes à mon intention.

Fait à Reims..

Signature du testateur.

807. Nous ferons remarquer ici, 1o que les expressions biens meubles, mobilier, effets mobiliers, comprennent généralement tout ce qui est censé meuble d'après les dispositions du Code civil. Si donc Pierre lègue à Paul, sans autre explication, son mobilier, ou ses effets mobiliers ou ses biens meubles, ce legs comprendra l'argent comptant, les dettes actives, et généralement tout ce qui est meuble dans la succession de Pierre. Si cependant il était constant que Pierre n'entendait point donner son argent, ni ce qu'on lui devait, et que ce n'est que par erreur qu'il s'est servi de l'expression mobilier, on devrait suivre plutôt l'intention du testateur que les termes du testament. Paul ne pourrait, sans injustice, se prévaloir de la sentence du juge, pour réclamer ce que Pierre n'a pas eu l'intention de lui donner.

2o Que le mot meuble, employé seul, sans addition ni désigna tion, ne comprend pas l'argent comptant, les dettes actives, les pierreries, les livres, médailles, instruments des sciences, des arts

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et métiers, le linge de corps, les chevaux, équipages, armes, grains, vins, foins, et autres denrées : il ne comprend pas non plus ce qui fait l'objet d'un commerce (1). Mais lorsque le mot meubles est mis par opposition au mot immeubles, il comprend tous les objets mobiliers, de quelque nature qu'ils soient. Par conséquent, si un testament était ainsi conçu, Je donne à Pierre mes meubles, et à Paul mes immeubles, Pierre pourrait réclamer tous les biens meubles ou effets mobiliers, à prendre ces mots dans un sens aussi étendu que possible. Il en serait de même pour le cas où l'acte porterait, Je donne tous mes meubles, sans autre indication: tout le mobilier serait compris dans cette disposition (2).

3o Que les mots meubles meublants ne comprennent que les meubles destinés à l'usage et à l'ornement des appartements, comme tapisseries, lits, siéges, glaces, pendules, tables, porcelaines, et autres objets de cette nature. Les tableaux et statues qui font partie du meuble d'un appartement y sont aussi compris, mais non les collections de tableaux qui peuvent être dans les galeries ou pièces particulières. Il en est de même des porcelaines : celles seulement qui font partie de la décoration d'un appartement sont comprises sous la dénomination de meubles meublants (3). Les livres ne sont pas des meubles meublants; on ne les achète pas pour meubler une maison; ils ont une fin plus noble.

CHAPITRE XI.

Du Prét.

808. Le prêt, en général, est un contrat par lequel on livre une chose à quelqu'un, à la charge par celui-ci de rendre individuellement la même chose, ou d'en rendre l'équivalent, après un certain laps de temps. Le prêt est un contrat réel; il ne se forme que par la tradition de la chose qui en est l'objet. On distingue deux sortes de prêts: le prêt à usage ou commodat, commodatum; le prêt de consommation ou simple prêt, en latin mutuum.

(1) Cod. civ. art. 533. —(2) Malleville, Toullier, Delvincourt, Rogron, etc.

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ARTICLE I.

Du Prêt à usage ou commodat.

809. Le prêt à usage est un contrat par lequel l'une des parties livre gratuitement une chose à l'autre pour s'en servir, à la charge par le preneur de la rendre individuellement la même après s'en être servi. Ce contrat est essentiellement gratuit: si donc le prêteur exige quoi que ce soit pour prix du service qu'il rend par le prêt à usage, le contrat perd sa nature et son nom, il devient alors contrat de louage. Le commodat n'a pour objet que les choses dont on peut user sans les détruire, sans les aliéner. Les choses mobilières sont plus communément l'objet de ce contrat, comme un cheval, une voiture, des livres, des instruments. Cependant les immeubles peuvent aussi être prêtés: on prête quelquefois à un ami, à un voisin, sa cave ou un appartement dans sa maison, etc. Mais ce qui se consomme par l'usage qu'on en fait ne peut servir de matière au prêt à usage. Aussi, le prêteur demeure propriétaire de la chose prêtée; par conséquent, si elle vient à périr sans qu'il y ait faute ou négligence de la part de l'emprunteur, la perte tombe sur le prêteur: Res perit domino (1).

810. L'emprunteur est tenu de veiller en bon père de famille à la garde et à la conservation de la chose prêtée; il doit même apporter plus de soin à la chose qu'il a empruntée qu'il n'en apporte aux siennes; car si la chose prêtée périt par cas fortuit dont l'emprunteur aurait pu la garantir en employant la sienne propre, ou si, ne pouvant conserver que l'une des deux, il a préféré la sienne, il est tenu de la perte de l'autre (2). Exemple: Paul, ayant un cheval qu'il craint de fatiguer, emprunte le cheval de Pierre pour faire un voyage; ce cheval vient à périr en route par cas fortuit; Paul en est responsable, parce qu'il ne devait se servir du cheval de Pierre qu'à défaut du sien.

Le preneur ne peut se servir de la chose prêtée que pour l'usage déterminé par sa nature ou par la convention. Si, par exemple, j'ai emprunté un cheval de selle, je ne pourrai pas l'atteler à mon cabriolet. Si on me le prête pour aller dans une ville située à dix lieues de distance, je ne dois pas m'en servir pour aller dans une autre ville plus éloignée. En employant la chose à un autre usage,

(1) Cod. civ. art. 1875 et suiv. (2) Ibidem. art. 1880 et 1882.

ou pour un temps plus long qu'on ne le doit, on serait tenu mème de la perte arrivée par cas fortuit (1), à moins que la chose n'cut egalement péri entre les mains du propriétaire.

811. Si la chose se détériore par le seul effet de l'usage pour lequel elle a été empruntée, et sans aucune faute de la part de l'emprunteur, celui-ci n'est pas tenu de la détérioration. Mais si cette détérioration était amenée par la faute ou par la négligence de l'emprunteur, il en serait responsable. L'emprunteur est tenu des dépenses ordinaires qui sont une suite naturelle du service qu'il tire de la chose prêtée; mais il n'est pas chargé des dépenses extraordinaires : elles sont à la charge du prêteur. Exemple : Je vous ai prêté mon cheval pour un voyage; vous êtes obligé de le nourrir, et de l'entretenir de fers à vos dépens. Mais s'il lui survient une maladie sans qu'il y ait de votre faute, vous aurez droit de répéter contre moi les frais occasionnés par cette maladie (2).

Si plusieurs ont conjointement emprunté la même chose, ils en sont solidairement responsables envers le préteur (3). Si donc j'ai prété ma voiture à deux personnes, je pourrai poursuivre, en même temps, chacune d'elles pour la restitution de ma voiture; elles sont toutes deux conjointement chargées de sa restitution.

L'emprunteur est obligé de rendre la chose prêtée au terme convenu, ou, à défaut de convention, après s'en être servi à l'usage pour lequel il l'avait empruntée. Il ne peut, aux termes du Code civil, la conserver par compensation de ce que le prêteur lui doit (4). Cependant, s'il la retenait à ce titre, il pécherait contre la justice légale, et non contre la justice commutative.

812. Pour ce qui regarde les engagements du prêteur, il ne peut retirer la chose qu'après le terme convenu, ou, à défaut de convention, qu'après qu'elle a servi à l'usage pour lequel elle a été prétée (5). Si, par exemple, vous m'avez emprunté une cuve pour presser vos raisins et faire votre vin, je ne pourrai la retirer que lorsque votre vin sera fait. Néanmoins, si, avant le délai convenu, ou avant que le besoin de l'emprunteur ait cessé, il survient au prêteur un besoin pressant et imprévu de la chose, celuici peut la réclamer et se la faire rendre (6). Le prêteur n'est pas présumé avoir voulu rendre service à un autre, à son propre préjudice.

(1) Cod. civ. art. 1080 et 1081.—(2) Ibidem. art. 1084 et 1085. —(3) Ibidem. art. 1887. —(4) Ibidem. art. 1886.—(5) Ibidem. art. 1888. (6) Ibidem. art.

Lorsque la chose prêtée a des défauts tels qu'elle puisse causer du préjudice à celui qui s'en sert, le prêteur est responsable, si, connaissant ces défauts, il n'en a pas averti l'emprunteur (1): par exemple, s'il a prêté un cheval morveux qui, ayant communiqué sa maladie à ceux de l'emprunteur, les a fait périr. Mais pour que le prêteur soit tenu de réparer le préjudice, il faut qu'il ait connu les vices de la chose prêtée; parce que, le contrat qu'il a passé étant purement gratuit, on ne peut le rendre responsable que de sa faute ou de son dol.

Les engagements qui se forment, par le prêt à usage, entre l'emprunteur et le prêteur, passent aux héritiers de celui qui préte et aux héritiers de celui qui emprunte. Cependant, si l'on n'a prêté qu'en considération de l'emprunteur, et à lui personnellement, alors ses héritiers ne peuvent continuer de se servir de la - chose prêtée (2).

ARTICLE II.

Du simple Prét, ou Prêt de consommation.

813. Le simple prêt, ou prêt de consommation, est un contrat par lequel l'une des parties livre à l'autre une certaine quantité de choses qui se consomment par l'usage, à la charge par celle-ci de lui en rendre l'équivalent en espèce et qualité, après un certain temps dont on convient ordinairement. Par l'effet de ce prêt, l'emprunteur devient le propriétaire de la chose prêtée, et c'est pour lui qu'elle périt, de quelque manière que cette perte arrive (3). Mais comme le prêt est un contrat réel qui ne peut être parfait que lorsque la chose est livrée, la propriété de la chose prêtée n'est transférée que par la tradition.

Le simple prêt n'a pour objet que les choses qui se consomment par l'usage tels sont le blé, le vin, l'huile, les fruits et denrées; et même l'argent monnayé, pecunia numerata, dont la consommation n'est que morale, consistant dans l'aliénation qu'on en fait. Le prêt de consommation diffère essentiellement du prêt à usage et du contrat de louage : « Non potest mutuum, dit Benoît XIV, « locationi ullo pacto comparari (4). » Il est également distinct du contrat de société, où le bénéfice et la perte sont communs aux as

(1) Cod. civ. art. 1891. (2) Ibidem. art. 1879. 1893. (4) De Synodo diœces, lib. vi. c. 47. n° 2.

− (3) Ibidem, art. 1892 et

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