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Ce peintre ne fut pas long-temps fans être occupé ; il pei

gnit dans la premiére cour de l'Annonciade une vifitation de JACQUES la Vierge, qui difputoit de coloris avec les ouvrages de fon PONTORme. maître André del Sarto; fon nom devint fi célébre, qu'on s'empreffa de lui commander plufieurs tableaux pour les Eglifes. Il ne réüffiffoit pas moins bien aux décorations de théâtre,aux arcs de triomphe, aux mascarades, quand les fêtes publiques lui en fourniffoient l'occafion. Comme il étoit fort habile pour le portrait, il peignit avec fuccès toute la maison de Médicis qui l'employa à la grande falle de Poggio à Cajano. Pontorme étoit grand colorifte & inventoit facilement; fa maniére étoit grande, mais très-dure.

La pefte ayant affligé la ville de Florence, il fe retira à la Chartreuse à trois milles de la ville avec le Bronzin fon difciple. La vie tranquille de ces religieux & un grand loifir lui fit accepter de peindre le cloître de cette maifon; par l'envie de fe diftinguer, il fe forma l'idée d'un travail extraordinaire. On lui avoit apporté d'Allemagne la paffion de N. S. & plufieurs autres eftampes gravées par Alberdurer, il en fut`enchanté, il voulut reformer fa maniére fur celle de ce maître & peignit dans le cloître les mêmes fujets. Ce goût Allemand lui fit quitter le fien qui étoit excellent & nuifit beaucoup à fa réputation naiffante. Les Allemands d'ordinaire viennent en Italie pour en prendre le goût, Pontorme dans fon pays fit tout le contraire: ainfi fes premiers ouvrages font préfé

rables aux derniers.

Le tableau qui représente Jefus-Chrift à table chez Cléofas peint dans l'hofpice des Chartreux eft d'une meilleure touche que leur cloître, il y a fait le portrait de plufieurs freres de l'Ordre. A fon retour à Florence il reprit le goût Allemand; la chapelle Capponi où il employa trois années, le tableau d'Autel des religieufes de fainte Anne fe reffentent de cette maniére. Michel - Ange faifoit un fi grand cas de Pontorme, qu'il dit au fujet du carton qui repréfente JefusChrist fous la forme d'un jardinier qu'il avoit fait pour Marquis del Guafto, que le Pontorme étoit le feul qui pût l'exécuter en peinture. Il le fit au grand contentement de Michel-Ange, ainsi qu'une Vénus avec un Cupidon.

le

Tous ces ouvrages fournirent quelque argent au Pontorme dont il voulut conftruire une maison, elle tenoit en quelque

forte de la bizarrerie de fon génie, on montoit à la chambre JACQUES où il travailloit par un escalier de bois qu'il retiroit en haut PONTORME. avec une poulie lorfqu'il y étoit entré. Toujours feul, malvétu, fe fervant lui-même, ne travaillant que pour les perfonnes qui lui plaifoient, il refufa le Grand Duc qui étoit fon maître pendant qu'il donnoit à fon maçon des tableaux en payement. Pour mieux fuivre fon caprice, il ne permettoit qu'à fes éléves de le voir travailler; fouvent mécontent de lui-même, il auroit effacé fans l'avis de fes amis ce qu'il avoit fait de meilleur pour fuivre une nouvelle idée que fon génie lui fourniffoit.

La coutume de ce peintre étoit de ne rien faire ébaucher par fes éléves. Il peignoit tout de fa main, il leur laiffoit feulement finir une partie qui fe diftinguoit affez du refte. Son goût varioit, & il avoit de la peine à revenir à fa premiére manière qui étoit la meilleure : il échoüa dans fes deux derniers ouvrages, l'un eft la Loge du palais del Caftello appartenant au Grand Duc, ou cinq années entiéres furent employées. On n'y trouve qu'une ordonnance mal conçuë, aucune dégradation, point de perfpective, avec une incorrection générale. L'autre ouvrage qu'il enleva au crédit de François Salviati eft la fameuse chapelle de faint Laurent, où il voulut fe furpaffer lui-même. Onze années s'écoulérent dans ce travail fans qu'il y eût mis la derniére main: comme une autre Penelope, il effaçoit le lendemain ce qu'il avoit fait le jour précédent, fouvent il paffoit des jours entiers à contempler fon ouvrage : enfin le cerveau fatigué, il ne put réüffir à donner à cette chapelle le ton de couleur & les belles parties qu'on remarque dans fes premiers ouvrages. Le chagrin qu'il en eut le rendit malade, & le fit mourir à Florence d'une hydropifie en 1556. âgé de foixante & trois ans ; on l'enterra vis-à-vis de fon tableau dans le cloître de l'Annonciade.

Parmi le petit nombre d'éléves qu'il a laiffé on nommera Baptifte Naldini & le Bronzin.

Agnolo Bronzino naquit dans les états de Tofcane & s'attaAGNOLO cha à la manière du Pontorme; on voit beaucoup de choses BRONZINO. de lui à Florence & à Pife. Il faifoit furtout le portrait admirablement bien : fouvent il aidoit le Pontorme, & il a terminé après la mort la chapelle de faint Laurent. Il florissoit en l'année 1570. & il eft mort à Florence à peu près en ce temps-là.

Les deffeins du Pontorme font d'un grand caractére, les

draperies en font fonduës dans le goût de Michel-Ange & les JACQUES figures un peu longues. On en trouve avec un trait de plume PONTORME. lavés au biftre, d'autres au crayon rouge avec peu de hachu

res, il y en a auffi à la pierre noire relevée de blanc. Il est facile de connoître le Pontorme à fon goût de deffein.

Ses principaux ouvrages font à Florence; on voit à faint Michel une Vierge avec le Jefus qui rit en regardant saint Jofeph, faint Jean enfant & deux autres qui tiennent un pavillon. Dans l'Eglife de l'Annonciade une vifitation. Dans celle des religieufes de faint Clément, faint Auguftin qui donne la bénédiction avec deux enfans en l'air qui font admirables. Une chapelle dans l'Eglife de faint Rufello derrière l'Archevêché où eft une Vierge avec fon fils au milieu de plufieurs faints, au-dessus est un Pere éternel entouré d'anges. Dans la chapelle Capponi à fainte Félicité il a peint Dieu le pere entouré des quatre patriarches & dans les angles les quatre évangéliftes dans des ronds, le Chrift mort à l'Autel eft très inférieur. A l'Hôpital des Innocens l'histoire des onze mille Vierges, où l'on voit une bataille très - belle avec des enfans qui font en l'air. Aux religieufes de fainte Anne, la Vierge avec le Jefus, derriére eft fainte Anne, faint Pierre, faint Benoît & autres faints. A Poggio l'hiftoire de Vertumne & de Pomone, celle de Diane avec plufieurs Déeffes.

Saint Michel Archange avec faint Jean l'évangélifte à faint Agnolo premiére Eglife de Pontorme.

La réfurrection du Lazare fe voit chez le Roy & le portrait d'un graveur.

PERIN del VAGA

PERIN del VAGA.

UCUN difciple de Raphaël n'a conservé plus long-temps la manière de fon maître que Perin delvaga: il s'appelloit Pierre Buonacorfi,& le nom de Vaga lui fut donné dans la fuite, parce qu'un peintre Florentin de ce nom le mena à Rome avec lui. Il naquit en Toscane en 1500. d'un pere qui avoit confommé fon bien à la guerre : fa mere morte de la pefte, ne put l'allaiter long-temps, & ce fut une chèvre qui acheva de le nourrir. Cet état de mífére le fit entrer à Florence chez un apotíquaire dont le metier ne lui plut pas; on le mit enfuite dans l'école de plufieurs peintres, entr'autre dans celle de Dominique Guirlandai ; un progrès considérable fut la fuite de fon application,

PERIN

Enfin Vaga mena Perin à Rome où il le laiffa fans autre reffource pour vivre que de travailler à la journée. Il employoit à fon étude la moitié de la semaine, & il étoit si ha- del VAGA, bile, que Jules Romain & le Fattore voyant l'amour de ce jeune homme pour fon art, en parlérent à Raphaël qui le voulut voir, & l'occupa auffitôt dans les Loges fous la conduite de Jean da Udine, il travailla enfuite avec le même peintre aux grotesques & aux ornemens de Stuc qui ornent la falle des Papes; il y peignit dans les ovales de la voûte les fept planettes en divinités.

Perin avoit l'efprit vif, il étoit grand deffinateur, il peignoit fort vîte, il excelloit furtout dans les frifes, dans les grotef ques & dans les ornemens de Stuc; il a égalé les anciens.

La pefte étant furvenue à Rome en 1523. il fe retira à Florence, où il fit plufieurs cartons pour la façade de la maifon des Camaldules, lefquels repréfentoient divers martyrs ; il fit auffi le carton qui a pour fujet l'apôtre faint André qu'il devoit peindre à frefque dans l'Eglife del Carmine à côté d'un faint Pierre de Mafolino; ce fut à l'occafion d'une difpute qu'il avoit eu dans cette Eglise avec les artistes de Florence, dans laquelle il avoit foutenu que les peintres modernes pouvoient faire d'auffi belles chofes que les anciens. Perin craignant la pefte qui commençoit à faire du ravage à Florence, Laiffa ces projets imparfaits; il partit & fit en un jour & une nuit un tableau du paffage de la mer rouge en clair-obscur pour remercier un prêtre qui l'avoit logé gratis pendant le féjour qu'il avoit fait en cette Ville.

De retour à Rome, Perin trouva Jules Romain & le Fattore qui depuis la mort de Raphaël avoient la direction de tous les grands ouvrages; il s'attacha à eux, & ils furent fi contens de fes talens, qu'ils fe l'affociérent en lui donnant en mariage la fœur du Fattore. Ces trois grands peintres exécutérent au Vatican de fort belles choses.

Lorsque la ville de Rome fut prife par les Allemands en 1527. Perin eut le malheur d'être fait prifonnier & obligé de payer fa rançon, il fouffrit beaucoup dans le fac de Rome, il y laiffa fa femme & fes enfans, & partit pour Genes avec un officier du Prince Doria qui le reçut avec beaucoup de diftinction; les recompenfes furent dignes des ouvra ges qu'on y voit de sa main,

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