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CIVOLI.

LOUIS CARDI.

OUIS Civoli ou Cigoli s'appelloit Cardi & étoit né en 1559. dans l'ancien Château de Cigoli, territoire de Toscane. Quoiqu'on le puiffe dire éléve d'Alexandre Allori il a toujours copié les ouvrages de Michel-Ange, du Corrége, d'André del Sarto, du Pontorme, & du Baroche. Il confultoit cependant Santi di Tito qui tenoit à Florence le premier rang parmi les peintres.

Comme Alexandre Allori étoit fouvent appliqué à l'anatomie, l'éléve qui le fuivoit dans cette carrière, modéloit en cire les fquelettes des cadavres qu'il avoit difféqués. Les fréquentes études de ces corps, l'infection qui en est inséparable, la frayeur d'être en fi trifte compagnie, firent perdre

la mémoire au jeune Cardi, & lui cauférent une efpèce d'épilepfie, qui l'obligea d'avoir recours à fon air natal. Trois CIVOLI. ans s'écoulérent à fe rétablir & fon premier tableau fut pré

fenté à la Vierge qu'il avoit fouvent invoquée dans fa mala

die.

Le Civoli voyagea dans toute la Lombardie, & y fit des études étonnantes : de retour à Florence il fut reçu. à l'Académie de peinture fur un tableau de Caïn & Abel. Ses talens s'étendoient plus loin; la poëfie dans laquelle il s'exerçoit lui procura une place dans l'Académie de la Crufca; la mufique l'occupoit encore fouvent, & le rendoit infidéle à la peinture. Comme il faifoit en concurrence le martyre de faint Laurent, fon camarade qui avoit fini fon tableau publioit par tout que le Civoli aimoit mieux jouer du luth que de travailler à achever fon ouvrage; ce trait le piqua, fon tableau en effet peu avancé se reffentoit de fa négligence, il prit le luth & le mit en piéces pour n'être plus détourné de fon art.

Ce peintre fut exprès à Péroufe avec le Paffignano voir le tableau de la defcente de croix du Baroche; à la vuë d'un fi bel ouvrage, ils s'avouérent l'un & l'autre vaincus. Le Civoli fit enfuite en concurrence avec ce peintre & avec MichelAnge de Caravage un Ecce homo qui fe trouva très fupérieur aux autres. Le Grand Duc par distinction rendit justice à ce beau morceau & le plaça dans la chambre où il couchoit.

pa

Ces ouvrages lui en firent donner d'autres dans le palais Pitti, tels qu'une Vénus couchée avec un Satyre. Le facrifice d'Ifaac qui eft pour le coloris & l'expreffion un de ses beaux tableaux. Le Prince fit venir plufieurs peintres pour représenter une résurrection du Sauveur dans une chapelle de son lais, dont l'espace trop petit ne permettoit pas d'y peindre des figures auffi grandes qu'il le fouhaitoit : tous les peintres dirent que cela étoit impoffible. Civoli fut mandé & réüffit, en oppofant de grands foldats fur le devant dont il ne faifoit voir que quelques parties, & faifant paroître dans le lointain les trois Maries de petite proportion: fon Chrift qui étoit au milieu, devint par ce moyen d'une grandeur convenable, & tel que le Grand Duc le demandoit.

Ce Prince l'envoya à Rome pour continuer fes études, elles furent telles, que fa réputation en augmenta considérablement. Il revint quelque temps après à Florence, où il pei

gnit plufieurs ouvrages, entr'autres les arcs de triomphe & CIVOLI. les décorations de théâtre pour les fêtes publiques du mariage de Marie de Médicis fille du Grand Duc François I. avec Henri IV. Roy de France. L'étendue de fon génie fe fit connoître dans l'architecture ainfi que dans la perfpective.

Le contentement du Grand Duc fe manifeftoit en toute occafion; le Civoli par fon entremise fut nommé pour peindre un des grands tableaux de faint Pierre. Ces morceaux n'étoient destinés que pour les plus fameux peintres du fiécle. Le Prince lui donna une chaîne d'or pour faire fon voyage de Rome, & il le logea dans fon palais de la Trinité du Mont. A fon arrivée il commença fon tableau fur la pierre de (a) Lavagna; c'eft faint Pierre qui guérit un boiteux à la porte du eft une espéce d'ar Temple, il donna le deffein du palais Médicis dans la place doife propre à Madama, & celui du piedestal du cheval de bronze qui porte fieux où la toile la figure de Henri IV. placée fur le pont neuf à Paris.

(a) Cette pierre

qui fe tire aux environs de Genes,

peindre dans les

pourriroit.

Les noces du Prince Côme fils du Grand Duc, le firent rappeller encore une fois à Florence: trois arcs de triomphe furent exécutés de fa main; il peignit encore dans une des falles du vieux palais le Grand Duc Côme I. & le fleuve Arno, d'une fi grande maniére, qu'il effaça celui que le Paffignano avoit représenté dans la même falle. Les tableaux qui fui ont fait le plus d'honneur, font les ftigmates de faint François à Foligno & le martyre de faint Etienne, ce dernier le fit nommer le Corrége Florentin. Le Grand Duc voulut l'attacher entièrement à fa perfonne pour donner les deffeins de fa belle chapelle de faint Laurent: il lui propofa une grosse penfion que l'amour de la liberté lui fit refufer.

Lorfque les fêtes furent finies, le Civoli retourna à Rome, pour reprendre fon tableau & fon même logement dans le palais Médicis. Il alloit continuellement deffiner à l'Académie de faint Luc dans laquelle les envieux ne purent empêcher fa réception. Le Civoli fut toujours malheureux, envié, perfécuté & mal récompensé; il ne recommandoit rien avec plus d'attention à fes difciples que l'union & l'accord entr'eux.

Don Virgilio Orfini le demanda au Grand Duc, & il prit le Civoli chez lui, autant pour le voir peindre, que pour joüir de fa converfation fçavante. Il trouva dans cette maison toutes les douceurs de la vie, fans être aucunement détourné de fes occupations.

Pendant qu'il travailloit à fon grand tableau dans l'Eglife de faint Pierre, un homme entra adroitement dans l'enceinte CIVOLI. qu'il avoit fait faire autour de fon attelier, en prit la pensée & la fit graver fecretement : il publia l'eftampe, & accufa le Civoli d'avoir copié fon tableau d'après lui: il fut obligé pour faire ceffer cette calomnie, d'ouvrir l'échafaud & de peindre devant tout le monde. La facilité de fon pinceau, fon génie fécond furent les armes qui lui fervirent à confondre les ennemis, ce beau tableau fut donc expofé, il ferma la bouche à l'envie, & fit monter fon auteur au plus haut dégré d'eftime & de réputation.

le re

Paul V. lui fit faire beaucoup de deffeins pour la façade & les côtés de l'Eglife de faint Pierre, & le fit travailler à la coupole de fa chapelle à fainte Marie Majeure. Il y a repréfenté le pere éternel entouré de plufieurs anges; au milieu eft la Vierge & les douze apôtres font placés au bas. On ne peut juger de cette coupole que d'un feul point & de tous les autres les figures tombent, font trop courtes & très defagréables à la vûë: il vouloit jetter à bas ce morceau pour commencer, mais le Pape le lui défendit expreffément, ce qui lui caufa un grand chagrin & fut caufe en partie de fa mort. Le Pape pour récompenfer fes grandes qualités lui donna un bref qui fut accepté à Malte, pour le faire recevoir chevalier fervant : il reçut cet honneur au lit de la mort en 1613. âgé de cinquante-quatre ans. Son corps fut transféré à Florence dans l'Eglife de fainte Félicité.

Ses difciples font Dominique Feti, Sigifmond Coccapani, Jérôme Buratti, Aurelio Lomi de Pife, Antonio Lelli Romain & Jean Biliverti qui a achevé plufieurs de fes tableaux.

Le Civoli deffinoit bien, fa maniére étoit grande & élevée, fes deffeins font ordinairement arrêtés d'un trait de plume & lavés au biftre ou à l'encre de la Chine, avec des hachures dans les plis, d'autres font deffinés à la pierre noire, mêlés d'un crayon de fanguine ou d'un lavis au biftre: ceux qui font à la fanguine font prefque eftompés avec un peu de blanc de craie. Un certain goût Florentin, les cheveux de fes têtes la quantité de plis dans fes draperies font les indications de fa

main.

Ses principaux ouvrages à Rome font faint Pierre qui guérit un boiteux à la porte du Temple dans l'Eglife de faint

Pierre; la coupole de la chapelle de Paul V. à fainte Marie MaCIVOLI. jeure. A faint Jean des Florentins dans la chapelle de faint Jérôme le faint qui écrit & deux vertus placées dans le haut. A faint Paul hors des murs la converfion de ce faint avec quantité de figures & d'anges; un Chrift, une fainte Brigide pour le même couvent, l'hiftoire de Pfyché à fresque dans la Loge du jardin de la vigne Borghése; dans le palais du Duc Bracciano al monte Giordano plufieurs morceaux à frefque, & un Daniel peint de la même maniére pour le cardinal Arrigoni à Frefcati

A Florence le martyre de faint Etienne fameux tableau pour les religieufes di monte Domini, dans le chœur de fanta Maria novella faint Vincent Ferrero qui prend l'habit de faint Dominique, N. Seigneur aux Limbes.

Pour le dôme de Livourne le baptême du Sauveur.

Pour les Servites de Pistoia la naiffance de la Vierge. A Forli le repas de N. S. chez le Pharifien avec la Madeleine. Un autre tableau pour la chapelle de faint Mercuriale même ville. Dans l'Eglife de faint François à Cortone une Vierge avec quatre faints, un miracle du Saint Sacrement porté par faint Antoine de Padouë,

Pour les religieufes de faint Onofrio de Foligno les ftigmates de faint François. A Bologne dans l'Eglife de faint Pierre majeur une belle adoration des Mages dans la chapelle Albizi. Dans la bibliothèque Ambrofianne à Milan un faint Pierre. Dans la galerie du Grand Duc à Florence, une belle Madeleine grande comme nature, qui eft affife tenant une tête de mort. Une Vierge avec le Jefus qui tient des fleurs, le facrifice d'Ifaac, une Vénus couchée avec un Satyre. Le fameux Ecce homo un de fes beaux ouvrages.

Ses principaux graveurs font Dorigny, Corneille Galle, Scalberge, Thomaffin & Coelemans,

SI

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