tres par

Cortone avoit puisé dans les mêmes fources où tout le monPIETRE DE de puife, mais avec des yeux plus clairvoyans & des talens CORTONE. extraordinaires. On fut étonné de l'enlèvement des Sabines & d'une bataille d'Alexandre qu'il peignit tout jeune dans le palais Sacchetti : Il y paroît égaler les plus grands maîfa belle ordonnance, l'élévation de la pensée, le grand coloris & la belle touche. Une nativité pour l'Eglife de faint Sauveur in Lauro, les ouvrages que le cardinal Sacchetti lui ordonna pour fainte Bibianne, & le fameux falon Barberin lui acquirent tant d'honneur, qu'il devint le premier peintre de fon temps. Ce falon eft une des belles chofes de Rome; quoique peint à frefque, la force du coloris & une touche tendre & agréable le font paroître peint à l'huile, (a) Ce morceau Cortone y a représenté le (a) triomphe de la gloire avec des a été gravé par attributs à la maison Barberin, leurs armes & leurs devises. livre intitulé des La gloire eft accompagnée des quatre vertus & de figures al

Bloëmart dans le

Barberine.

légoriques, avec de très-beaux termes & des ornemens de goût. On voit dans les deux grands morceaux Bacchus entouré de plufieurs figures, & de l'autre côté Vénus couchée parmi les Amours, Le deuxième morceau représente la puif fance Eccléfiaftique qui ferme le Temple de Janus, chasse les Euménides & ordonne aux Cyclopes de forger des armes & de l'artillerie pour la fûreté des états du Pape. On lui donna le tableau de la Trinité pour l'Eglife de faint Pierre de Rome lequel eft placé dans la chapelle du Saint Sacrement, il fit auffi les cartons pour les mofaïques de la coupole de la même chapelle. Le Pape en fut fi fatisfait qu'il lui ordonna de nouveaux travaux dans le Vatican, & tous les couvens de Rome voulurent à l'envie pofféder des preuves de fon fçavoir.

Après ces grands ouvrages il eut deffein de voir l'Ita. lie, les belles chofes qui fe préfentérent à lui à Venise & dans la Lombardie augmentérent fes connoiffances. Comme il paffoit à Florence dans le deffein de revenir à Rome, le Grand Duc Ferdinand II. lui donna à peindre son salon & quatre chambres de fuite du palais Pitti: c'étoit un vaste champ pour exercer fon génie; les actions les plus vertueufes lui fournirent des fujets tels que la continence de Scipion, celle d'Alexandre envers la femme de Darius, la continence de Crifpus, celle de Cyrus, Antiochus qui céde fa femme à fon fils malade, la fermeté de Porcenna, l'histoire de Maffiniffa & autres.

Pendant que le Cortone peignoit une de ces chambres appellée la Stuff, Ferdinand le vint voir travailler. Il ne fe PIETRE De laffoit point d'admirer un enfant qui y eft représenté pleu- CORTONE. rant; voulez-vous, mon Prince, dit Cortone voir dans le moment avec quelle facilité les enfans pleurent & rient ? II ne fit que donner un coup de pinceau & l'enfant parut rire. Il remit enfuite la bouche dans l'état où elle étoit auparavant, ce qui frapa extrêmement ce Prince.

Le cardinal de Médicis oncle du Grand Duc, ayant fçû que Cortone avoit apporté de Venise des tableaux des plus habiles peintres, entr'autres du Titien, demanda à les voir, ils lui plurent, & il les acheta. Les ennemis du Cortone perfuadérent au cardinal que c'étoient des copies ; il en fit des reprimandes si vives à ce peintre, qu'après avoir terminé quelque morceau, il laiffa le refte imparfait, demanda à se retirer & ne voulut plus revenir quelque inftance qu'on lui fît dans la fuite.

Cortone ne vécut que fept années depuis fon retour à Rome; il peignit dans l'Eglife des peres de la Chiefa nuova un miracle de la Vierge, à la voûte de la croifée du milieu à la coupole & dans les pendantifs, la tribune représente l'af fomption de la Vierge, la voûte de la facriftie & le plafond d'une chambre où faint Philippe de Néri célébroit la Messe font encore de lui. Ces peintures généralement eftimées engagérent Innocent X. a lui donner la galerie de fon palais fur la place Navone, où il a exprimé plusieurs sujets de (a) (a) Gravé par l'Enéïde de Virgile.

Pietre de Cortone fut un grand architecte; il en donna des preuves en faifant bâtir fur fes deffeins plufieurs Eglifes, des palais, des chapelles & des tombeaux ; l'Eglife de fainte Marie in via lata, celle de fainte Martine font de ce nombre: il a laiffé à cette derniére un fond de cent mille écus pour construire un maître Autel de bronze & pour y élever fon tombeau qui a été exécuté avec de magnifiques épitaphes. Le portique de l'Eglife de la Paix paffe pour être excellent; il plut tant à Alexandre VII. qu'il créa le Cortone chevalier de l'éperon d'or, & lui donna la croix attachée à une fort belle chaîne d'or; en reconnoiffance le peintre fit préfent à ce Pontife d'un Ange gardien & d'un faint Michel faits de fa main.

C. Cefius.

Perfonne n'a eu plus de génie que le Cortone, & perfonne PIETRE DE n'a peint avec tant de facilité, il étoit né pour les granCORTONE. des (a) machines & l'on peut dire que fes petits tableaux, (a) Terme ufité qu'il ne pouvoit fe captiver à finir, perdent un peu un peu du mérite pour exprimer un des grands. Il poffédoit parfaitement la partie du coloris, grand ouvrage de furtout dans la frefque qu'il traitoit avec une grande (b) Va

peinture.

peinture pour fi

(b) Terme de gueffe. Ses plafonds fe trouvent remplis d'ornemens & de gnifier un ton de païfages fi beaux, qu'ils raviffent le fpectateur : Il faut pourCouleur clair & tant convenir que le Cortone a mis peu de correction & d'exbrillant. preffion dans fes tableaux : fes figures font trop courtes & fort lourdes, fes têtes fe reffemblent, fes draperies font mal jettées & très maniérées des penfées nobles & grandes, beaucoup de graces dans fes têtes réparent tous ces défauts. Rien n'eft fi beau que la forme & l'arrangement de fes groupes & les effets du clair-obfcur répandus dans fes ouvrages: on ne connoît les grands hommes que dans les grandes ordonnances.

(c) On a déja la la vie des deux dans la fuite celle

premiers, on verra

:

Cortone étoit bien fait, il avoit l'efprit vif & agréable, on recherchoit fa conversation; il connut la mifére, l'opulence, & contre la coûtume, en changeant d'état, il ne changea point de moeurs; un jufte milieu entre la générosité & l'avarice, entre l'orguëil & la modeftie fut fon vrai carac

tére.

La goute qui l'incommodoit confidérablement, ne lui permit plus d'entreprendre de grands ouvrages; il s'étoit ref treint à peindre des tableaux de chevalet; enfin il fut réduit à garder le lit, fon incommodité lui ôtant jusqu'à l'usage de la parole, & il mourut à Rome en 1669. âgé de foixante & treize ans ; fon corps fut porté à fainte Martine, lieu qu'il avoit choifi pour fa fépulture.

du Bourguignon De grands hommes font fortis de fon école tels que Cir& nous allons par- ro Ferri, Romanelli, Lazaro Baldi, Pietro Tefta, le Bour Geminiani. guignon, & Giacinto Geminiani dà Pistoia (c).

ler du Baldi, & du

Lazaro Baldi né à Pistoia en 1624. vint à Rome prendre LAZARO les leçons de Pietre de Cortone. Il fut employé par AlexanBALDI. dre VII. a peindre la galerie de monte cavallo; & à faint Jean de Latran une belle chapelle où l'on trouve la correction, l'Harmonie, la vaguesse & la force du coloris. Il érigea une chapelle en l'honneur de fon patron, dont il peignit le tableau d'Autel, il en avoit auparavant compofé la vie qu'il

avoit fait imprimer. Il tenoit chez lui une académie de beaux efprits, & il mourut à Rome en 1703. aimé de tout le PIETRE DE monde. CORTONE.

Giacinto Geminiani étoit de la même ville, il étudia d'a

bord fous le Pouffin & enfuite chez le Cortone où il ne tar- GIACINTO da guéres à devenir un grand homme il a donné des mar- GEMINIANI. ques de fon fçavoir dans plufieurs Eglifes de Rome. Il époufa la fille d'Alexandre Veronefe, dont il eut plufieurs enfans entr'autres Louis Geminiani qui devint dans la fuite un bon peintre, plus spirituel & plus grand colorifte que fon pere, mais moins correct. Geminiani mourut à foixante & dix ans en l'année 1681.

Les deffeins du Cortone font d'un contour tâté, un peu lourds & fouvent même peu corrects. Il a employé toutes fortes de crayons & de lavis fouvent fans hachures, quelquefois relevés de blanc de craie, on en voit dont le trait est au pinceau lavés de biftre ou d'encre de la Chine : c'est ainfi qu'il traitoit fes admirables païfages; fes airs de tête & fon goût de deffiner font facilement diftinguer ce maître d'a

vec un autre.

Ses principaux ouvrages à Rome font le fameux falon de Barberin: la galerie du palais Pamphile dans la place Navone: l'Eglife de la Chiefa nuova des peres de l'Oratoire : le beau tableau de la Trinité dans l'Eglife de faint Pierre : tous les cartons de la coupole de la chapelle du Saint Sacrement exécutés en mofaïque. Chez les Capucins faint Paul avec beaucoup de figures. La coupole, la tribune, le maître Autel & les ornemens de faint Charles al Corfo. La chapelle de faint Xavier dans l'Eglife du Jefus, celle du Saint Sacrement à faint Marc, celle Gavotti à faint Nicolas de Tolentin, dont il a donné les deffeins. A fainte Bibiane trois tableaux de l'histoire de la Sainte, & un d'une autre Sainte dans une chapelle: une Notre-Dame de Pitié à la petite chapelle du Vatican, & les anges qui chaffent l'hydre dans la falle du Confiftoire. A faint Charles de Catenari on voit faint Charles quí porte en proceffion le faint cloud de Milan.

A faint Philippe de Neri à Naples un faint Alexis très-beau. A la Chiefa nuova de Perouse le tableau du maître Autel. Dans la galerie du Duc de Parme une grande Vierge avec un beau païfage.

R

Dans la bibliothéque Ambrofianne à Milan un Crucifix PIETRE DE en petit avec trois figures.

CORTONE.

Au Dôme de Pise les quatre évangéliftes contre le maître Autel.

A faint Michel de Florence un faint Laurent : le grand falon du Palais Pitti & plufieurs plafonds qu'il a laiffé imparfaits & qui ont été terminés par Cirro Ferri.

A Duffeldorf chez l'Electeur Palatin la femme adultére avec un foldat, Jesus & Marie avec un ange.

Dans le cabinet du Roy on remarque une nativité de N. S. avec la Vierge & fainte Martine, un triomphe de Bacchus, une autre nativité, une Vierge avec l'enfant Jefus & une fainte famille.

Le Duc d'Orléans poffède un grand tableau qui représente la fuite de Jacob quand Laban cherche fes idoles que Rachel avoit emportés : un beau païfage avec des gens qui conduifent des chariots.

A l'Hôtel de Toulouse dans la galerie, on voit trois beaux tableaux de fa main, le berger Fauftule qui porte à fa femme Romulus qu'allaitoit une louve au bord du Tibre. La Sibylle Cumée qui montre à Augufte une Vierge au Ciel. Céfar qui répudie Pompeia & époufe Calpurnie.

Plufieurs graveurs ont travaillé d'après Pietre de Cortone tels que Corneille, Bloëmart, Louvemont, Blondeau, Gérard Edelinck, François Spierre, Pietro Aquila, Natalis, Audran, Farjat, Poilly, Chafteau, Rouffelet, Melan & autres, ces piéces fe montent environ à quarante.