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JEROME MUTIAN.

MUTIAN.

J

EROME Mutian naquit en 1528. dans la terre d'Aquafredda territoire de Breffe de la noble famille des Mutians. L'impulfion du génie ne trouve rien d'infurmontable; après avoir reçû à Breffe de foibles principes de Jérôme Romanini, il vint étudier à Venife le Titien & les autres grands maîtres; guidé par fon feul génie, il en tira une excellente maniére de peindre. Un voyage de Rome, la compagnie de Taddée Zucchero fon ami qui encourageoit fon travail, acheva de le perfectionner.

Il fut fort aimé du cardinal d'Efte qui lui fit peindre de grands païfages à frefque dans fon jardin de monte Cavallo, Quelques ouvrages le firent aller à Orviette & à Foligno

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il revint ensuite à Rome, où le Pape Grégoire XIII. l'employa à faire les cartons de fa chapelle Grégorienne, & lui MUTIAN. commanda deux tableaux pour l'Eglife de faint Pierre, l'un faint Jérôme, & l'autre faint Bafile; il travailla enfuite à la galerie du Vatican. De fi grands ouvrages augmentérent l'eftime que l'on faifoit du Mutian. On remarqua même en lui un génie particulier pour le païfage & pour le portrait. Ce fut environ dans ce temps-là qu'il fe maria à Rome, & que la fortune lui riant de toutes parts, il s'y établit entiérement.

Le cardinal Farnése lui donna à décorer fa belle vigne de Tivoli, fes peintures fe diftinguent infiniment de celles de Frédéric Zucchero & de Tempefte qui y travailloient conjoin

tement avec lui.

Le Mutian étoit grand deffinateur, fes têtes étoient expreffives, fon coloris excellent, il accompagnoit fes tableaux de très-beaux fonds de païfage qu'il entendoit parfaitement. La touche de fes arbres quoique Flamande & peu ufitée par les Italiens n'en étoit pas moins précieuse; il peignoit ordinairement des chataigniers dont les branches tomboient plus pictorefquement felon lui, que celles des autres arbres : infatigable dans le travail, il deffinoit tout d'après nature, jus qu'aux habits, il mettoit fes modéles de la grandeur qui convenoit à fes fujets & les faifoit couvrir pour connoître quels plis le poids de l'étoffe feroit faire aux draperies. Rien n'est plus recherché & fait avec plus d'attention que fes tableaux : ce fut lui qui trouva le moyen de faire un nouveau Stuc pour mieux appliquer la mofaïque. Comme il s'étoit fort attaché à deffiner d'après l'antique, on le chargea d'achever les deffeins des bas-reliefs de la colonne Trajanne que Jules Romain n'avoit pu finir.

Son tableau du lavement des pieds qui eft à Reims & dont les figures font grandes comme nature, manifefte l'habileté du Mutian dans les grandes compofitions: ce tableau eft peint à détrempe fur toile.

Le caractére de ce peintre doux & aimable lui gagnoit tous les cœurs, il amaffa des biens confidérables qui lui fervirent à établir l'Académie de faint Luc dont il fut le chef. Sa mort arriva à Rome en 1590. dans fa foixante & deuxiéme année, fa fépulture fe voit dans l'Eglife de fainte Marie Majeure, il paroît que Céfar Nebula de la ville d'Orviette a

été un de ses éléves, il les aimoit au point de leur accorder MUTIAN. des penfions.

Les deffeins du Mutian font précieux pour la touche, furtout les païfages qu'il deffinoit tout à la plume: fes fujets de compofition font arrêtés d'un trait de plume lavés au bistre ou à l'encre de la chine rehauffé de blanc : la touche est la même que celle des Carraches. La correction, l'expreffion dans les figures & le feuiller dans les arbres font ce qui caractérise le plus le Mutian.

Ses ouvrages dans faint Pierre de Rome font faint Antoine Abbé & faint Paul premier hermite dans le défert, faint Jérôme & faint Bafile deux grands tableaux, les cartons pour la chapelle Grégorienne qui ont été exécutés en mofaïque.

Dans la falle du Confiftoire on voit au plafond une defcente du Saint-Esprit; dans l'Eglife d'Ara Celi, un saint Paul, une affomption du Seigneur & des faits de faint Matthieu, une ascension chez les peres de la Valicella. Il a peint à faint Auguftin dans la facriftie fainte Apollonie, faint Augustin & fainte Monique. A fainte Catherine dei funari, un Chrift mort & quelques miracles de Jefus-Christ; aux Capucins faint François qui reçoit les Stigmates. Au Jefus une circoncifion; à la Madona dei monti une nativité; à fainte Marie des anges N. S. qui apparoît en Jardinier à la Madeleine. On voit à fainte Marie Majeure la réfurrection du Lazare, très-beau tableau; à fanti Apoftoli il a peint à frefque à côté du maître Autel faint François dans un beau païfage & dans une chapelle une annonciation, deux tableaux pour la facriftie de faint Pierre, un Chrift en prières dans le jardin des olives, & l'autre une flagellation; à la Madona degli angeli Jefus-Chrift qui donne les clefs à faint Pierre; à faint Barthelemi des Bergamafques faint Jean décolé, à faint Paul hors les murs une afcenfion; à fanta Maria tranfpontina un Jefus que tient la Vierge les pieds fur le croiffant; à fan-Martino dei monti un faint Albert avec un beau fond de païfage. Dans la ville de Foligno on voit fainte Elifabeth qui reçoit chez elle des malades.

A Orviette un tableau & plufieurs morceaux à frefque de la vie de Jefus-Christ.

Pour Lorette quelques actions de faint Jean-Baptiste dans un plafond.

Dans la ville de Reims en France N. S. lavant les pieds à

fes apôtres, figures grandes comme nature en détrempe fur MUTIAN.

toile.

Le Roy n'a qu'un tableau de ce maître, c'est l'incrédulité de faint Thomas.

On voit deux tableaux au palais Royal,.un faint Jérôme à genoux devant un Crucifix peint fur toile de grandeur naturelle, une réfurrection du Lazare dans un païfage les figures grandes comme nature & peu différentes de celles qui font à fainte Marie Majeure à Rome.

C. Cort eft le principal graveur du Mutian; il s'eft diftingué par fept grands païfages, la réfurrection du Lazare & le lavement des pieds fe trouvent dans le recueil de Crozat, on voit encore une fainte famille en petit gravée par Villaméne, & copiée par Chérubin Albert, fainte Elifabeth, un Crucifix & autres par Beatricius.

PAUL CALIARI.

PAUL VERONESE.

P

EU de peintres ont poffédé d'auffi grandes parties de leur art que Paul Caliari Veronese. Son pere Gabriel Caliari fculpteur le vit naître à Verone en 1532. un goût décidé pour la peinture engagea Gabriel à mettre fon fils chez Badile fon oncle qui paffoit pour le meilleur peintre de Verone. Le jeune Caliari par fon fçavoir devança les années; il ne partoit rien (a) A fegno,che de fon génie qui ne fût parfait : on dit de (a) lui que dans le nel verde aprile de- printemps de fon âge, il avoit avec les fleurs produit d'excelfor giocondiffimi lens fruits.

gli anni partori con

frutti.

Sur quelques tableaux que Paul avoit peints à Verone, le Ridolfi, le vite di cardinal Gonzague jugea quelle feroit un jour fa capacité. Il le mena à Mantoue, où il peignit deux différentes tentations

pittori Ven. p. 1. P. 285.

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