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POLIDORE

POLIDORE.

A nature en formant les grands hommes leur donne en naiffant les talens néceffaires pour faire réüffir fon ouvrage. Polidore par fon heureufe difpofition pour la peinture en eft une preu ve fenfible; forti de la lie du peuple fans aucun maître, il naquit peintre. Le bourg de Caravage fitué dans le Milanois le vit naître en 1495. il en retint toujours le nom qu'il joignit à celui de fa famille qui étoit Caldara.

L'état de mifére où il fe trouva jufqu'à l'âge de dix-huic ans, l'obligea de fortir de fon païs. Il ne put mieux faire que de fervir à Rome les peintres qui travailloient fous Leon X. aux Loges du Vatican. Polidore leur portoit le mortier de

chaux dont on fait l'enduit pour peindre à frefque, en voyant Maturin & Jean da Udine exécuter fi parfaitement les def. POLIDORE. feins de leur maître Raphaël, il en fut fi frapé, que dès ce moment il devint peintre. Dans la fuite Polidore a été regardé comme un des meilleurs difciples de ce grand homme.

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Il lia une étroite amitié avec Maturin de Florence qui MATURIN l'aidoit de ses confeils, Polidore qui lui devint fuperieur en peu de temps deffinoit exactement & de grand goût, l'étude FLORENCE. des figures antiques donnoit à fes ouvrages un peu trop de dureté, il colorioit peu, travaillant de clair-obfcur, & excelloit fur tout dans les bas-reliefs & les frifes dont il a orné plufieurs façades de maifons. Le païfage, la belle touche d'arbres, les terraffes étoient traités de la derniére beauté dans les ouvrages de ce maître.

Ces deux amis s'attachérent à l'élégance du deffein. Aucun morceau antique ne leur échapa; c'eft fur ces modéles qu'ils fe formérent un goût fi élevé & fi parfait, qu'on n'y reconnoiffoit rien de copié, tout y paroiffoit original, ils rapprochoient le temps de l'antiquité, & l'on eût dit qu'ils étoient contemporains des excellens fculpteurs qui avoient formé les ftatues, les frifes & les bas-reliefs antiques : un même esprit, une même force, un même caractére s'y remar quoit par tout.

Comme ils virent l'un & l'autre que leur colorís à l'huile n'étoit ni si vif, ni fi agréable que celui de leurs camarades, ils s'attachérent au clair-obscur, particuliérement à celui nommé fgraffito dont la couleur grife imite l'eftampe. On ne pouvoit mieux s'accorder l'un & l'autre, tout y paroif foit peint de la même main & perfonne n'a mieux imité que ces deux peintres, les habits, les vases, les armes, les facrifices & les caractéres des anciens.

C'étoit dans ce temps-là la mode en Italie & particuliérement à Rome & à Venise de faire peindre de clair-obscur les maisons en dehors; distinction qu'on donnoit à un bâtiment pour le faire appeller palais. Le temps qui a détruit tous ces beaux ouvrages en a fait entrevoir l'abus. Rome ayant été affiégée par les Espagnols en 1527. Polidore qui avoit perdu fon ami Maturin pendant la pefte qui venoit d'affliger cette ville, fut contraint de fe retirer à Naples : il y trou ya peu d'occasions de fignaler fon fçavoir & il s'embar

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qua pour Meffine où il fut employé à peindre les arcs de POLIDORE. triomphe qui furent drefles pour le paffage de Charles V. dans cette ville au retour de fon expédition de Tunis.

Polidore parmi plufieurs ouvrages qu'il a faits à Meffine fit un portement de croix orné d'une multitude de figures fi bien peintes, qu'il parut bien qu'il étoit capable de repréfenter d'autres fujets que des triomphes, des batailles & des clairs-obfcurs. Les grandes compofitions auroient fait le mérite de ce grand artifte, s'il s'y étoit appliqué. La force du coloris l'auroit difputé au grand caractére des têtes, à la correction des figures, aux grandes penfées, à la beauté du païfage & à tout ce qui forme les grands peintres.

Quelque confidéré qu'il fût à Meffine, Polidore avoit une envie extrême de retourner à Rome. Une Meffinoife dont il étoit épris combattoit cette idée, enfin il avoit tout furmonté, il avoit retiré fon argent de la banque, lorsque fon valet ébloui par ce métail, l'affaffina dans fon lit en 1543, âgé de quarante-huit ans. Ce malheureux pour déguifer fon action avoit porté fon corps fur la porte de fa maitreffe. La vérité fut découverte & il fut puni rigoureufement. On fit à Polidore des obféques magnifiques, & il fut porté dans la Cathédrale de Meffine.

Les deffeins de Polidore font prefque tous lavés au bistre relevés de blanc avec un feul trait de plume qui en arrête les contours; il y en a de lavés à l'encre de la Chine & d'autres au bleu d'Inde. Les uns & les autres doivent caractériser le goût antique; on doit y trouver une fineffe de penfées, une touche fpirituelle, un grand goût de draperies, un ftyle févére & beaucoup de correction.

Ceux de Maturin font dans le même genre, mais moins excellens, toujours arrêtés d'un trait de plume lavés au biftre & fans blanc. La plume de Maturin eft plus feche & fon contour est moins correct que celui de Polidore.

Les principaux ouvrages de Polidore font les Loges de Raphaël, les falles du Vatican où il a peint quantité de frifes & d'ornemens. La fontaine du Parnaffe dans le jardín du palais Buffalo à Rome, dans la cour du même palais des facrifices, des armures, des vaiffeaux, des batailles navales avec l'hiftoire de Niobé en camayeu. A faint Sylveftre à Monte Cavallo les peintures au-deffús de la corniche qui font deux

fujets de la vie de la Madeleine avec un païfage admirable.

A Naples à fainte Marie delle gracie un faint Pierre au maî- POLIDore. tre Autel. Plufieurs tableaux à faint Ange in Pefcheria.

A Meffine un portement de croix peint à l'huile.

A Duffeldorf dans la galerie de l'Electeur Palatin, sept pié. ces en clair-obscur reprefentant une entrée triomphante des Empereurs Romains en bas-reliefs.

Le Roy poffède une affemblée des Dieux peinte en détrempe: & l'on voit au palais Royal les trois Graces peintes fur bois, elles font en pied.

Les graveurs de Polidore font Chérubin Albert, Saërendam, J. B. de Cavaleriis, Bonafone, Goltius, Sadeler, Marinus, C. Cort, P. Palumbus, J. B. Galeftruzzi & autres ; on poffède de ce maître environ cent pieces,

PARMESAN.

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'ESPRIT, la légéreté de la main, l'élégance, la belle touche, les graces furent le partage de François Mazzuoli dit le Parmefan parce qu'il étoit né à Parme en 1504. Son pere mourut lorf

que François n'étoit encore qu'un enfant & ses oncles qui étoient peintres prirent foin de fon éducation. Une difpofition naturelle le portoit à deffiner de lui-même en apprenant à écrire, à l'âge de feize ans il fit de fon invention plufieurs chofes à frefque, & il peignit à l'huile un baptême de faint Jean placé à Parme dans l'Eglife de l'Annonciade. De fi heureux commencemens ne tenoient rien de l'écolier, mais plûtôt d'un maître très-expérimenté.

Le Parmesan vint demeurer avec fon coufin Jérôme Maz

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