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CAMILLE

Sa maniére & fon goût de deffiner différoient extrêmement de celle de fon frere; moins correct, plus capricieux PROCACCINI & plus maniéré que lui, il étoit vague, agréable, réfolu & extraordinaire dans fes penfées; il deffinoit légérement & avec élégance, cherchant les têtes du Parmefan, & les contours reflentis de Michel-Ange.

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Il travailla à Bologne en concurrence avec les Carraches, enfuite il se retira avec fa famille à Milan, où il contribua à élever une fameufe Académie de peinture. De cette ville il se rendit à Rome avec le Comte Pirro Visconti qui le protégeoit. Là il fit de grandes études, & étant revenu à Milan, il y parut bien plus habile qu'auparavant.

Son coloris vigoureux, fa belle frefque lui acquit un grand nom. Le Duc de Parme le choifit pour travailler au Ďôme de Plaifance, & le mit en concurrence avec Louis Carrache dont la fociété ne lui fut pas inutile. L'émulation se mit de la partie, & il fit trois beaux tableaux dans le chœur, bien différens de ceux qu'il a peints à Milan, qui préfentent ordinairement des figures terribles & gigantefques, quoique pleines d'expreffion.

Souvent entraîné par la vivacité, Camille fuivoit la fougue de fon genie fans étudier la nature; les proportions n'étoient point gardées, on voyoit des bras, des jambes trop longues, des pieds, des mains trop groffes pour le corps, des figures trop grandes qui faifoient paroître les autres trop petites; mais quand il vouloit revenir fur fon ouvrage, l'étudier, le méditer, il le rendoit tout autre, & il deffinoit correctement.

On ne peut contester à Camille les belles ordonnances, un génie facile, une liberté de pinceau furprenante, de belles draperies, une grande intelligence de couleur, beaucoup d'expreffion, de beaux airs de têtes, donnant du mouvement à toutes fes figures. Le jugement univerfel qu'il a peint à Regio, & le faint Roch qui guérit des peftiférés, tableau que le Duc de Modéne a mis en concurrence avec un autre faint Roch qui fait l'aumône peint par Annibal Carrache, feront toujours connoître la grande capacité de Camille Procaccini.

Će peintre vivoit avec éclat, il étoit libéral, galant, fes mœurs douces le firent eftimer de tout le monde. Il vécut jufqu'à quatre-vingts ans & finit fes jours à Milan en 1626.

Ses difciples ont été Califo Toccagni, Giacinto di Medea, & Lorenzo Franchi.

CAMILLE

Les deffeins de Camille font arrêtés par un trait de plume PROCACCINI lavés au biftre, d'autres ont des hachures à la plume prefque paralleles, les yeux pochés de fes figures, fa maniére de draper & de coëffer fes têtes, le peu de proportion dans fon deffein le défignent suffisamment.

Ses ouvrages à Bologne fe voyent dans l'Eglife du collége d'Efpagne; ce font des prophétes & des pafteurs qui adorent le Jesus. Au Dôme on voit le crucifiement de faint Pierre, le martyre de plufieurs faints & au maître Autel un Chrift mort. Aux Capucins un portement de croix ; à faint Grégoire une affomption dans la chapelle Ricci; une crèche à faint François dans la chapelle Ghillieri.

A Regio dans le college de faint Profper on trouve un jugement univerfel grand tableau très-fameux qui eft à la tribune. Au Dôme de Plaifance trois tableaux dans le chœur, la mort de la Vierge & deux faints au-deffus de la tribune.

Aux Jéfuites de Brescia une nativité au-dessus de la grande porte de l'Eglife.

A Genes chez les religieufes de fainte Brigide l'ascension du Sauveur; dans l'Eglife de faint François de la même ville le tableau du Saint.

Au Dôme de Milan le martyre de fainte Agnès, huit anges qui tiennent des vafes & habits facerdotaux peints à fresque dans la facriftie, il a représenté fur les orgues David jouant de la harpe avec plufieurs femmes qui chantent; fon triomphe fur Goliath, Saül eft de l'autre côté qui lance un dard que David évite. A faint Marc des Auguftins la converfion de faint Auguftin; la transfiguration aux Jéfuites; à faint Antoine des Théatins les actes de faint Antoine dans le chœur, le faint au maître Autel, & une nativité du Sauveur. A fan-Vittore al corpo des Peres Olivetans dans une chapelle faint Grégoire en prière avec plufieurs Evêques pour délivrer la ville de Rome de la pefte; il a représenté fur les côtés les actes de saint Grégoire; les orgues font auffi de fa main. Aux freres Zoccolanti di fan-Angelo il a peint dans la premiére (a) lunette du chœur faint François qui prêche aux animaux; dans le plafond qui est à frefque, c'eft l'affomption de la Vierge avec plufieurs autres morceaux,

dans le cloître

(a) On appelle. lunette la partie

en vouffure qui eft

au deffus d'une

Porte ou d'une

croifée.

CAMILLE

on voit l'histoire de faint François & tous les faits des anges rapportés dans l'écriture fainte, la chapelle de fan-Diego eft PROCACCINI à l'huile, & offre cinq tableaux de la vie du Saint, outre les peintures du plafond qui font de fa main..

Dans la galerie du Duc de Modene le tableau de faint Roch qui fert les peftiférés, & qui eft un des plus beaux ouvrages qui foit forti de fon pinceau.

A Duffeldorf chez l'Electeur Palatin, la représentation de Marie & de faint Joseph avec une fainte famille.

On compte environ dix-huit piéces de ce maître gravées par Villamene, D. Clæfens, H. David, Paulus Stela, A. Wirix; il a gravé de fa main une transfiguration & deux fuites en Egypte.

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JULES ČESAR

ULES Céfar Procaccini doit fa naiffance à la
ville de Bologne en 1548. & fes premiéres inf-
tructions à fon pere Ercole. La fculpture fut d'a-
bord fon occupation; le bruit du marteau, la PROCACCINI
dureté des pierres & du marbre commença à

le dégouter; un peu de jaloufie caufée par la réputation de
fon frere Camille, le gain qu'il lui voyoit faire dans la pein-
ture fe joignit à ce dégoût, & le détermina à se faire pein-

tre.

Jules quitta bientôt la manière de fon pere pour s'attacher aux Carraches chez qui il fit de grands progrès. Un jour qu'Annibal fe moquoit de li au fujet d'un deffein qu'il avoit fait d'après le modéle, Jules le frapa très-rudement à

la tête, ce qui les broüilla ensemble. Tous les Procaccini forJULES tirent auffitôt de Bologne avec leur pere, & vinrent s'établir CESAR à Milan en 1609. Ils trouvérent dans cette ville un grand PROCACCINI protecteur en la perfonne du Comte Pirro Visconti.

Obscurcis à Bologne par les Carraches & les autres peintres, ils n'auroient jamais eu un crédit auffi grand que celui qu'ils acquirent à Milan. Cet avantage peut être balancé par le tort qu'ils fe font fait à eux-mêmes en quittant l'école des Carraches, dont la belle nature étoit l'unique objet; en quittant cette école, leur goût de peinture devint bizarre, fauvage, maniéré, gigantefque.

Jules s'étoit fait un grand goût de deffein avec une liberté de main furprenante, il fut long-temps à Rome, à Venife & à Parme, occupé des ouvrages de Michel - Ange, Michel-Ange, de Raphaël, du Corrége, du Titien & des autres maîtres, il n'en falloit pas tant pour former un grand peintre; il se fit une manière qui tenoit de tous, mais qui n'a jamais pu l'élever jufqu'à eux. Les têtes du Corrége étoient de fon goût ainfi que le mouvement & l'action que le Tintoret donnoit à fes figures.

On s'apperçut à fon retour à Milan que fa maniére de peindre étoit infiniment meilleure, ce qui porta fon nom dans toute l'Italie ; il affectoit de s'éloigner de celle de fon frere Camille. Moins capricieux, moins refolu que lui, mais plus correct, plus étudié & plus naturel, en même temps plus févére, fon goût de couleur eft vigoureux, fa compofition grande, fon génie facile, quand il vouloit arrêter la fougue de fon pinceau, il fuivoit la nature, il avoit de la vagueffe, une franchise de style, & fes tableaux font enrichis de tous les attributs qui peuvent y convenir. En faut-il davantage pour être un des premiers peintres de fon temps.

Jules devint chef d'une fameufe Académie qui attiroit toute la jeunesse de ces cantons-là; il parloit bien des autres peintres, eftimant beaucoup ce qui étoit bon & se taifant fur le mauvais, il ne s'enorguëillit jamais de fes fuccès & du nombre de fes difciples qu'il traitoit doucement ; ces maniéres le firent aimer & eftimer de tout le monde.

Il fut mandé à Genes en 1618. pour orner le palais Doria & il travailla beaucoup pour le Roy d'Espagne : après ces grands travaux Jules revint à Milan où il jouit d'une fortune confidé

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