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naître le défir d'en connoître l'auteur; on l'épia & on le furLE JOSEPIN. prit en les peignant. Le Pape Grégoire XIII. qui les vit avec étonnement, lui donna de quoi continuer fes études.

Jofepin fe mit fous la conduite du cavalier Pomeranci qui avoit en ce temps-là beaucoup de réputation, il travailla d'abord aux ornemens du Vatican fous Grégoire XIII. ensuite le Pomeranci l'employa à peindre des fujets d'hiftoire tels que la vie de faint Grégoire le grand dans la chapelle de Monte Cavallo.

Ses effais furent heureux; fon deffein parut léger, & ses compofitions élevées : beaucoup d'efprit avec une agréable converfation lui donna accès chez plufieurs Papes. Sous le pontificat de Sixte V. il représenta au pied de Pescalier du palais de faint Jean de Latran pour accompagner les armes Pape, la religion & la justice plus grandes que nature. Quoiqu'il peignît tout de caprice, fa maniére franche & vague plaifoit à tout le monde, on le manda enfuite à Naples pour peindre chez les Chartreux la coupole de leur Eglife, & il exécuta dans la facriftie divers sujets de la paffion.

De retour à Rome Jofepin commença en 1596. dans la grande falle du Capitole à peindre à fresque d'une grande maniére l'hiftoire de Remus & de Romulus, & le combat des Romains contre les Sabins. Clément VIII. qui le protégea toujours, lui fit quitter cet ouvrage pour travailler aux peintures de faint Jean de Latran dont il fut fait directeur, & le Pape le nomma chevalier de Chrift, quoiqu'il n'eût pas lieu d'être content de lui : il étoit fi peu affidu & traînoit ses ouvrages fi fort en longueur qu'il dégoûta le faint Pere de faire peindre toute l'Eglife de faint Jean de Latran. Sa familiarité avec ce Pontite étoit extrême; un jour que Sa Sainteté reçut d'excellente bière de Flandre il but à sa santé & lui porta le verre que Jofepin refufa, ne trouvant pas cette biére à fon goût & le Pape acheva de boire le reste du verre. Quelque temps après étant tombé malade, le Pape en prit des foins extraordinaires & le fit frotter d'une huile qui étoit extrêmement chère. Lorfque Clément VII. fut prendre poffeffion de fon Duché de Ferrare, il y mena Jofepin qui y peignit trois grands tableaux fur cuivre, & il revint à Rome avec le Pape. Ce peintre vint en France en 1600. avec le cardinal Aldobrandin nommé légat à l'occasion du mariage

de Henri IV. avec Marie de Médicis. Il donna au Roy un faint George à cheval & un faint Michel. Sa Majefté, outre de LE JOSEPIN. grands préfens qu'elle lui fit, le nomma chevalier de faint Michel fon féjour en France ne fut pas long, & il s'en retourna à Rome pour continuer fes grands travaux.

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Malgré un goût maniéré, des attitudes roides & forcées, un coloris froid & languiffant, Josepin ne laiffa pas de fe faire un nom & d'attirer beaucoup d'éléves dans fon école. Sa maniére étoit directement opposée à celle du Caravage fon contemporain & fon ennemi. Ce dernier l'attaqua, mais Josepin refufa de se battre contre lui parce qu'il n'étoit pas chevalier, ce qui obligea le Caravage d'aller à Malte pour fe faire chevalier fervant. Jofepin continua fes grands tableaux du Capitole qu'il intérompoit fouvent pour travailler dans d'autres endroits. Paul V. lui donna fa chapelle de fainte Marie Majeure, & Urbin VIII. l'employa aux cartons des mofaïques de faint Michel qui font dans une chapelle de la Bafilique de faint Pierre: il peignit dans une infinité d'Eglifes de Rome, enfin par le combat des Horaces & des Curiaf. fes, il termina l'ouvrage du Capitole commencé depuis quarante ans: ces derniers morceaux comparés aux premiers, prouvent combien il est différent de lui-même, il finit fes jours à Rome en 1640. âgé de quatre-vingts ans comblé de biens & de faveur, ayant vécu fous dix Pontifes: on l'enterra dans l'Eglife d'Ara celi, & il laiffa trois enfans richement pourvûs.

Le Jofepín fut toujours mécontent de fon état & des honneurs dont le combloient les Souverains: il étoit fi rempli de lui-même qu'il en agiffoit durement avec les Princes même, & Clément VIII. fe rebuta de fes manières. Il avoit, pour ainsi dire, ufurpé fa réputation qui diminua beaucoup à fa mort, & fes ouvrages dans la fuite furent médiocrement recherchés.

On ne connoît point fes difciples, & il y a grande apparence qu'il n'en a formé aucun qui se soit distingué.

Ses deffeins font faits ordinairement aux trois crayons de pierre noire, de fanguine & de blanc, il y en a à la pierre noire & à la fanguine feule avec des hachures couchées & croifées prefque par tout, d'autres deffeins font arrêtés d'un trait de plume & lavés au biftre ou à l'encre de la Chine;

on

Y reconnoît plus un grand praticien qu'un peintre correct. LE JOSEPIN. Il y a cependant un faire qui fent l'habile homme, l'on Y trouve même des graces. Le tour de fes figures, fon incorrection, & de certains airs de têtes conduiront l'amateur à reconnoître fa main,

à

Ses ouvrages à Rome font plufieurs grands fujets de l'ancienne Rome dans la grande falle du Capitole, à la Minerve fur la porte de la facriftie on voit faint Pierre martyr avec deux enfans à côté, & dans une chapelle faint Dominique genoux devant la Vierge avec deux autres Saints; à faint Jean de Latran une afcenfion du Sauveur entouré d'anges & des apôtres, à fainte Praxede la coupole représente l'af cenfion avec la Vierge, les apôtres & les Sibylles; dans le cloître de faint François de Paule à la Trinité du Mont la canonifation du Saint avec toute la Cour Romaine, dans la facriftie degli orfanelli une Trinité avec plufieurs Saints; dans l'Eglife de faint Silveftre à Monte Cavallo fur la grande porte en dedans le Saint affis qui donne la bénédiction; dans l'Eglife de fainte Helene il a peint une fainte Catherine Vierge & martyre avec deux anges qui la couronnent; une chapelle entiére où eft la vie de la Vierge à frefque dans l'Eglife Dei frari all'ifola, dans celle de faint Louis des François dans la chapelle Contarelli l'hiftoire de faint Matthieu apoôtre & deux prophétes fur les côtés, à faint Silveftre à Monte Cavallo trois fujets de l'histoire de faint Etienne peints à fresque au plafond; à la Trinité Dei convalefcenti une Vierge avec le Jefus, faint Nicolas & faint François, dans l'Eglife de fanBastianello alli mathei un faint Sébastien lié à un tronc d'arbre; dans celle du Saint-Esprit les ftigmates de faint François; à fainte Marie Majeure à la chapelle Pauline il a peint l'hiftoire de faint Grégoire Taumaturgo avec la Vierge & faint Jean l'évangélifte qui lui dicte ce qu'il écrit contre les hérétiques, & fous l'arcade faint Luc avec deux Evêques, & dans les angles quatre prophétes & des anges plus grands que nature; dans la facriftie de faint Charles de Catenari quatre tableaux, un Christ à la colonne, faint François avec deux anges, faint François avec un feul ange & faint Bonaventure qui tient une tête de mort; à la Chiesa nuova dans la chapelle Cufanni à l'Autel une présentation au Temple, & au plafond faint Ambroife, faint Auguftin & fainte Monique, peints à

frefque;

frefque; au Jesus un tableau de plufieurs martyrs au Japon.

A Notre-Dame de Lorette fur les côtés du maître Autel la LE JOSEPIN. naiffance de la Vierge & fa mort, peints à l'huile; dans l'Eglife de fanta Lucia in Selci faint Auguftin & fainte Monique auprès de la Vierge qui eft dans une gloire, & fur la porte un pere éternel.

Dans l'Eglife du Mont Caffin en allant de Rome à Naples, il a peint les douze apôtres dans la coupole, on en voit les cartons dans la facriftie.

A Naples dans l'Eglife de faint Martin des Chartreux la paffion eft représentée en plufieurs morceaux dans la facriftie, la voûte du chœur & un grand Crucifix font encore de fa main.

Le Roy pofféde trois tableaux de ce maître, une nativité du Sauveur, Diane & Acteon, & l'enlèvement d'Europe.

M. le Duc d'Orléans a une Susanne, peinte fur cuivre. Il y a environ vingt piéces gravées d'après le Jofepin par Matham, les Sadeler, Greuter, Thomaffin, Villamene; la chûte de Phaeton dans le recueil de Crozat gravée en clairobfcur par le Sueur, le portrait de Dona Olimpia dans le cabinet d'Aix par Coëlemans, & le martyre de faint Pierre par Defplaces.

Tt

DIEGO VELASQUEZ

VELASQUEZ

ON Diego Velafquez de Silva né à Seville en 1594. de parens illuftres originaires de Portugal, fe trouva des talens pour la peinture,

fon

pere Jean Rodiguez de Silva le fit d'abord appliquer aux belles lettres, aux langues & à la philofophie : rempli des idées que lui fourniffoit fon heureux génie & tous fes livres barbouillés de deffeins obligérent fon pere à le mettre dans l'école de François Herrera appellé le vieux ; il paffa enfuite dans celle de François Pacheco, homme auffi diftingué par fon érudition & par fes poëfies que par fon fçavant pinceau : la maison de ce peintre étoit le rendez-vous des plus beaux efprits de Seville.

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