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tendue à la démonstration de cette première question, lors même que l'examen subséquent des deux autres ne devrait pas encore ajouter à tout ce qu'elle a déja de déterminant et d'irrécusable pour l'homme auquel les premières notions du Droit constitutionnel ne sont point étrangères.

2o Mais, si, sous cette forme de Gouvernement, la seule désirable, et, il faut l'espérer et le croire, désormais aussi la seule possible chez tout peuple civilisé, le droit d'interprétation ne peut appartenir exclusivement à l'une ni à l'autre des trois branches de la Puissance législative (et particulièrement à celle à laquelle l'initiative des propositions de lois serait exclusivement attribuée, en opposition déja trop directe avec le véritable esprit, avec la nature de l'institution), est-il vrai du moins que « ce même droit d'interprétation doive être de fait, comme l'avance encore l'un des auteurs dont nous avons fait connaître l'opinion, l'œuvre du Législateur, mais du Législateur éclairé par le Magistrat » (a)?

(a) Voy. ci-dessus, pag. 26 et 27.

Cette sorte de restriction (qui, si nous ne nous méprenons et que notre mémoire ne nous abuse, est tout ce que met en avant l'auteur cité, à l'appui de son sentiment) serait bien loin d'être une raison démonstrative et qui exigeât une réfutation particulière : nous cherchons donc ailleurs l'objection la plus spécieuse que l'on puisse faire dans le même sens; nous la voyons ressortir de l'ensemble des divers passages précédemment rapportés, et plus spécialement signalée dans les premières lignes de celui que nous avons emprunté au Traité de la Magistrature en France, etc.: en résumé, cette objection s'appuie tout entière sur çe raisonnement: « l'interprétation de la loi doit appartenir à ceux qui ont institué les formes et rédigé les lois (c'est donc à dire aux trois branches de la Puissance législative concurrémment), parce qu'ils connaissent mieux que tous autres les motifs et le sens des lois, et conséquemment aussi de quelle manière elles doivent être entendues et appliquées » (a).

Nous ne croyons pas affaiblir l'argument en

(a) Voy. ci-dessus, pag. 34.

le reproduisant; nous lui donnons même une nouvelle force par l'application plus étendue que nous lui prêtons, en en arguant comme d'un motif pour attribuer l'interprétation aux trois branches constitutives de la Puissance législative, et non pas pour prouver qu'il est plus naturel de confier cette interprétation à une seule des branches de cette même Puissance, au Roi en son Conseil. Cette conséquence, nous venons de le voir, est en effet la seule que l'on puisse en induire avec exactitude; mais, dans ce sens et d'après cette application même, sa réfutation est simple et facile. Elle résulte d'abord des considérations puisées dans la nature même du Gouvernement représentatif, et dont l'une se trouve assez clairement indiquée dans le passage extrait du Traité de l'Autorité judiciaire en France, par M. le président Henrion de Pansey, savoir, que les sessions des Chambres représentatives ne sont et ne peuvent être que temporaires et non permanentes (a), et que le cours de la justice ne saurait s'accommoder des interruptions lon

(a) Voy. ci-dessus, pag. 29 et 3o; et vol. vi, pag. 256

et suiv.

gues et fréquentes par lesquelles il se trouverait suspendu et paralysé chaque année, si ces Chambres devaient être appelées à participer à l'interprétation de la loi, comme elles coopèrent à sa formation.

Une seconde considération du même genre, ou du moins prenant aussi sa source dans la nature du Gouvernement, et peut-être plus concluante encore que la précédente; c'est la mobilité, le renouvellement (trop fréquent, il faut le dire, dans l'état actuel des choses, soit en France, soit même en Angleterre ) des membres de la Chambre des députés ou de la Chambre des communes. En effet, le changement rapide de ceux qui prennent part instantanément à l'exercice de la Puissance législative dans cette Chambre des députés ou dans la Chambre des communes, suffirait pour détruire en grande partie la force de l'argument, ou pour en empêcher l'application; et peut-être peut-on y apercevoir déja un motif pour qu'en opposition et afin de contreba lancer cette action, ce foyer d'innovation et de changement, l'interprétation de la loi dût être remise et confiée à un premier Corps de

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magistrature institué sur une autre base, sur celle de la durée et de la perpétuité. En Angleterre, le dernier degré de la hiérarchie judiciaire existe dans la Chambre des pairs, et les membres de cette Chambre ne sont pas seulement inamovibles, comme le sont les membres de la Cour de cassation en France; ils sont héréditaires (a).

Au surplus, pour démontrer que l'interprétation n'appartient pas au législateur, se réunissent encore ici deux autres argumens tout aussi puissans, d'une application très-étendue et puisés dans les notions et les principes du Droit les plus constans et les plus universellement reconnus.

D'une part, c'est que la loi doit être générale, que la Puissance législative ne doit disposer que d'une manière générale et non dans la vue d'une acception, circonstance ou espèce

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(a) De plus, les douze grands juges font partie de cette Chambre, ou du moins ils y ont voix consultative. Voy. BLACKSTONE. Commentaires, vol. 1, liv. 1, chap. 23 et ci-dessus, vol.x, pag. 550.

Tome XI.

4.

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