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il quittaft fes divertiffemens or. dinaires avec fes femmes Les Kourrouks ou prohibitions continuoient comme auparavant aux environs d'Ipahan où ce Prince faifoit prendre toutes les belles filles pour les envoyer à son Ha ram, comme l'appellent les Perfes, que nous pourrions dire par une expreffion, qui a le fon & la fignification prefque femblable en noftre langue, fon Haras de femmes. Un jour la mere du Roy eut envie de voir la fortereffe de la Ville où font enfermées toutes les curiofitez & les pieces rares qui font venues dans les mains des Monarques predeceffeurs de celuy-cy, foit par des prefens qu'on leur a faits, foit qu'ils les ayent acheptées, foit. que dans leurs conqueftes ils les ayent pris fur les vaincus, ou par quelqu'au tre rencontre, Elle perfuada à fon fils de la mener là, ainfi il falut faire Kourouk ou prohibition dans

une partie de la Ville, ce qui n'êtoit jamais arrivé, du moins ne s'en fouvenoit-on pas.

En une de ces promenades que le Roy faifoit avec fes femmes, il arriva un accident qui les rendit encore plus infupportables au peuple. Sa Majesté eftoit hors d'Ipahan fous des tentes au temps de la moisson, que les grains font entaffez dans les champs, & prenoit plaifir un soir avoir des feux d'artifice, ce qui luy arrive fouvent: On luy pre

fenta des fufées volantes d'un poids extraordinaire, car elles pefoient quarante livres chacune, il voulut qu'on en fift l'effay, mais leur pefanteur les empescha de monter droit; & ne s'élevant pas trop haut, elles formerent en s'éloignant une forte de demy cercle qui les porta loing dans les campagnes où elles trouverent les tas de gerbes & les embraferent avec quelques maisons pro

ches. Le dommage fut estimé à plus de deux cens mille livres, & ce qui augmentoit la calamité, c'est qu'en ce temps-là il y avoit dėja difette de bleds.

rap

Je ne veux point oubliericy une petite circonstance qui a du port à ce que j'ay déja dit de cette place pleine de grands arbres & d'allées qui font les avenuës du Palais comme dans toutes ces promenades; Le Roy & fa trou. pe fortoient & rentroient toujours par cette allée que l'on appelle Royale pour éviter de pasfer dans la Ville; Sa Majesté avoit fait accommoder en parterre les grandes allées du milieu qu'on avoit remplies de fleurs en des endroits, en d'autres d'herbes odorantes, ce qui joint avec les jets d'eau, & les rangées de grands arbres faifoient un tresagreable effet.

Cependant on eut des nouvelles affurées que les Yus-beks

s'estoient jettez fur la Province de Corafon qui eft la Bactriane. Le General de la Province envoya Courriers fur Courriers en donner advis au Roy, & luy demander fes ordres, parce que les ennemis s'eftoient déja advancez dans le païs, & le remplif foient de meurtres & d'embrasemens ; & que fi l'on ne s'oppofoit promptement à leurs ravages la Province s'en alloit eftre perduë.

Ces rus-beks font les peuples qui habitent au Septentrion de la Perfe, & qui occupent le païs entre la mer Cafpienne & les Indes, ils ont plufieurs petits Sultaans ou Princes fouverains qui font chacun comme un eftat feparé. Ils font appellez Yus beks, au moins fi l'étimologie que les Perfes en donnent eft veritable, à caufe de cette diverfité des Princes fouverains, par lesquels ces Tartares font gouvernez. Car rus en la langue Tartare de mefme qu'en

la Turque qui en eft un Dialecte, veut dire Cent, & Bek veut dire Seigneur, ainfi on les appelle Cent Seigneurs pour exprimer le grand nombre qu'ils en ont; Mais ces peuples rejettent bien loin cette étymologie, ils affeurent qu'elle n'eft point veritable, & qu'elle leur eft injurieufe, que la veritable eft rufi, qui fignifie luy en l'une & l'autre langue que l'on prononce yuz en mangeant la derniere voyelle, & Bek Seigneur, & qu'ainfi quand on dit Yus-bek, l'on veut dire luy Seigneur, ou que luy eft Seigneur, comme n'y ayant que ce peuple fur la terre qui foit veritablement tel. Voila où va l'orgueil de cette nation, & la haute pensée qu'elle a conçeuë de fon merite. Un des principaux de la Cour de Perfe en me difant ce que je viens de rapporter, me parloit d'un certain Roitelet qui regnoit dans les Moluques du temps du grand Habas, dont la

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