Images de page
PDF
ePub

,

trois defauts font fort ordinaires à ceux qui ont eu une méchante éducation & qui font tombez entre les mains de méchans maîtres. Les Princes n'y font pas fujets aujourd'huy, parce qu'ils ne s'appliquent point aux Sciences. Le mot grec que j'ay traduit un difeur de bons mots, fignifie proprement un flateur, un adulateur, qui fait le plaifant & qui réjouit les autres, vernula, fcurra.

Pour un homme fage, conformé dans les affaires, entierement éloigné des baffeffes de la flatterie. ] Ces trois caraeteres font directement oppofez aux trois defauts dont il vient de parler. L'homme fage eft oppofé au Sophifte; l'homme efloigné des baffeffes de la flaterie eft oppofé au difeur de bons mots, c'eft à dire au bouffon & à l'adulateur ; & l'homme confommé dans les affaires l'eft à l'homme qui fent l'Ecole, & qui eft accoutumé à parler fans deffein, fans fujet & fans raison.

Il honoroit les veritables Philofophes, &fupportoit ceux qui ne l'eftoient pas ] La derniere difpofition eft un effet & une fuite de la premiere. Car un homme ne peut honorer les veritables Phi

lofophes, s'il ne les connoift, & il ne peut les connoiftre fans favoir cette maxime tres-importante, que nul n'eft privé de la verité que malgré luy. Or tout homme qui eft privé de quelque bien malgré luy, merite bien plus noftre compaffion & nos foins, que noftre mépris & noftre haine.

il

Il ne fe mettoit jamais dans le bain à une heure indue. ] Dans ce feul trait y a deux louanges confiderables. La premiere regarde la temperance. Car il y avoit des gens fi déreglez, qu'ils fe jettoient dans le bain avant & aprés repas. On peut voir ce qui a efté remarqué fur ce paffage de la VI. Epître du I. Livre d'Horace :

le

crudi tumidique lavamur;

& la feconde regarde la bonté qu'Antonin avoit pour fes domeftiques & fes Courtifans: car en prenant toujours le bain à la même heure, ou plutoft à l'heure deftinée pour le bain, qui eftoit la huitiéme ou la neufviéme heure, c'eft à dire à deux ou trois heures aprés midy, il fuivoit leur commodité, & ne les obligeoit pas à rien déranger dans leur façon de vivre ordinaire,

Il n'aimoit pas à bâtir. ] Antonin veut donner par là une grande louange à fon pere. Cependant je ne fai fi c'eft pluftoft un defaut qu'une vertu dans un Prince d'aimer les bâtimens. S'il en eft des Princes comme des particuliers, qui fe détruifent en conftruifant, pour me fervir de ce mot de Lucullus, c'eft. un defaut fans contredit: mais fi cela n'est point, & que mefme un Prince qui bâtit, répande par là fes richeffes dans tout fon estat & les diftribue à une infinité de gens qui n'y auroient aucune part fans leur travail, c'est une vertu. Cependant je remarquerai qu'icy Antonin parle des bâtimens les Princes font pour deur ufage, & non pas de ceux qu'ils font pour le public. Car ces derniers ont toujours efté loüez de tout le monde. Antonin le Pieux ne bâtit qu'un palais à Lorium où il avoit efté ellevé mais il fit plufieurs édifices publics à Rome & ailleurs.

que

Ni delicat pour fa bouche. ] L'expreffion Grecque eft remarquable: Il n'eftoit ni inventif pour le manger, &c. C'est à dire qu'il n'employoit ni fon temps ni fon efprit à inventer de nouveaux

E

ragouts. Antonin fe moque par là de certains Princes qui uniquement occupez du foin de leur table, ne travailloient qu'à y raffiner & à devenir plus habiles en fauces que leurs Offi.

ciers mêmes.

XVII. Je dois remercier Dien. ] Ce Chapitre eft tres-remarquable. Voila Antonin perfuadé que tout le bien que les hommes peuvent faire vient de Dieu, & qu'ils ne peuvent rien par cux-mêmes.

Une bonne fœur.] Annia Cornificia qui fut mariée à Quadratus.

A

Et tout ce qu'on peut fouhaiter de bon. ] Antonin parle ainfi, parce qu'il n'y a rien de plus ordinaire aux hommes que de demander à Dieu des chofes qui leur font mauvaises. Auffi Socrate n'approuvoit rien tant que cette priere des Lacedemoniens: Grand Dieu, donnez-nous les chofes qui nous font bonnes, quoique nous ne vous les demandions pas, &refufez-nous celles qui nous font mauvaises, quoique nous vous les demandions.

De ce que je n'ay pas efté eflevé plus long-temps auprés de la concubine. de mon ayeul.] Il y a là une honnêteté

& une bienfeance merveilleufes. Antonin remercie les Dieux de ce qu'il n'a pas efté long-temps auprés de la concubine de fon ayeul, parce que les mauvais exemples domeftiques font pernicieux aux enfans. Dés leurs plus tendres années on ne leur doit rien faire voir que de fage & de faint. Quoique le concubinage fuft permis ou fouffert, il eftoit pourtant honteux dés le temps mefme de Numa, qui par

cette raifon défendit aux concubines de toucher à l'autel de Junon, & ordonna à celles qui en approcheroient d'immoler tout échevelées une brebis pour reparer cette profanation.

Qu'il n'aura pas befoin ni de gardes ni d'habits d'or & de pourpre.] La veritable grandeur des Princes ne confifte ni dans leurs gardes ni dans toute la pompe qui les cuvironne & qui les

fuit. Ellevez au-deffus des autres hommes, ils ne peuvent croiftre qu'en fe rabaiffant, & ils ne font jamais fi furs de leur grandeur, que quand ils la quittent.

Ni d'avoir la nuit dans fon Palais de ces flambeaux foutenus par des ftatuës.] Antonin parle icy des ftatues qui

« PrécédentContinuer »