CHEZ FIRMIN DIDOT FRÈRES, LIBRAIRES-ÉDITEURS, IMPRIMEURS DE L'INSTITUT DE FRANCE, RUE JACOB, No 56; MDCCC XLVII. VIE DE B. PASCAL, de tenir toujours cet enfånt au-dessus de son ou vrage; et ce fut par cette raison qu'il ne voulut point ÉCRITE commencer à lui apprendre le latin qu'il n'eût douze PAR M** PERIER, SA SOEUR. ans, afin qu'il le fît avec plus de facilité. Pendant cet intervalle il ne le laissait pas inu tile, car il l'entretenait de toutes les choses dont il Mon frère naquit à Clermont, le 19 juin de l'année le voyait capable. Il lui faisait voir en général ce que 1623. Mon père s'appelait Étienne Pascal, président c'était que les langues ; il lui montrait comme on les en la cour des aides, et ma mère, Antoinette Begon. avait réduites en grammaires sous de certaines rèDès que mon frère fut en âge qu'on lui pût parler, gles; que ces règles avaient encore des exceptions il donna des marques d'un esprit extraordinaire par qu'on avait eu soin de remarquer; et qu'ainsi l'on les petites reparties qu'il faisait fort à propos, mais avait trouvé le moyen par là de rendre toutes les encore plus par les questions qu'il faisait sur la na- langues communicables d'un pays en un autre. ture des choses , qui surprenaient tout le monde. Ce Cette idée générale lui débrouillait l'esprit et lui commencement, qui donnait de belles espérances, ne faisait voir la raison des règles de la grammaire; de se démentit jamais; car à mesure qu'il croissait il sorte que, quand il vint à l'apprendre, il savait pouraugmentait toujours en force de raisonnement, en quoi il le faisait, et il s'appliquait précisément aux sorte qu'il était toujours beaucoup au-dessus de son choses à quoi il fallait le plus d'application. âge. Après ces connaissances, mon père lui en donna Cependant ma mère étant morte dès l'année 1626, d'autres ; il lui parlait souvent des effets extraordique mon frère n'avait que trois ans, mon père se naires de la nature, comme de la poudre à canon, et voyant seul s'appliqua plus fortement au soin de sa d'autres choses qui surprennent quand on les consifamille; et comme il n'avait point d'autres fils que dère. Mon frère prenait grand plaisir à cet entretien, celui-là, cette qualité de fils unique et les grandes mais il voulait savoir la raison de toutes choses; et marques d'esprit qu'il reconnut dans cet enfant lui comme elles ne sont pas toutes connues, lorsque donnèrent une si grande affection pour lui, qu'il ne mon père ne les disait pas, ou qu'il disait celles qu'on put se résoudre à commettre son éducation à un allègue d'ordinaire, qui ne sont proprement que des autre, et se résolut dès lors à l'instruire lui-même, défaites, cela ne le contentait pas : car il a toujours comme il a fait; mon frère n'ayant jamais entré dans eu une netteté d'esprit admirable pour discerner le aucun collége, et n'ayant jamais eu d'autre maître faux; et on peut dire que toujours et en toutes choque mon père. ses la vérité a été le seul objet de son esprit, puisque En l'année 1631, mon père se retira à Paris, nous jamais rien ne l'a pu satisfaire que sa connaissance. y mena tous, et y établit sa demeure. Mon frère, qui Ainsi dès son enfance il ne pouvait se rendre qu'à ce n'avait que huit ans, reçut un grand avantage de qui lui paraissait vrai évidemment; de sorte que, cette retraite, dans le dessein que mon père avait de quand on ne lui disait pas de bonnes raisons, il en l'élever; car il est sans doute qu'il n'aurait pas pu en cherchait lui-même, et quand il s'était attaché à prendre le même soin dans la province, où l'exercice quelque chose, il ne la quittait point qu'il n'en eût de sa charge et les compagnies continuelles qui trouvé quelqu'une qui le pût satisfaire. Une fois abordaient chez lui l'auraient beaucoup détourné : entre autres quelqu'un ayant frappé à table un plat mais il était à Paris dans une entière liberté; il s'y de faïence avec un couteau, il prit garde que cela appliqua tout entier, et il eut tout le succès que pu- rendait un grand son, mais qu'aussitôt qu'on eut rent avoir les soins d'un père aussi intelligent et aussi mis la main dessus, cela l'arrêta. Il voulut en même affectionné qu'on le puisse être. temps en savoir la cause, et cette expérience le porta Sa principale maxime dans cette éducation était à en faire beaucoup d'autres sur les sons. Il y re |