Vies imaginaires: le récit biographique comme genre littéraire aux dix-neuvième et vingtième siècles

Couverture
Ce travail a pour objet l'inventaire et l'étude des divers usages du récit biographique dans la littérature française des XIXe et XXe siècles : fictions hagiographiques, romans à chronotope biographique, " biographèmes ", vies de personnages imaginaires ou vies imaginaires de personnages réels, " biofictions ". Ces textes, dont les Vies imaginaires de M. Schwob (1896) et les Vies minuscules de P. Michon (1994) fournissent les deux modèles déterminants, s'opposent aux représentations de la biographie historique positive comme aux existences illustres ou exemplaires produites par la mémoire collective : ils exploitent le modèle énonciatif, narratif et topique de la biographie à un profit esthétique, volontiers ludique et démythificateur. Posant des problèmes théoriques majeurs de classement générique et statutaire, ces vies possèdent un rôle substantiel, non seulement dans la définition du champ moderne de la littérature, mais aussi dans les renouvellements de sa poétique. Lieu privilégié de réflexion de l'écrivain sur lui-même, ces textes souvent brefs ou fragmentaires offrent en effet un refuge au roman, qu'ils portent à la démesure et à la sacralisation de l'écriture (puisqu'ils se font le lieu d'une seconde genèse), ou à un réalisme égalitaire et matérialiste. Ils produisent à la fois une intelligence de la totalité vitale (un destin romanesque ou minuscule, tragique ou ludique) et un mode d'enquête, direct ou oblique, sur autrui. Laboratoire littéraire des identités personnelles et nouvel art de la mémoire, ces vies se définissent avec R. Barthes comme le rêve d'" une science impossible de l'être unique " et résonnent des échos parfois contradictoires de l'orgueil de la différence et du devoir de transmission propre à la culture moderne ; à ce titre, elles témoignent des enjeux herméneutiques et cognitifs pesant sur la fiction littéraire lorsque celle-ci se doit d'être un humanisme ou une religion de substitution.

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