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en son parlement, qui sont création de nouveaux | prit ses conclusions en la manière accoutumée ;

et M. le chancelier prononça, ayant été aux opinions à M. le cardinal duc de Richelieu, lequel étoit seul de son côté, et puis aux autres ducs et pairs, savoir, M. de La Tremouille, M. de La Valette, M. de Saint-Simon et M. de La Meilleraye, grand-maître de l'artillerie, lequel étoit assis aux hauts siéges, bien que sa qualité ne lui donne point de séance en la cour. Ensuite fut appelée devant le Roi, par le pre

offices, et desquels l'exécution aboutit à l'affoiblissement de l'un des grands corps de son Etat, qui est celui de la justice, il est obligé de lui représenter le préjudice notable que reçoit en cette occasion son parlement; qu'il y a cent ans ou environ qu'en une occasion pareille le roi François Ier, pour être secouru dans les guerres qui lui étoient faites de tous côtés, fit semblables créations d'officiers, dont il se repentit lui-même; et ayant ressenti dans sa famille royale un mal-mier huissier du parlement, une cause pour heur de grande conséquence, il en attribua la cause à cette multiplicité d'officiers qu'il avoit créés, parce que, après les guerres passées, et les choses rétablies en leur premier état, les officiers demeurent, et le préjudice fait aux compagnies souveraines ne cesse jamais.

Puis, après avoir fait les souhaits pour le bonheur de la personne et des armes du Roi, il

(1) En voici la teneur :

«LOUIS, par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre, à nos amés et féaux conseillers les gens tenant nos cours de parlement de Paris, Rouen, Dijon, et autres nos officiers et justiciers qu'il appartiendra, salut. Dieu nous ayant par son infinie bonté établi sur nos sujets, nonseulement pour leur commander comme leur roi et souverain seigneur, mais aussi pour prendre le soin de leurs familles comme leur père commun, et principalement des grandes et principales maisons de notre royaume, à la conservation desquelles nous et nos prédécesseurs avons toujours eu très-grand égard, nous croyons qu'il est de notre devoir d'empêcher les désordres et les injustices qui bien souvent se commettent dans lesdittes familles par les passions déréglées des parens envers leurs enfans, dont quelquefois les plus affectionnés à notre service, et contre lesquels ils n'ont aucun juste sujet de mauvaise volonté, en éprouvent la rigueur et leur indignation, et qu'au contraire ceux qui se sont portés contre notre service en ressentent la douceur et les bienfaits, comme pour récompense de leurs crimes et de leurs rebellions : ce qui nous auroit depuis peu clairement apparu en la mauvaise volonté que la duchesse douairière d'Elbœuf nous a témoignée contre notre très-cher et bien amé cousin le comte d'Harcourt son fils, car l'ayant nousmême exhortée, et priée de vive voix et par écrit, et fait à diverses fois avertir par personnes que nous lui aurions envoyées, d'assurer à sondit fils la part de ses biens qui Jui pourroit être acquise, elle prédécédant sans tester, afin qu'il pût s'établir par un mariage sortable à sa condition, comme aussi de lui accorder une pension modérée pour lui aider à subsister dans la dépense qu'il lui convient faire auprès de notre personne et aux occasions dont nous aurions besoin de son service, elle n'auroit néanmoins eu aucun égard à nosdites prières et exhortations; ce qui nous auroit fait jnger une telle opiniâtreté ne pouvoir procéder que d'une mauvaise intention et volonté contre nous et notre service, et de l'amour aveugle qu'elle porte à son fils aîné le duc d'Elbœuf', qu'elle voudroit avantager de sesdits biens par voies indirectes, nonobstant les condamnations par lui encourues pour sa rebellion contre nous, au lieu de le priver de ses bonnes grâces et de sa succession pour en revêtir notredit cousin le comte d'Harcourt son second tils, qui nous a tonjours très-fidèlement et constarument servi, et ne s'est jamais départi envers

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M. le comte d'Harcourt contre madame la duchesse d'Elbœuf sa mère, en laquelle il s'agissoit de l'entérinement de certaines lettres patentes accordées audit sieur comte d'Harcourt pour lier les mains à madame sa mère, lui interdire toutes sortes de dispositions de son bien à son préjudice.

Ces lettres (1), octroyées du propre mouve

elle des respects et de l'obéissance d'un bon fils, afin qu'elle fit voir par là que les fautes de l'un lui sont autant odieuses que les devoirs de l'autre lui sont agréables. Mais, bien loin de là, nous avons vu que, comme en haine de l'affection que nous lui avons témoignée pour sondit fils le comte d'Harcourt à cause de sa fidélité à notre service, elle l'a encore plus rigoureusement traité que devant que nous ne lui eussions recommandé. Or, prévoyant que son mauvais naturel s'irritera plutôt de notre clémence que de se réduire au devoir d'une bonne mère, et sachant d'ailleurs que notredit cousin n'a jamais voulu avoir recours aux remèdes ordinaires, ni se pourvoir par les voies de la justice contre elle pour l'empêcher de le frustrer de ce que les lois et le droit du sang lui donnent, nous avons estimé être obligé et nécessité, et comme roi et comme père, de veiller à la conservation de son bien, et empêcher que sadite mère ne le puisse exhéréder, et lui ôter ce qui lui doit appartenir, selon les lois et coutumes de notre royaume, ab intestat. Pour ces causes, et autres bonnes et importantes considérations à ce nous mouvant, nous, de notre pleine puissance et autorité royale, avons interdit, prohibé et défendu, prohibons, défendons et interdisons, à ladite duchesse douairière d'Elbœuf, la disposition et aliénation de sesdits biens par vente, obligation, donation entre-vifs, testamentaire ou autrement, directement ou indirectement, et en quelque sorte et manière que ce soit. Et d'autaut qu'il y a déjà trop long-temps qu'elle entretient sa mauvaise volonté contre sondit fils le comte d'Harcourt, et qu'elle pourroit avoir fait quelques dispositions, ventes, aliénations, promesses ou obligations pour le frustrer, nous avons dès à présent cassé, révoqué et annulé, cassons, révoquons et annulons, toutes dispositions entre-vifs ou pour cause de mort qu'elle pourroit avoir faites jusques à présent au préjudice de notredit cousin le comte d'Harcourt, et par les quelles il se trouveroit en quelque façon que ce fût désavantage; voulons et entendons que sondit fils le comte d'Harcourt demeure dès maintenant assuré des parts et portions qui lui peuvent compter et appartenir en tous les biens meubles et immeubles, noms et actions, qui appartiennent à présent à ladite dame sa mère, nonobstant que par les coutumes des lieux sadite mère pût disposer autrement, et restreindre et retrancher quelque chose de ce que sondit fils pourroit avoir d'elle ab intestat; à laquelle liberté de pouvoir ainsi retrancher à sondit fils nous avons

ment du Roi, contenoient les causes et raisons | la cour ayant délibéré, elle avoit appointé les de cette interdiction, qui étoient que madame parties au conseil, s'imaginant que le fils se réd'Elbœuf aimoit avec passion et sans mesures concilieroit à sa mère, et que la mère auroit les M. d'Elbœuf son fils aîné, et qu'elle n'aimoit tendresses nécessaires pour son fils; ce que pas M. le comte d'Harcourt son puîné, dont le n'ayant pas été fait depuis tantôt six mois, le Roi disoit par ses lettres n'en pouvoir savoir la Roi ayant daigné prendre lui-même connoiscause, sinon que l'un, savoir l'aîné, étoit dans sance de la cause, et sa présence autorisant le la rebellion et la désobéissance, et l'autre dans contenu en ces lettres, Sa Majesté pouvoit, jule service actuel ; voulant en cela arguer mada- geant le profit du congé, ordonner que les letme la duchesse d'Elbœuf d'être complice de la tres seroient registrées, si ce n'étoit que, donfaute et rebellion de son fils aîné. nant un autre délai pour contester, elle voulût différer à un autre jour le jugement et la plaidoirie de la cause sur quoi M. le chancelier ayant été au conseil, il prononça que le Roi donnoit congé et défaut, et que pour le profit d'icelui les lettres seroient registrées, pour jouir par l'impétrant du contenu en icelles selon sa forme et teneur.

Ces lettres avoient été présentées au parlement, et sur icelles la cause poursuivie en l'audience. J'avois porté la parole pour le Roi.

Elle avoit été appointée au conseil : le Roi, désirant que cette cause fût plaidée devant lui, avoit fait donner arrêt en son conseil, Sa Majesté y séant, le 14 décembre, par lequel, sans avoir égard à l'arrêt d'appointé au conseil rendu au parlement, le Roi ordonnoit que les parties viendroient plaider devant lui au 20 du mois. Le premier huissier appela cette cause en ces termes: « Plaise au Roi mon souverain seigneur don«ner audience au sieur comte d'Harcourt, de⚫ mandeur, contre la dame duchesse douairière ⚫ d'Elbœuf, etc. »>

Et d'autant qu'il ne se trouva procureur ni avocat pour défendre la cause de madame d'Elbœuf, M. le chancelier ordonna qu'elle seroit appelée et rapportée ; ce qui fut fait à l'instant par le premier huissier. Et Gautier, avocat, ayant expliqué le fait de sa demande, et conclu à ce qu'il plût au Roi d'en adjuger le profit surle-champ, M. Bignon dit que les maximes de la justice, laquelle le Roi venoit exercer en ce lieu, nous apprenoient qu'un des principaux droits de propriété consistoit en la disposition de son bien, conformément à l'ordonnance des lois et à l'établissement des coutumes; que cette règle générale étoit combattue de quelques exceptions: lorsque les particuliers étoient incapables de la disposition de leur bien par divers accidens, la loi les mettoit en interdiction; ce qui se faisoit avec grande circonspection, et après plusieurs formalités désirées, lesquelles sembloient être suppléées en cette affaire par le témoignage de la volonté du Roi expliquée dans les lettres patentes, sur lesquelles

dérogé et dérogeons par cette notre déclaration, et pour cette fois seulement, en faveur de notredit cousin le comte d'Harcourt. Si vous mandons qu'ayez à faire publier et registrer ces présentes, et du contenu en icelles faire jouir notredit cousin le comte d'Harcourt sans aucun trouble ti empêchement, nonobstant tous édits, ordonnances, reglemens, arrêtés, us, coutumes, et autres choses et lettres à ce contraires, auxquels, et aux dérogatoires y contenus, nous avons dérogé et dérogeons par cesdites présentes; car tel est notre plaisir.

Et d'autant que l'avocat de M. le comte d'Harcourt avoit fait une requête judiciaire pour avoir provision sur le bien de sa mère, il fut ordonné que sur cette requête les parties en auroient audience au premier jour en son parlement.

M. le comte d'Harcourt, fils puiné de madame la duchesse d'Elbœuf, ayant obtenu les lettres ciattachées, elles furent apportées à M. le procureur général, lequel ne voulut pas les présenter à la cour, comme n'étant pas une affaire du Roi, mais une affaire de particuliers. De sorte que M. le comte d'Harcourt les ayant présentées à la cour, et sur icelles ayant été ordonné qu'elles seroient communiquées à madame la duchesse d'Elbœuf, et que les parties viendroient à l'audience, la cause plaidée par les avocats, je dis que le ministère des avocats sembloit inutile en une cause en laquelle il n'y avoit autre question à examiner, sinon d'apprendre les sentimens et les affections d'une mère, savoir si elle est préoccupée de passion envers l'un plus qu'envers l'autre de ses enfans; en telle sorte que le Roi ait été obligé d'y apporter sa main puissante et son autorité souveraine, qui prend soin de la conservation des grandes familles de son État.

La mère soutient qu'elle a toujours aimé ses enfans également, et que s'il y a eu de la prédilection c'a été plutôt pour le plus jeune que pour son aîné; et néanmoins qu'elle est mal récompensée de tous les bons offices qu'elle lui a rendus : Cor

« Donné à Saint-Germain le 22 janvier l'an de grâce 1635, et de notre règne le vingt-cinquième. Signé Lovis; et plus bas: Par le Roi, DE LOMÉNIE; et scellé sur simple queue du grand sceau de cire jaune.

« Collationné sur son original étant en parchemin ; ce fait, rendu par les notaires garde-notes du Roi notre sire en son Châtelet de Paris, soussignés, le 26 janvier 1635. Ainsi signé Laisné et Jacques, avec paraphe.» (Note d'Omer Talon.)

meum, dit-elle, super filio meo est, at cor filii

Qu'au surplus le jugement du Roi faisoit parmei super lapide. C'est un proverbe arabe qui tie de la cause: Divinatio in labiis regis, et in veut dire que les père et mère aiment leurs en-judicio errabit os ejus. fans, mais que les enfans aiment la succession Que si nous n'en savions pas la cause, Tobie, de leurs père et mère, super lapide sepulchri. ch. 12, v. 7: Arcana regis abscondere bonum Mon fils désire ma succession, dit-elle; hæredi-est, opera Dei revelare et confiteri honorificum. tas quæ in principio festinatur, in novissimis benedictione carebit.

Le fils ne réplique qu'avec paroles de respect: il demande à sa mère la conservation de l'être duquel elle lui a donné le principe; et s'il osoit se plaindre, ce seroit du peu de soin et d'affection de sa mère en son endroit, laquelle a porté toute son amitié à M. le duc d'Elbœuf son aîné. Qu'en la Genèse 48, Jacob donnant sa bénédiction à Ephraïm et Manassés, qui étoient les enfans de Joseph son fils, il mit la droite sur Ephraïm, et la gauche sur Manassés; ce que l'Écriture appelle commutans manus suas, errare faciens manus suas, croisant ses bras.

Saint Paul aux Ephésiens, excitant les enfans de porter respect à leurs pères, etc. (ch. 6, v. 4), donne avis de ne contrister pas leurs enfans: Ne provocetis ad iram filios vestros.

OEcumenius dit : Μὴ ἀποκληρονόμους μὴ ἀποκηρύκτους ποιῆθαι, ne exhæredes et extraneos faciatis liberos vestros.

(1) Voici le discours qu'avoit préparé Omer Talon : «Sire, le ministère des avocats sembloit n'être pas né «< cessaire en une cause de cette qualité, en laquelle le << demandeur, pour prévenir le courroux et l'indignation « de sa mère, qu'il prétend n'avoir pas mérité l'interdire « du pouvoir que les lois lui donnent dans sa famille, << supplie Votre Majesté qu'il lui plaise autoriser dans son « lit de justice les lettres qu'elle lui a accordées dans son « conseil, et registrer dans son parlement la grâce qu'elle « lui a faite dans son sceau. Il appelle de la colère de sa «< mère à la bonté du Roi; et, pour justifier la nécessité « de ses plaintes et la cause de son appréhension, il << emploie le seul témoignage de Votre Majesté, laquelle « lui ayant fait l'honneur de s'entremettre pour obtenir « une réconciliation domestique, n'a pu fléchir le cœur · « d'une mère irritée, émouvoir les suffrages de la nature « et les sentimens de la piété, lesquels, agissant à l'en« droit des enfans par une inclination secrète qui contient « quelque espèce de violence, se trouvent dans ce ren« contre prévenus de haine et de mauvaise volonté par « des considérations qui nous seroient inconnues, si Votre « Majesté ne nous les avoit révélées par les lettres dont «<l'on demande l'entérinement: tant il est vrai que les « sentimens particuliers et les affections différentes divi«sent ceux qui sont joints par les liens les plus forts de « la nature, et produisent dans les familles des inconvé aniens dangereux, lorsque les parens courroucés usent « de l'avantage de leur condition et de l'autorité de la loi, « qui leur donne pouvoir de faire justice dans leur famille, « mais non pas de venger leurs passions.

« L'amour, tel qu'il soit, a pour principe et pour der. « nière fin l'intérêt et la satisfaction de celui qui aime; « la philautie est la semence et la mesure de toute sorte « de liaison et amitié humaine, sans en excepter ni les actions de piété ni les devoirs de la nature.

« Une mère chérit également tous ses enfans parce

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Mes conclusions furent, auparavant que faire droit, que par devant deux de messieurs les parties fussent ouïes, toutes choses demeurant cependant en surséance.

La cour ordonna qu'il en seroit délibéré sur le registre à la huitaine, auquel jour les parties se trouveroient.

Ce qui fut exécuté; et madame d'Elbœuf n'ayant rien voulu promettre à son fils, la cour appointa les parties au conseil. Depuis,et au mois de décembre 1635, le Roi ayant résolu de venir au parlement pour faire vérifier quantité d'édits portant diverses créations d'officiers, comme de fait il y vint le 20 décembre, le 14 précédent il intervint un arrêt au conseil, le Roi y séant, par lequel le Roi ordonna que, sans avoir égard à l'arrêt d'appointé rendu au parlement entre les parties, elles viendroient plaider devant lui en son lit de justice.

Dont ayant eu avis, et croyant que peut-être M. Bignon n'y voudroit pas parler, je me préparai à ce que j'aurois à dire devant le Roi (1); qu'elle les a mis au monde, comme une image de sa « substance et une portion de son être.

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«Que si cette affection naturelle, qui se nourrit et se « conserve par une complaisance intérieure, est combat« tue de quelque intérêt particulier; si la fantaisie blessée, « au lieu de trouver son contentement dans sa famille, y << reçoit de la contradiction et du déplaisir, les inclinations « de la nature se diminuent à mesure que les sentimens « du cœur sont offensés, la haine succède à la place de l'amitié, les hommes passent facilement d'une extré « mité jusques à l'autre, et perdent les tendresses de leur << condition par la force de l'imagination corrompue; parce << que comme l'esprit est obligé de consentir à une vérité «< connue et la volonté d'embrasser le bien qui lui est apparent, de même elle résiste, et évite tant qu'elle peut « le mal qu'elle appréhende : pour cela les mères traitent quelquefois leurs enfans avec inégalité, lorsque dans la «< conduite de leur vie, et les voies différentes dans lesquelles ils cheminent, leurs actions leur sont agréables « ou déplaisantes. Ce qui procède bien souvent de la foi«blesse des sens ou de la liberté de certaines notions anticipées, dans lesquelles personne ne peut souffrir de contradiction; voire même les opinions agissent d'ordi«naire si avant, que l'innocence passe pour crime lorsque << notre esprit ainsi que nos yeux, malades, reçoit les « images des objets qui lui sont présentés selon la mesure « de sa pensée.

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« Ce sont, sire, si nous sommes capables de l'entendre, a les motifs des lettres patentes adressées à votre parle«ment, les mouvemens de la justice et du jugement de « Votre Majesté, qui sont choses inséparables, et qui pa«<roissent aujourd'hui aux yeux de tous les grands de l'État dans le lieu le plus auguste du royaume, pour « donner protection particulière aux services et à la fidé«lité du sieur comte d'Harcourt.

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ce qui fut inutile, parce que madame d'Elbœuf | édits, messieurs du parlement s'essembloient fut conseillée de ue pas comparoir, et de laisser pour mettre en compromis son autorité et délidonner défaut contre elle, pour le jugement du- bérer sur iceux ; que cela méritoit bien y songer; quel défaut et du profit d'icelui M. Bignon se que quant à lui il ne leur pouvoit accorder l'asleva, et dit peu de chose. semblée des chambres, qu'aussi il ne leur refusoit pas : mais qu'ils y prissent garde, et qu'ils avisassent qu'aussi bien il n'étoit pas jour pour pouvoir délibérer en la matière.

Les édits ayant été vérifiés au parlement, le Roi y séant le 20 décembre 1635, le lendemain vendredi il étoit fête, jour Saint-Thomas; la cour n'entra point. Le samedi 22 étoit la surveille de Noël, jour auquel la cour se lève à neuf heures pour aller à la séance des prisonniers.

Ce jour, messieurs les conseillers des enquêtes assemblés dans leurs chambres, et par leurs députés au nombre de six, entrèrent en la grand' | chambre, et demandèrent à M. le premier président l'assemblée des chambres, sur ce qu'ils disoient qu'ils n'avoient pas entendu les édits du Roi, lesquels avoient été vérifiés en sa présence, parce que la lecture n'en ayant pas été faite, et l'exécution d'iceux concernant la compagnie, il etoit juste de le faire.

M. le premier présidant leur dit que cette affaire étoit délicate; que le Roi seroit offensé si, à l'instant et dès le lendemain qu'il a vérifié des

« Ce qui nous oblige d'achever la cérémonie de cette ⚫ journée par un sacrifice de louanges, mais plutôt de e silence et d'admiration, qui rendront témoignage que « les actions de Votre Majesté sont en vérité mille fois plus • puissantes que nos paroles. Comme il arrive souvent - que la petitesse du sujet rend stériles les conceptions des hommes les plus éloquens, ici l'excès de la matière ⚫ surmonte la capacité de nos pensées.

Les rayons de sa gloire, qui, se produisant tous les jours, se multiplient, éblouissent le meilleur de nos sens; et, dans une connoissance publique de tant de merveilles que notre langue ne sauroit expliquer, il nous reste cette satisfaction que nous savons bien que ⚫le Roi est la terreur de ses ennemis, le bien aimé du • Ciel, et les délices de son peuple.

Et pour ce que nos jours soient diminués, afin de ⚫ croitre le nombre de ses années, que tous ceux qui sont ⚫ jaloux ou envieux de sa gloire souffrent confusion dans leur esprit et violence dans leurs pensées; et que cha⚫cun sache que le comble de son bonheur ne consiste pas ⚫ dans les avantages du sang ni dans l'éclat de sa nais⚫sance, mais dans l'obéissance et la fidélité dans les⚫ quelles chacun, selon sa condition, peut mériter les • Lonnes grâces de son maître.

« Et nous, sire, qui comme vos gens, et plus particu⚫ culiers officiers, montrons aux autres l'exemple du res⚫pect et de la soumission qui est due à vos volontés, Bous adhérons, etc. »>

(1) DE PAR LE ROI. -Nos amés et féaux, nous avons été grandement surpris de l'avis qui nous a été donné que le seur Laisné et quelques autres députés des enquêtes ont ete si hardis de demander l'assemblée des chambres pour drierer sur les édits que nous avons fait publier en notre presence, et ont même passé plus avant. Jamais telle enbeprise n'a été faite contre l'autorité royale; et au temps qu'en pareille occasion du siége d'Amiens le feu Roi notre tres-honoré seigneur et père fut dans votre compagnie pour y faire publier en sa présence les édits de création nouvelle, l'obéissance lui fut rendue tout entière, et in

Sur ce messieurs les députés des enquêtes s'étant retirés avec cette prière, qu'ils firent à M. le premier président, qu'il ne fût rien fait en exécution des édits jusques à ce que les chambres eussent été assemblées, et M. le premier président ne leur ayant rien voulu promettre, ils se retirèrent.

Depuis ce jour, les fêtes et féries de Noël durèrent jusques au samedi 29 décembre, auquel nous reçûmes au parquet deux lettres, l'une pour le parlement, l'autre pour nous, toutes deux pleines d'aigreur et de témoignages de courroux de la part du Roi contre le parlement à cause de ces assemblées que l'on méditoit de faire.

Nous entrâmes dans la grand'chambre; et après avoir présenté la lettre du Roi (1) sans continent après les officiers de ladite nouvelle création furent reçus. Nous estimons que la même obéissance nous doit être rendue; et afin de conserver notre dignité tout entière, nous défendons expressément au premier président de notredit parlement (*) et à tous les autres présidens, sur peine d'encourir notre indignation, de souffrir aucune assemblée des chambres; ordonnons à notre procureur général de s'opposer ouvertement en cette occasion à ceux qui contreviendront à notre volonté, et de nous informer pareillement de leurs noms, étant résolu, s'il se trouve quelqu'un si téméraire, de le faire châties sévèrement comme perturbateur du repos public, et ayant des sein d'empêcher nos justes intentions, fondées sur la nécessité assez connue d'un chacun pour les causes que nous vous avons fait entendre, n'ayant autre but que de maintenir notre royaume contre les Impériaux et Espagnols, lesquels font leurs efforts pour y entreprendre. Nous vous mandons et enjoignons aussi très-expressément, toutes affaires cessantes, de procéder à la réception des officiers de nouvelle création, et sommes bien avertis, comme il y a beaucoup de gens de bien en votre compagnie, qu'aussi il y en a quelques-uns qui s'éloignent de leur devoir, et que tout le mal vient de quelques-uns des enquêtes; à quoi nous sommes résolus de pourvoir en telle sorte que nous saurons bien empêcher semblables désordres à l'avenir, nous trouvant enfin obligé de lever et ôter la surséance verbale du feu Roi notredit seigneur et père sur l'exécution de la déclaration publiée en notredite cour en sa présence, par laquelle il est ordonné que les enquêtes ne doivent plus assister aux délibérations des édits et autres affaires publiques, et que la seule grand'chambre en auroit la connoissance, comme person nes expérimentées et capables de juger des affaires d'État plutôt qu'eux, lesquels étant sans expérience, ne peuvent donner leurs avis en telle rencontre; ce que vous répare rez par une prompte et entière obéissance à l'exécution

(*) Les présidens de la grand'chambre avoient seuls le titre de présidens du parlement; ceux des enquêtes prenoient simplement celui de présidens des enquêtes, ou de presidens au parlements

autre discours, nous nous retirâmes. Sur cela les trois chambres ayant été assemblées, et ayant délibéré sur cette lettre du Roi, les uns étoient d'avis de faire assemblée de toutes les chambres, les autres d'envoyer la lettre du Roi à messieurs des enquêtes afin qu'ils la vissent, et que la lecture d'icelle volontiers feroit impression dans leurs esprits; les autres, qu'il falloit députer messieurs les gens du Roi pour aller vers M. le chancelier, ou l'un de messieurs les présidens et quelques conseillers, pour faire entendre à M. le chancelier les raisons de la compagnie, afin qu'il les fit connoître au Roi.

Après tous ces avis proposés, et les difficultés pour se résoudre sur iceux expliquées, ils avisèrent d'envoyer au parquet, et de nous mander en la grand'chambre, en laquelle étant entrés, M. le premier président nous dit que la cour nous avoit mandés pour nous faire entendre la lecture de la lettre du Roi, laquelle nous avions apportée, et pour savoir quels seroient nos sentimens en la matière.

Ce qu'ayant été fait, et la lettre lue par l'un de messieurs, M. Bignon dit que nous allions en conférer ensemble; et de fait, entrés que nous fûmes dans le greffe, et de là étant retournés, M. Bignon dit :

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Messieurs, nous avons entendu la lettre « dont vous nous avez fait faire la lecture, con« forme entièrement à celle qu'il a plu au Roi « nous écrire, dans laquelle nous avons reconnu à << notre grand regret les témoignages de son « courroux et de son indignation: mais parce << que les commandemens et la volonté du Roi << aboutissent à ce seul point de désirer que les « chambres ne s'assemblent point, et que nous << ne voyons aucune disposition de le faire dans << vos visages et vos contenances, par ce moyen « le Roi étant obéi, du surplus nous avons la « bouche fermée. »

Ensuite messieurs de la grand'chambre ayant

de nos volontés. Si n'y faites faute, car tel est notre plaisir.

Donné à Saint-Germain-en-Laye, le vingt-sixième jour de décembre 1635. Signé Louis; et plus bas, de Loménie (*). » (Note d'Omer Talon).

(1) Nota, que la lettre qui nous avoit été écrite au parquet, et adresse A nos amés et féaux nos avocats et procureurs généraux, étoit toute semblable à celle qui avoit été écrite au parlement, sinon qu'elle contenoit que le Roi étoit mal content de son procureur général, du peu de fidélité qu'il avoit témoigné dans cette occasion à son service, ne s'étant pas opposé à la réquisition de l'assemblée des chambres, et du peu d'affection qu'il a eu de n'avoir pas fait savoir ce qui s'étoit passé, ni donné avis de ceux qui avoient demandé l'assemblée à son défaut. Portoit la lettre du Roi, comme si elle eût été adressée à M. Bignon et à moi, Ne manquez pas de prendre la feuille de ce qui s'est passé ledit jour 22 décembre, et la nous ap« porter, »

M. Bignon et moi avions demandé à M. le procureur général copie de cette lettre, laquelle il nous promit; et depuis ne nous l'a pas envoyée, étant bien aise volontiers, à cause des termes contenus en icelle qui le taxoient en son particulier, qu'elle ne fut pas vue. (Note d'Omer Talon).

bien aperçu que dans ce moment nous n'avions pas voulu nous entremettre, comme aussi n'étoit-il pas raisonnable, après une délibération parachevée, de nous mander au parquet, il fut résolu dans la grand'chambre que M. le président de Mesmes et quatre de messieurs, selon l'ordre du tableau, iroient trouver M. le chancelier, et lui faire entendre la délibération de la compagnie et le prier de faire trouver bon au Roi les intentions de son parlement.

Ce fait, messieurs les députés des enquêtes mandés en la grand'chambre, M. le premier président leur dit ce qui s'étoit passé le matin; et sans leur faire entendre le contenu en la lettre du roi, ni leur expliquer par le menu tout le contenu en icelle, leur dit la résolution qui avoit été prise en la députation de M. le président de Mesmes.

Mais d'autant que dans la lettre que le Roi nous avoit écrite il y avoit un dernier article qui nous obligeoit de prendre des mains du greffier la feuille de ce qui s'étoit passé le samedi 22 du mois, et la porter au Roi, et que l'exécution de cet article de la lettre du Roi n'étoit pas en notre puissance, parce que le greffier de la cour n'eût pas voulu nous la donner sans l'ordre de la compagnie, à laquelle nous n'avions pas charge d'en parler, et que cette clause de la lettre nous concernoit principalement M. Bignon et moi, au défaut de M. le procureur général, je fus bien aise qu'en une affaire de cette qualité nous puissions avoir nos décharges raisonnablement. Pour cet effet messieurs les présidens étant levés, nous fûmes à la grand'chambre pour savoir ce que nous avions à faire en la matière; et n'en ayant tiré aucune réponse ni satisfaction, nous fumes tous trois chez M. le chancelier, auquel ayant fait entendre ce qui s'étoit passé la matinée, et lui ayant fait entendre la teneur de la lettre du Roi, et le contenu en icelle touchant cette dernière clause, il nous dit que le Roi ne désireroit point cette feuille, puisqu'il y avoit apparence que le parlement ne s'assembleroit pas, et que c'étoit une espèce de satisfaction au Roi que cette feuille demeurât, afin que l'autorité du Roi étant depuis intervenue, l'on sût que le parlement y avoit déféré. Nous le priâmes de se souvenir de ce que nous lui avions dit; ce qu'il nous promit de faire.

Nonobstant cela, messieurs des enquêtes résolurent de prendre leur place dans la grand'chambre le lundi ensuivant de grand matin; et de fait, ledit jour lundi matin, pendant que messieurs les présidens de la grand'chambre étoient allés à la buvette prendre leurs manteaux pour l'audience, messieurs des enquêtes entrè

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