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D'OMER TALON.

Mémoires que j'ai faits de temps en temps sur l'occurrence des affaires publiques qui se sont présentées au parlement pendant que j'ai été avocat général, qui peuvent servir à connoître la qualité du gouvernement de l'État, et l'esprit de ceux qui avoient autorité. J'ai écrit ce que j'ai vu fidèlement, ce que j'ai entendu de personnes de condition avec sincérité; et si j'ai offensé quelqu'un dans ce narré, ce n'a pas été avec dessein

de faire injure. Tous les hommes, quelque grands personnages qu'ils soient, sont sujets à faire des fautes; et l'une des plus grandes fautes que j'aie faites, et que je reconnois, a été de n'avoir pas connu ni accusé les miennes, et d'avoir parlé de moi avec trop de complaisance. Ce 20 septembre 1647.

PREMIÈRE PARTIE.

[1630] Au commencement de l'année 1630, mon frère aîné s'ennuya de sa charge d'avocat général, qu'il exerçoit il y avoit dix ans et plus. La fonction lui en étoit pénible, parce qu'il étoit grandement exact en toutes choses, et prévoyant avec trop de scrupule; de sorte que pour satisfaire à autrui il avoit peine de se satisfaire à luimême. D'ailleurs le gouvernement étoit dur, l'on vouloit les choses par autorité, et non pas par concert. Il s'expliqua de son intention à M. le cardinal de Richelieu, qui l'estimoit lors et l'aimoit, et plus qu'il n'a pas fait depuis, lequel lui accorda sa demande; mais il lui dit qu'il ne lui conseilloit pas de désirer une place dans le conseil, parce que M. le garde des sceaux de Marillac n'étoit pas de ses amis, et qu'il étoit fácheux de servir dans une condition en laquelle le chef avoit aversion de vous. Mon frère lui proposa l'ambassade de Suisse, qui vaquoit : M, le cardinal l'approuva. Mais avant que l'affaire fût arrêtée, avant que mon frère eût vu le Roi, M. le cardinal de Richelieu partit pour aller à Suse.

LAUS DEO!

OMER TALON.

Néanmoins, après une longue résistance, laquelle de ma part n'étoit ni feinte ni affectée, la sollicitation de ma femme et de mes proches fut si puissante, que je lâchai le pied, et promis de faire ce que l'on voudroit; et ce principalement lorsque je fus assuré que cela ne s'exécuteroit pas si tôt, à cause de l'absence de la cour.

Et de fait, le Roi ayant été grièvement malade à Lyon et en très-grand péril, messieurs de Marillac, personnages de grand esprit et fort résolus, savoir le garde des sceaux et le maréchal de France, occupèrent l'esprit de la Reine, mère du Roi, au préjudice de M. le cardinal de Richelieu, lequel la Reine mère avoit établi dans les affaires, et à laquelle il étoit débiteur de son avancement; et, quelque soin qu'il apportât pour reblandir son esprit, étant retourné de Lyon à Paris avec elle, il ne put effacer les mauvais sentimens qui lui avoient été imprimés: en telle sorte que toute la cour étant retournée à Paris à la Toussaint 1630, la Reine mère avoit résolu le Roi de faire retirer M. le cardinal de Richelieu, et lui-même cherchoit l'occasion de demander son congé honnêtement (ce qui fut cru et publié pendant vingt-quatre heures); et que le gouvernement seroit entre les mains de messieurs de Marillac, du cardinal de Bérulle, su

Mon frère m'offrit sa charge, laquelle d'abord je refusai, comme un emploi trop lourd et trop dificile; et quoiqu'il y eût dix-huit ans que je fusse dans le barreau, avec assez d'occupation, je ne me pouvois pas résoudre d'entrer dans une charge que j'avois vu et entendu avoir été rem-périeur de l'Oratoire, et autres personnes de plie des plus grands hommes des siècles passés, reconnoissant bien que je n'avois ni expérience ni suffisance qui approchât de celle de tous ces messieurs.

III. C. D. M. T. VI,

cette condition, entre lesquels M. Molé, procureur général, et à présent premier président, n'étoit pas des derniers.

Mais l'affaire en un moment changea, parce

que le Roi, impatient d'être à Paris, ayant voulu aller à Versailles se divertir, la Reine mère, qui aimoit ses aises, et qui eût perdu un empire plutôt qu'une heure de repos ou un moment de son occupation ordinaire, ne voulut pas suivre le Roi, quelque instance que lui en firent messieurs de Marillac. De sorte que dans ce petit voyage M. le cardinal ayant suivi, et s'étant fortifié du conseil du cardinal de La Valette, de l'adresse de M. de Saint-Simon, qui étoit le petit favori, ils renversèrent l'esprit du Roi, le- | quel fit arrêter prisonnier le garde des sceaux de Marillac, mit en sa place M. de Châteauneuf, et le jour même donna la charge de premier président à M. Le Jay; de sorte que cette journée fut appelée à la cour la journée des dupes, parce | que ceux qui cuidoient avoir chassé leurs compagnons furent chassés.

M. le cardinal de Richelieu n'ayant pu reblandir, ni s'assurer de l'esprit de la Reine mère, travailla pour le détacher de M. le duc d'Orléans son second fils; et pour cet effet il prit ses mesures avec ses ministres, M. Le Coigneux son chancelier, auquel il donna l'office de président au mortier; de M. Le Jay, qu'il avoit fait premier président; et à M. de Puylaurens, il lui donna cent mille écus. De sorte que pendant deux ou trois mois il entretint l'esprit du Roi dans la défiance et la jalousie, qui étoit son foible mais pour se rendre maître absolu dans les affaires, et n'avoir point de contrôleur dans la cour, et pour gouverner l'esprit du Roi avec moins de peine, il se brouilla avec les ministres de Monsieur, auxquels nouvellement il avoit fait du bien, et les obligea, pour leur sûreté particuJière, d'emmener M. le duc d'Orléans hors de la cour, et avant que d'en sortir d'aller dans le logis de M. le cardinal de Richelieu lui faire des menaces et lui dire de mauvaises paroles. Ce qui fut un mauvais conseil de menacer un premier ministre, et le laisser en possession de l'esprit du Roi après l'avoir irrité; car M. le cardinal de Richelieu prit grand avantage de cette insulte qui lui avoit été faite : l'esprit du Roi, facile à être échauffé, le fut par cette voie. Il persuada au Roi que c'étoit la Reine mère qui l'avoit fait faire à M. le duc d'Orléans.

Ainsi il parvint à ses fins : continuant le mauvais ménage entre le Roi, la Reine sa mère et M. le duc d'Orléans son frère, persuadant au Roi que la Reine sa femme étoit de leur intelligence, il se rendit nécessaire dans le ministère; et faisant croire au Roi que si Monsieur, qui s'étoit retiré à Orléans, demeuroit davantage dans le royaume, qu'il attireroit à lui tous les mécontens, et qu'ils en feroit une guerre civile, il

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l'obligea avec ce qu'il avoit de milice de suivre M. le duc d'Orléans, lequel se retira, et s'en alla en Lorraine [1631]. A quoi il fut d'autant plus facile de l'exciter, que M. de Puylaurens, jeune gentilhomme, favori de M. le duc d'Orléans, avoit des amourettes pour madame la princesse de Phalsbourg, sœur du duc de Lorraine; et M. Le Coigneux, qui avoit l'esprit fin, mais timide et suspicieux, ne voulut jamais prendre confiance avec M. le cardinal de Richelieu, l'ayant vu une fois irrité; et d'ailleurs ledit sieur Le Coigneux, soit par faute de résolution, ou par bonté naturelle, ennemie de toutes sortes de violences, n'ayant pas voulu donner avis à M. le duc d'Orléans de mettre main basse, et porter les choses aux dernières extrémités lorsqu'il alla déclarer inimitié à M. le cardinal de Richelieu, ce qu'il falloit faire en bonne politique machiavélique, de laquelle M. le cardinal de Richelieu sachant mieux les principes et la pratique que les autres, il arriva que cette contention l'éleva infiniment; car ses ennemis non-seulement se déclarèrent, mais se retirèrent de sorte que l'injure qu'ils lui voulurent faire fut le fondement et l'affermissement de sa fortune.

M. le duc d'Orléans s'étant retiré de la sorte le dernier janvier 1631, M. le cardinal de Richelieu voulut faire déclarer criminels de lèsemajesté ceux qui lui avoient donné ce conseil; mais l'affaire ayant été partagée en opinions, le Roi s'offensa infiniment de cet arrêt de partage; et après avoir maltraité le parlement sur ce sujet, il chassa trois des officiers, deux présidens des enquêtes, et l'un des conseillers, ainsi qu'il est fait mention dans le registre ci-attaché du 14 mai 1631.

Ce qui s'est fait au Parlement durant l'affaire de M. le duc d'Orléans, quand il se retira en Lorraine en l'année 1631, et qu'il y eut partage d'opinion pour sçavoir s'il seroit déclaré criminel de lèse-majesté, et que sur ce ily eut des officiers du Parlement exilés.

Du mercredi 14 mai 1631, du matin :

« Ce jour, les députés des chambres des enquêtes et requêtes du Palais ont dit, par Me Jean Le Clerc, conseiller en icelle, qu'ils ont été avertis qu'à messieurs Pierre Gayant et Jean-Jacques Barillon, conseillers en icelle, et présidens en la première chambre des enquêtes, et Jean Laisné, aussi conseiller en ladite cour, a été envoyé mémoires de la part du Roi pour eux retirer, savoir: ledit Gayant à Bourges, ledit Barillon à Clermont en Auvergne, et Laisné à Limoges; ont prié M. le premier président, pour la consé

quence de l'affaire, de présentement assembler | passé en icelle en la délibération sur ladite dé

les chambres pour délibérer ce qui est à faire : ce claration; au moyen de quoi il avoit été résolu que mondit sieur le premier président auroit ac- de faire entendre audit seigneur Roi que tout ce corde, et à l'instant auroient été les commis des qui s'étoit passé en ladite délibération n'avoit été greffes de la cour envoyés auxdites chambres fait qu'en leurs consciences, et étoient venus pour avertir messieurs de s'y rendre; et étant pour témoigner audit seigneur leur fidélité, et la cour toutes les chambres assemblées, mon- qu'ils étoient ses très-humbles sujets et obéissans dit sieur le premier président a dit qu'il avoit serviteurs; qu'en ladite délibération messieurs assemblé la compagnie sur ce qui auroit été pro- se seroient trouvés partis en opinions, l'un des posé par lesdits députés. A été mandé que les avis étant qu'il seroit informé d'office, dans le gens du Roi seroient mandés pour prendre con- mois, des faits contenus ès dites lettres de déclaclusions: eux mandés, mondit sieur le premier ration, pour ce fait et rapporté faire droit; l'auprésident leur a fait entendre ce que dessus; et tre avis, que le Roi seroit très-humblement supa le procureur général du Roi dit ne pouvoir plié d'entendre les raisons pour lesquelles ladite prendre conclusions sur un dire, et auroit requis cour n'avoit procédé à la vérification de ladite qu'il plût à la cour ordonner que lesdits Gayant, déclaration; qu'en l'un ni en l'autre des avis n'y Barillon et Laisné fussent mandés pour venir faire avoit aucune chose qui fût préjudiciable au serleurs charges en ladite cour. La matière mise en vice du Roi. Ledit sieur de La Ville-aux-Cleres délibération, a été arrêté que présentement le seroit entré vers ledit seigneur Rọi, auquel il greffier des présentations, et Radigues, l'un des auroit fait entendre ce que dessus, et seroit renotaires secrétaires de ladite cour, se transporte- tourné vers mondit sieur le premier président, ront és maisons desdits Gayant, Barillon et Lais- auquel auroit dit que, puisqu'il n'étoit point né, pour les avertir de venir faire leurs charges. chargé de la part de ladite cour de paroles pour A l'instant seroient lesdits greffier des présen- donner contentement au Roi pour l'enregistretations et Radigues partis pour satisfaire à l'or- ment de ladite déclaration, que le Roi ne le voudonnance de ladite cour; et, attendant réponse loit entendre; qu'il avoit mandé les officiers de des commissions à eux données, mondit sieur le ladite cour pour entendre les volontés et les répremier président auroit dit à ladite cour, les solutions par eux prises sur le sujet de ladite afchambres assemblées, que le jour d'hier, les faire : ce que ledit sieur président auroit fait enchambres assemblées, ladite cour en corps seroit tendre à aucuns, et à l'instant ladite cour, en allée au Louvre, suivant la lettre du Roi qui au- ordre avec les huissiers, seroit avancée et aproit été lue, et arrêté que ladite cour avec les prochée près du Roi ; et, étant à vingt pas du Roi, bonnets carrés, les huissiers d'icelle marchant qui étoit assis dans une chaise sous son dais, les devant, et qu'étant entrés au Louvre ils montè- huissiers, notaires et secrétaires de la cour, et rent par les grands degrés, où ils furent accueil- le greffier d'icelle, s'étant mis à quartier, selis par le sieur de Souvray, qui les conduisit dans roient tous ledits officiers approchés, et salué le la grande galerie, et d'icelle dans la galerie des Roi, à la main droite duquel étoient M. le comte peintures, où étant le sieur de La Ville-aux-Cleres de Soissons, M. le cardinal de Richelieu, M. de vint trouver ledit sieur premier président de la Schomberg et autres seigneurs, M. le garde des part du Roi, pour savoir quelles paroles de satis- sceaux ; d'autre côté, M. de Longueville, M. de faction il avoit pour porter audit seigneur Roi, Malines, M. le maréchal d'Effiat, et plusieurs pour lui donner contentement sur le sujet de sa autres. Le Roi leur auroit dit qu'il avoit mandé déclaration du 30 mars dernier, contre ceux qui ladite cour sur le sujet de quelque délibération ent suivi et donné conseil à Monsieur, frère du sur ladite déclaration, et que M. le garde des Roi, pour sortir hors du royaume. Mondit sieur sceaux feroit entendre sa volonté et ses intentions. le premier président auroit fait réponse que la- Mondit sieur le garde des sceaux leur dit que dite cour étoit venue saluer le Roi pour se con- le Roi avoit trouvé étrange leur délibération sur jouir de son heureux retour de Compiègne, com- ladite déclaration, que quand il partit de cette me il avoit été délibéré le 12 de ce mois: ce que ville, il les manda, et leur fit entendre comme il ledit seigneur avoit eu agréable, même donné avoit résolu d'aller à Orléans, et qu'auparavant l'heure le jour précédent; mais que cela avoit il auroit envoyé M. le cardinal de La Valette ete remis pour les affaires survenues audit sei- vers Monsieur, pour le persuader de retourner gneur, et que cejourd'hui le procureur général près sa personne: ce qu'il n'auroit voulu faire, avoit été envoyé pour savoir l'heure de sa com- au contraire se seroit éloigné par le mauvais conmodité, et qu'il auroit fait rapport à ladite courseil qui lui auroit été donné par ceux qui l'apque le Roi étoit fort indigné de ce qui s'étoit prochent, au moyen de quoi, et pour prévenir

le mal, il auroit fait expédier ses lettres de déclaration à l'encontre d'eux ; que lesdites lettres n'étoient sans exemple, en ayant été expédié de semblables du temps et des règnes de Charles vi et Louis XII étant lors duc d'Orléans, qui dé- | clarèrent ceux y dénommés criminels de lèsemajesté; que c'étoit au Roi à donner le titre au crime, et à ses sujets d'exécuter sa volonté et appliquer la peine au crime; que le crime étoit notoire, que le Roi en étoit bien informé ; que le parlement n'étoit établi que pour rendre la justice aux particuliers, et des affaires d'État il n'en devoit connoître, sinon lorsque le Roi leur en donne et attribue la connoissance; que l'établissement des parlemens n'étoit pour faire le procès aux grands du royaume, qui ne leur faisoient que par lettres attributives de juridiction auxdits parlemens ou à autres juges, comme il plaisoit au Roi ; et que, puisque l'usage en telles affaires étoit de leur donner lettres, qu'ils n'avoient la connoissance de telles affaires par le droit de leurs charges, mais par lettres attributives; que les autres parlemens avoient donné l'exemple d'obéissance, au moyen de quoi le Roi auroit assemblé son conseil, et fait donner un arrêt duquel leur seroit fait lecture. Ce qui auroit été fait par ledit sieur de La Ville-aux-Clercs; et icelle faite, le Roi auroit demandé la minute de la délibération du 26 avril dernier, laquelle Me Jean Du Tillet, greffier de ladite cour, lui auroit mise ès mains, et laquelle à l'instant il auroit vue, et en fit ce qu'il voulut (1), et lui auroit fait bailler l'arrêt du conseil du 12 mai dernier pour mettre au registre de ladite cour, au lieu de ladite délibération du 26 avril.

« Ce fait, messieurs, après avoir fait une humble révérence, se seroient retirés, et venus en même ordre qu'ils étoient allés jusque dans le cloître Saint-Germain de l'Auxerrois.

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Ce rapport fait, lecture a été faite dudit arrêt du conseil, les chambres assemblées; à l'instant seroient retournés lesdits greffier des présentations, et Radigues, secrétaire de ladite cour, qui auroient fait rapport à ladite cour qu'ils avoient parlé auxdits sieurs Gayant et Barillon, et au clerc dudit Laisné, et leur auroient dit, de l'ordonnance de ladite cour, qu'ils eussent à venir faire leurs charges; leur auroient dit que le jour d'hier sur le soir il fut en leurs maisons un nommé le sieur de Boislong, enseigne des gardes du corps, qui leur avoit enjoint se retirer dans vingt-quatre heures de cette ville, et de n'aller cejourd'hui au Palais. Sur quoi les gens

(1) Le Roi déchira la feuille que Du Tillet, greffier, lui avait baillée, et fit lire un arrêt du conseil. (Note d'Omer Talon).

du Roi, par la bouche de Me Jacques Talon, avocat du Roi, auroient requis qu'il plût à la cour députer deux présidens et six conseillers d'icelle, pour supplier le Roi de permettre que lesdits Gayant, Barillon et Laisné vinssent au Palais faire leurs charges; et l'heure étant sonnée, la cour auroit remis la délibération à demain.

En ce même temps, le Roi ayant été à Compiègne, la Reine mère voulut être au voyage, mais elle n'en retourna pas; le Roi la laissa dans le château de Compiègne, et mit des gardes entre Paris et Compiègne, afin de l'obliger de faire ce qu'elle fit deux mois après, savoir est de se retirer en Flandre, et par ce moyen faire ce que M. le cardinal de Richelieu désiroit en effet, de quitter le Roi, et lui faire croire qu'elle étoit en | bonne intelligence avec M. le duc d'Orléans.

M. le cardinal de Richelieu étant par ce moyen devenu le maître absolu dans le royaume, et n'ayant plus rien à faire qu'à se garantir des inquiétudes de l'esprit du Roi, qui étoit jaloux de son autorité et plein de soupçons (en telle sorte que dans l'événement le maître et le valet se sont fait mourir l'un l'autre, à force de s'inquiéter et de se donner de la peine), mon frère reprit ses premiers erremens, et demanda à M. le cardinal de Richelieu une place d'ordinaire dans le conseil, qui lors étoit une condition fort honorable, et que la multitude a déshonorée en quelque façon; ce que M. le cardinal lui promit, et ce qui ne fut pourtant exécuté qu'au mois de septembre 1631, savoir le cinquième jour auquel M. le cardinal de Richelieu fut reçu duc et pair de France avec M. de La Valette, pour lequel la terre de Villebois, en Angoulême, fut érigée en duché avec le titre et le nom de La Valette; laquelle grâce ledit sieur de La Valette obtint, non pour l'amour de lui, mais afin que, proposant ce duché, cela servît d'occasion pour parler du duché de Richelieu; et de fait il y eut différend entre messieurs de la grand'chambre et messieurs des enquêtes, pour savoir s'ils devoient y être appelés à la présentation des lettres et au jugement de l'information, ou à la prestation de serment seulement; et messieurs des enquêtes ayant témoigné qu'ils ne vouloient pas résister aux grâces que le Roi faisoit à ceux qui avoient bien mérité, la pairie de Richelieu et de La Valette fut vérifiée; même les amis de M. de La Rochefoucauld ayant parlé pour lui, il obtint pareil arrêt, savoir qu'il seroit informé de ses vie et mœurs; mais ne s'étant pas trouvé à Paris, à son égard l'affaire demeura imparfaite de sorte que cinq ou six ans après l'ayant fait réussir, et ayant prêté le serment, et pendant cet intervalle de temps messieurs de Retz et de Saint-Simon

ayant été reçus, c'a été la matière d'une contes- | l'exécution des lettres patentes de Sa Majesté du tation qui n'a pas encore été décidée pour leurs rangs et séances dans le parlement.

Done, le 5 septembre 1631, M. le cardinal de Richelieu ayant fait le serment de duc et pair, il dina chez M. le premier président Le Jay, où mon frère le salua, et me présenta à lui en qua- | lité de son successeur.

13 may dernier, vérifié en son parlement de Bourgogne, Sadite Majesté étant en sondit conseil, a d'abordant cassé et revoqué et annulé lesdits arrest du 4o de febvrier et autres rendus en conséquence par laditte cour, même celui du 4 du présent mois, comme faits donnés par juges incompétans, interdits et sans pouvoir, et au préjudice de l'autorité de Sadite Majesté et des deffences faites à ladite cour et à son procureur général, verballement et par écrit, d'en prendre connoissance. Fait Sadite Majesté très expresses et très itératives inhifitions et deffenses à ladite cour d'en plus connoître, à peine de nullité et de suspention desdites charges et offices de ceux qui assiteront désormais à la délibération de pareils arrêts, et à tous huissiers et sergeans de mettre à exécution ces arrêts à peine de privations de leurs charges et de dix mille livres d'amende; et pour la contravention faite par ledit procureur général de Sadite Majesté auxdites deffenses, et mépris des arrêts dudit conseil a luy signifié, Sadite Majesté a ordonné et ordonne qu'il comparoîtra audit conseil là par où sera Sa Majesté, dans quinze jours, et cepandant l'a interdit et suspendu de l'exercice de sa charge et luy a fait deffense d'en faire aucune fonction à peine de faux; veut et ordonne Sadite Majesté que le présent arrest soit derechef signifié à ladite cour et envoyé en son parlement de Bourgogne pour y être enregistré. Fait au conseil d'État du Roy tenu à Compiegne, Sa Majesté y étant, le 12 septembre 1631. Signé DE LOMÉ

M. le cardinal de Richelieu, lequel étoit courtois et civil avec excès, nous reçut fort bien, et dit à mon frère qu'il ne s'enquéroit point de moi, puisque je lui étois présenté de si bonne main, et qu'à Compiègne l'affaire s'achéveroit. Et de fait, je fus à Compiègne avec mon frère huit jours après pour saluer le Roi et avoir mes lettres; et comme nous étions dans l'antichambre du Roi pour le saluer, M. de Laffemas, maître des requêtes, entra dans le cabinet du Roi, qui tenoit conseil sur ce qu'il y avoit eu commission expédiée pour faire le procès au maréchal de Marillac, lequel, ne voulant pas répondre devant ces commissaires, bailla plusieurs requêtes au parlement pour être reçu appelant de la procédure contre lui, sur lesquelles requêtes il ne manqua pas de conclusions et ensuite d'arrêts; ce qui fâcha messieurs les ministres, lesquels, s'imaginant que M. Molé, procureur général, étoit de la cabale de messieurs de Marillac, et sachant que dans l'opinion publique que l'on avoit eue de la disgrâce de M. le cardinal de Richelieu i l'avoit insulté et s'étoit moqué de lui, ils firent donner arrêt au conseil d'Etat, le Roi y étant, par lequel ledit sieur procureur général fut ajourné à comparoir en personne dans quinzaine, et cependant interdit de l'exercice de « Louis, par la grâce de Dieu Roy de France et sa charge le 12 septembre 1631, en ces termes : de Navarre, au premier huissier ou sergeant sur Veu par le Roi étant en son conseil, l'arrest de sa cour de parlement de Paris du 4° du présent par ces présentes de signifier l'arrest ce jource requis, salut; nous te mandons et ordonnons mois, par lequel laditte cour, au préjudice des in-d'huy donné en notre conseil d'État, nous y terdictions et deffenses à elle faites de connoître séans, tant à notre cour de parlement de Paris du procès criminel commencé au mareschal de Marillac, et de la cassation faite par Sa Majesté, qu'à notre procureur général en y celle et autres qu'il appartiendra, à ce qu'ils n'en prétenobéir au contenu d'yceluy, sur les peines y pordent cause d'y gnorance et ayent à satisfaire et tées; te donnant de ce faire pouvoir, commandemens et mandemens spécial sans pour ce demander aucun placet, visa in pareatis, car tel est notre plaisir. Donné à Compiègne le 12 jour de

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NIE. »

en son conseil, de l'arrest de ladite cour du 4o febvrier dernier, et autres donnés en conséquence, par lesquels elle avoit receu l'appel des commissaires députés pour l'instruction du procès dudit mareschal de Marillac; elle avoit non-seulement ordonné que ledit arrest cassé seroit exécuté, mais encores réitéré les deffenses faites par iceux commissaires de passer outre à ladite ins-septembre l'an de grâce 1631, et de notre règne le 22. Signé Louis, et plus bas, par le Roy, truction, du consentement et sur la réquisition DE LOMÉNIE. » de son procureur général, auquel et au doyen de Laditte cour, laditte interdiction en cassation desdits arrest avoient été bien et duement signifiée par l'un des huissiers dudit conseil; qui est indirectement arrester le jugement dudit proces et

L'an mil six cent trente et un, le 19° jour de septembre j'ay, huissier ordinaire du Roy en ses conseils d'Etats et privés, montré et signifié l'original de l'arrest et commission dont coppie

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