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est cy-dessus transcritte, et baillé la présente copie à M. Molé, conseiller du Roy en ses conseils, et son procureur général au parlement de Paris, parlant à monsieur François Talon son secraitaire, en son hôtel et domicile, rue Sainte-Croix de la Bretonnerie; auquel ay donné assignation à comparoître en personne et à quainzaine au conseil d'Etat de Sa Majesté là par où il sera, pour répondre et procéder aux fins dudit arrest, à ce que du contenu en yceluy il ne prétende cause d'ignorance, lequel M. François Talon m'a dit ledit sieur procureur général être en sa | maison de Champlatreux. Signé QUINQUEBEUF.» Lequel arrêt lui ayant été signifié le 19 du même mois, il s'efforça d'en éviter l'exécution, et pour cet effet donna charge à Franchot son substitut, qui servoit en la chambre des vacations pendant son absence, de faire remontrances sur le sujet dudit arrêt, s'imaginant qu'il interviendroit arrêt en la chambre des vacations, portant que très-humbles remontrances seroient faites sur le sujet de ladite interdiction par quelques députés, et cependant que défenses lui seroient faites de comparoir. Mais cela ne réussit | pas comme il l'avoit proposé, parce que M. de Bellièvre, qui servoit sa semaine, ne trouva pas bonne la proposition que lui fit Franchot, substitut. Il se chargea d'écrire à M. le garde des sceaux de Châteauneuf son parent; et par effort il éluda le dessein de M. Molé, procureur général, lequel depuis ce temps a conservé la mémoire de cette injure, et n'ont pas été meilleurs amis; de sorte qu'il fut obligé d'aller à Fontainebleau, où il fut bien reçu, et sans autre procédure judiciaire. Sa présence et sa gravité naturelle, dont il ne rabattit rien dans ce rencontre, lui firent obtenir arrêt de décharge. Eusuite, la Sainte-Martin étant échue, je fus reçu en ma charge le 15 novembre 1631, dans la grand'chambre, seul, sans interrogat ni autre cérémonie. En un mème jour mes lettres furent présentées, mon information faite, et le serment prêté.

J'ai eu le malheur qu'en entrant dans le parquet j'ai trouvé les maximes de courage et de sévérité endormies. J'eus pour collègues deux hommes illustres, savoir: M. Bignon, avocat général, l'un des plus savans hommes de son siècle, et universel dans ses connoissances, mais d'un naturel timide, scrupuleux et craignant de faillir et offenser, lequel, quoiqu'il n'ignorât rien de ce qui se devoit et se pouvoit faire en toutes sortes d'occasions publiques, étoit retenu de passer jusques aux extrémités, de crainte de manquer, et d'être responsable à sa conscience de l'événement d'un mauvais succès.

M. Molé, procureur général, avoit beaucoup d'intégrité dans ses mœurs, de générosité dans l'exercice de sa charge, et d'expérience qu'il avoit acquise pendant dix-sept ans qu'il l'avoit exercée : mais l'injure qui lui avoit été faite à Fontainebleau fut suivie de la persuasion de M. de La Meilleraye, son ami, cousin de M. le cardinal de Richelieu, lequel lui remontra que dans cette contradiction affectée il ne feroit rien ni pour l'Etat, ni pour le parlement, ni pour luimême; qu'il étoit besoin de s'accommoder à la nécessité des affaires présentes et à l'ordre du gouvernement public; qu'il suffisoit d'avoir fait ce que l'on avoit pu, mais que personne n'étoit obligé de se perdre ; que nous vivions dans une monarchie en laquelle, après avoir fait entendre au Roi ses raisons et résisté avec honneur, qu'enfin il faut obéir; qu'après tout sa résistance et son procédé lui seroient imputés à faction; que la liaison d'amitié publique qu'il avoit eue avec messieurs de Marillac seroit estimée être le sujet de sa contradiction. Il déféra à ces raisons, et commença à rabattre quelque chose de son ancienne sévérité; à quoi j'ai perdu beaucoup, parce qu'entrant dans le parquet j'avois besoin de bons maîtres pour m'instruire dans les maximes d'une condition qui m'étoit nouvelle, ne m'étant jamais avant ce jour appliqué à aucune connoissance des affaires publiques.

[Le 14 novembre, sur ce que la cour avoit eu avis qu'en vertu d'une déclaration du Roi non vérifiée au parlement, se devoit faire levée d'un double droit sur les lettres scellées en la petite chancellerie, fut rendu un arrêt qui surseoit cette levée de nouveaux impôts; et le 15 du même mois survint un arrêt qui faisoit deffense de lever lesdits nouveaux droits.

Mais le 1er décembre de la présente année, le procureur général du Roi apporta en la cour lettres de cachet du Roi pour empêcher les délibérations du parlement au sujet desdits nouveaux droits. Néanmoins la cour rendit un arrêt par lequel itératives deffenses furent faites verbalement, de recevoir ledit impôt et que remontrances en seroient faites au Roi.]

Le lundi 24 novembre 1631, fut faite publiquement en la grand'chambre l'ouverture des audiences.

Le mercredi 26, fut faite la mercuriale, en laquelle M. le premier président nous ayant excités de faire nos charges avec probité principalement, et nous ayant dit que l'éloquence la meilleure étoit celle qui étoit revêtue du fonds d'une bonne conscience. M. Bignon lui répondit par un discours général de la différence qu'il y a entre les remontrances publiques, qui s'adressent aux

ministres de la justice, et les discours qui se font dans un sénat ; qu'aux uns la parole est nécessaire, aux autres la vérité et les essences des choses toutes pures pour cela l'on fait lecture des termes de la loi, laquelle donne d'elle-même des instructions suffisantes là où les étrangers, ceux qui sont instrumens ou sujets de la justice, sont obligés de considérer la loi, et outre la loi l'interprétation d'icelle, qui dépend de l'autorité des juges.

Puis il a dit que l'on peut bien en son particulier quitter l'habit et les marques de sa magistrature (in privato toga tormentum deponitis, dit Tertullien), mais il n'est pas permis en aucun endroit d'abandonner l'esprit de la magistrature: il le faut conserver partout, afin que les intérêts particuliers de nos personnes ne nous fassent pas manquer aux devoirs de nos charges. Auquel propos il a rapporté ce qu'il y a dans le registre de la cour de l'an 1555, lorsqu'en l'audience publique de la grand'chambre l'on demandoit la rétention d'une cause évoquée et renvoyée sur une requête civile obtenue contre un jugement du grand conseil; car, bien que le défendeur n'insistât pas pour empêcher la rétention, M. le procureur général s'y opposa, remontra que telles évocations et distractions de ressort étoient choses extraordinaires, contre le cours ordinaire de la justice, qui aboutissoient à un déréglement et translation de jugement qui ne devoient point être autorisés de sorte que sur son réquisitoire intervint arrêt par lequel le demandeur en rétention fut débouté, tant le parlement étoit religieux en moindres choses, lesquelles semblent toucher l'intérêt de la compagnie, et l'intérêt des particuliers membres de cette compagnie. Ainsi qu'une voûte bien hardie, de laquelle les pierres, bien cimentées par la liaison qu'elles prennent ensemble, se fortifient et se consolident de telle sorte qu'elles ne tendent plus à leur centre naturel, mais sont plus fortes et plus solides que le sol et le fond le plus ferme qui se puisse imaginer; les etoiles fixes jettent plus de feux que les errantes, elles les jettent plus droits, etc.

Le même jour, nous sommes entrés tous trois

(1) Voici une autre rédaction de ce passage:

La troisième étoit la plainte qu'ils étoient obligés de faire d'une exécution nocturne faite depuis peu en la Grève, de l'ordre des mêmes commissaires, qui ont fait prendre deux hommes accusés de fausse monnoye sur le inmuit, violant par ce procédé l'autorité royale, l'ordre de la justice et la sûreté publique.

Et encore qu'il y ayt plus à la cour d'ordonner trèshumbles remonstrances être faictes au Roy par écrit, touchant les commissions extraordinaires, même à l'égard de celle qui s'exerce en l'Arsenal, néanmoins cette dermere action étant si préjudiciable au repos des sujets du Roy, qu'il sembloit qu'une action si indécente pourroit

en la grand'chambre après la mercuriale, où M. Bignon a dit que trois différens sujets procédant d'une même cause nous obligeoient d'y entrer, pour faire entendre à la cour que la commission extraordinaire qui s'exerce dans l'Arsenal non-seulement pour le jugement des prisonniers de la Bastille, mais même pour le crime de fausse monnoie, faisoit naitre diverses occasions de plaintes, dont l'une regarde le lieutenant général du bailli du Palais, premier juge du ressort de la cour, prisonnier dans la Bastille de l'ordonnance des mêmes commissaires, lesquels lui veulent faire son procès, bien qu'il soit officier du Roi, qu'il ait le serment à justice, et qu'il ne soit responsable de ses actions qu'en cette cour; et ce principalement que le crime duquel l'on dit qu'il est accusé n'est pas de complicité ou de fabrication de fausse monnoie, mais d'une faute que l'on dit qu'il a faite en l'exercice de sa charge. C'est pourquoi par sa requête il demande être reçu appelant, [que les informations faites contre lui fussent apportées au greffe de la cour, avec deffenses auxdits commissaires de passer outre.]

L'autre concerne une violence que l'on dit avoir été commise, ce matin, en la personne du greffier du bailliage du Palais, lequel a été enlevé de sa maison, et traduit par un huissier du conseil et par un des lieutenans du chevalier du guet, de l'ordonnance des mêmes commissaires, pour n'avoir pas voulu porter en leur greffe les procédures criminelles faites contre un particulier accusé de fausse monnoie, prisonnier en la Conciergerie du Palais.

La troisième regarde certaine exécution nocturne (1) faite depuis huit jours, en l'une des places publiques de cette ville, de deux hommes condamnés à mort par jugement des mêmes commissaires en quoi la cour, ce semble, a de grands avantages pour faire entendre au Roi, par des remontrances tant de vive voix que par écrit, l'intérêt qu'il a de ne pas commettre son autorité entre les mains de personnes qui en abusent, et lesquelles, agissant par des voies extraordinaires et insolites, rendent non-seulement leur ministère faire connoître au dit seigneur Roy les inconvéniens des dites commissions extraordinaires et combien elles étoient contraires à son service, pour recevoir en bonne part les avis de la compagnie et luy donner occasion de révoquer la dite commission. C'est pourquoi ils demandent que remonstrances de vives voix soient faittes au Roy, et cepandant deffenses aux commissaires de passer outre en l'instruction et jugement du procès du lieutenant général du bailliage du palais, n'y de contraindre le greffier du bailliage, et que les charges et informations faites contre le dit lieutenant général fussent apportées au greffe de la cour; et à cette fin le greffier de la dite commission contraint par toutes voies dues et raisonnables.

odieux, mais font tort à la puissance royale, de laquelle ils disent avoir le caractère, laquelle se rend méprisable entre leurs mains, le peuple ne pouvant s'imaginer que des actions justes cherchent les ténèbres, et que les supplices qui sont faits pour l'exemple se fassent en un temps auquel ils n'en peuvent produire. La nuit, qui est le temps du repos, qui doit être le relâche des plus misérables, a été choisie pour le temps d'une exécution de justice : si que, chacun facilement s'est persuadé que c'étoit une violence et un désir de faire en cachette ce que publiquement l'on n'eût osé entreprendre; si que les hommes, au lieu de recevoir quelque utilité de cette action, savoir en consolation aux gens de bien qui louent la justice exemplaire, et les méchans qui se corrigent par l'appréhension du supplice, au contraire les gens de bien s'en sont affligés et ont conçu une terreur raisonnable fondée sur la forme extraordinaire de ce procédé, et les méchans se sont imaginé que cette exécution n'étoit pas la punition d'un crime, mais l'exercice d'une vengeance particulière : en quoi le parlement n'ayant autre intérêt que celui de l'autorité du Roi, laquelle est d'autant plus puissante, plus elle s'établit par les voies légitimes et par la bienveillance de ses sujets, il sera facile de lui faire entendre que l'introduction de telles commissions, outre qu'elles sont en soi contraires aux lois anciennes de l'Etat, l'exécution d'icelles est odieuse, laquelle ne peut aboutir qu'à débaucher et altérer les esprits des sujets du Roi.

[Arrêt au sujet de la commission extraordinaire de l'Arsenal pour jugement de quelques criminels et une éxécution de criminel faite

la nuit.

Du 28 novembre 1631.

« Ce jour, la cour, toutes les chambres assemblées, délibérant sur la plainte faite par les gens du Roy, le 26 du présent mois, d'une exécution nocturne faite depuis peu, en la Grève, de l'ordre des commissaires qui exercent justice en l'Arsenal, qui auroient fait pendre deux hommes accusés de fausse monnoye sur le minuit, violans par ce procedé l'autorité royale, l'ordre et la justice et la sûreté publique. Encores qu'il ayt plust à la cour d'ordonner très-humbles remontrances étre faites au Roy par écrit touchant les commissions extraordinaires, même à l'égard de celles qui s'exercent au dit Arsenal, cette dernière action étoit si préjudiciable au repos des sujets du Roy, qu'il sembloit qu'une action si indécente pourroit faire connoître au dit scigneur Roy les inconvéniens des dittes commis

sions extraordinaires, et combien elles sont contraires au bien de son exercice pour recevoir en bonne part les avis de la ditte cour et lui donner occasion de révoquer la ditte commission, requéroient les dittes remontrances être faites et deffenses aux dits commissaires passer outre à l'instruction du procès qu'ils ont commencé à faire au lieutenant général du bailliage du Pallais; la matière mise en délibération : a arresté et ordonné que très-humbles remontrances seront faites au Roy par écrit sur le sujet des dittes commissions extraordinaires accordées par le dit seigneur tant aux juges de la chambre du domaine que de l'Arsenal, et à tous autres, et que ces messieurs Jacques Favier de Pannoye et Jacques de Laffemas, conseillers et maîtres des requettes ordinaires de l'hôtel du Roy, seront avertys par l'un des secrétaires de la dite cour de se trouver demain en ycelle pour être ouïs, toutes les chambres assemblées, sur le sujet de leur ditte commission. Cependant fait très-expresses inhibitions et deffenses aux dits commissaires procéder à plus ample exécution de leur commission jusqu'à ce que les dittes remontrances ayent été faites, ou qu'autrement par la cour en ayt été ordonne, et au chevalier du guet, ses lieutenants, archers, huissiers, sergeans et autres ministres de justice, mettre à execution les ordonnances et jugements des dits commissaires sous telles peines que la cour verra être à faire par raison. »]

En quoi il n'étoit pas juste que le parlement laissât son avantage, et qu'il manquât en cette occasion de faire entendre au Roi l'importance de cette affaire pour le point de son autorité, laquelle tant s'en faut qu'elle s'augmente par l'établissement de ces nouveaux juges, qu'au contraire ils servent au peuple de pierre d'achoppement, d'occasion de scandale et d'affeetation de violence. C'est pourquoi il étoit bien à propos de le faire entendre au Roi, et d'en faire article séparé et spécial dans les remontrances.

Et quant au bailli du Palais, il requéroit qu'il plût à la cour de travailler incessamment aux remontrances, et cependant ordonner que les charges et informations, si aucunes sont contre lui, soient apportées au greffe de la cour (1); et cependant défenses aux commissaires de passer outre à aucune instruction.

Et pour le greffier, défenses de l'emprisonner, défenses de porter ses minutes, défenses de traduire le prisonnier hors de la Conciergerie. Il

(1) Nota, qu'il le falloit recevoir appelant; mais messieurs mes collègues n'en furent pas d'avis. (Note d'Omer Talon.)

fut arrêté qu'il en seroit délibéré le lendemain, | mations seroient apportées, et le prisonnier toutes les chambres assemblées.

Et de fait, le lendemain jeudi 27 novembre, toutes les chambres furent assemblées pour déliberer sur trois propositions; et fut apporté en la grand'chambre, par M. le doyen, un arrêt du conseil daté du...., par lequel, le Roi étant en son conseil, cassoit un arrêt rendu au parlement le 15 du même mois de novembre, comme étant donné par juges incompétens et sans pouvoir; faisoit défenses d'en connoître, etc. Cet arrêt ayant été lu, messieurs envoyèrent au parquet, ou j'étois seul, M. le procureur général n'etant pas encore arrivé. J'entrai en la grand'chambre, où toutes les chambres étoient assemblees; et là M. le premier président me dit que le 15 novembre avoit été donné arrêt au parlement concernant la levée et imposition nouvelle de certains droits sur le sceau, pour raison de quoi le parlement avoit ordonné de faire au Roi de très-humbles remontrances pour lui faire entendre la conséquence de l'affaire ; et cependant qu'il seroit sursis à la levée du droit, et que les lettres seroient scellées selon la taxe ancienne; que cet arrêt ayant été porté au roi, il en avoit rendu un autre dans son conseil, portant cassation avec termes rigoureux, afin que nous le vissions, et prendre conclusions convenables à la

matière.

Je priai M. le premier président qu'il trouvât bon que je prisse l'arrêt, que je l'emportasse pour le communiquer à messieurs mes collègues, s'ils venoient au parquet. Ainsi m'étant retiré dans le parquet, et ayant lu cet arrêt, M. le procureur général y arriva, avec lequel ayant parlé et conferé de la matière, il fut avisé de requérir que les remontrances tant de fois proposées et resolues fussent exécutées promptement, et cependant que les procureurs de communauté seroient mandés, afin de surseoir l'expédition de toutes sortes de lettres jusques à ce que l'affaire eut été accommodée.

Nous sortimes du parquet, résolus de venir le lendemain au Palais de bonne heure, M. le procureur général et moi, pour reporter cet arret dans la grand'chambre, avec nos conclusions: mais M. le procureur général bailla ses conclusions par écrit, conformes à ce qui avoit été résolu le jour précédent.

Le vendredi 28 novembre 1631, fut parachevée la délibération commencée le jour précédent touchant les trois points ci-dessus, et fut arrêté de recevoir Gillot, lieutenant général du baillage du Palais, appelant des procédures contre lui faites; le tenir pour bien relevé; défenses aux commissaires de passer outre, que les infor

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amené en la Conciergerie du Palais. Puis fut arrêté, par une autre délibération, que très-humbles remontrances seroient faites au Roi sur le sujet des commissions extraordinaires; et cependant que les commissaires qui ont l'honneur d'avoir séance au parlement, comme sont aucuns de messieurs les maîtres des requêtes, seront invités de venir prendre leurs places pour conférer sur l'examen desdites commissions, et cependant qu'il seroit sursis à l'exécution d'icelle commission. Défenses à tous officiers et ministres de la justice d'obéir auxdits commissaires, | ni d'exécuter leurs jugemens.

Le lendemain 29 dudit mois de novembre, qui étoit un samedi, fut commencée une autre délibération touchant l'affaire du sceau et les impositions nouvelles établies sur icelui; laquelle délibération continua jusques au lundi ensuivant, premier jour de décembre, auquel M. le procureur général reçut lettres de cachet du Roi adressantes au parlement, par lesquelles le Roi lui mandoit de surseoir toutes délibérations sur peine de son indignation, et lui envoyer incontinent faire les remontrances ordonnées par M. le premier président, M. de Bellièvre, et six de messieurs les conseillers; mandoit outre plus à M. le procureur général de lui donner avis, par un courrier exprès, de ce qui auroit été fait ce jour-là au parlement. Nonobstant laquelle lettre de cachet, la délibération ayant été poursuivie, il fut arrêté que les remontrances ordonnées seroient faites au Roi, et cependant que les audienciers, contrôleurs et secrétaires seroient mandés au premier jour; auxquels itératives défenses seront faites verbalement de contrevenir audit arrêt du 15 novembre, et de prendre pour le sceau des lettres de la petite chancellerie autres droits que les anciens; et outre que, suivant la lettre de cachet du Roi apportée par M. le procureur général, que M. le premier président, M. le président de Bellièvre et six de messieurs se transporteront vers le Roi pour lui faire entendre le sujet des délibérations et assemblées, et le supplier de donner du temps à la cour pour rédiger par écrit les remontrances ordonnées lui être faites.

Les jours de mardi, mercredi, jeudi et vendredi, il y eut audience ès grand'chambre, tournelle, et l'édit, èsquels je rendis service à cause de l'indisposition de M. Bignon, mon collègue. Mais le vendredi 5 décembre (1), au

(1) Ce jour, messieurs les députés des chambres des enquêtes ont prié M. le premier président d'assembler Its chambres, sur ce que, au préjudice de l'arrêt donné sur la requête du lieutenant général au bailliage du Palais, les

les députés des enquêtes entrèrent en la grand'chambre pour savoir pourquoi la délibération du 28 novembre n'étoit point signée de M. le premier président, ni mise dans les registres; sur laquelle proposition mondit sieur le premier président leur promit de leur donner contentement (1).

paravant l'audience de la tournelle, messieurs, l'ayant accordée, lorsqu'ils commençoient à délibérer sur la proposition concernant l'exécution de la délibération du 28 novembre et la signature d'icelle, fut apporté un arrêt du conseil du Roi qui cassoit celui qui avoit été rendu au parlement concernant l'affaire de Gillot, lieutenant général du bailliage du Palais, par lequel il étoit reçu appelant, etc.; et par cet arrêt du conseil le Roi cassoit l'arrêt du parlement, comme rendu par juges incompétens et sans pouvoirs, avec défenses de connoître l'affaire ; enjoint aux commissaires de passer outre; défenses aux huissiers de mettre semblable arrêt à exécution.

Il se passa le samedi jour de Saint-Nicolas, le dimanche 7 du mois, le lundi jour de NotreDame, pendant lesquels le Roi étant averti du | mouvement de messieurs des requêtes, envoya lettres patentes au parlement portant interdiction de s'assembler, défenses de mettre en délibération telles affaires, avec injonction de faire les remontrances; et pour cet effet d'envoyer incessamment leurs députés pour les faire de vive voix, défendant de les faire par écrit, comme étant choses défendues par les ordonnances.

Sur la teneur desquelles lettres, M. le premier président ayant assemblé chez lui M. le président de Bellièvre, M. le procureur général et M. de Bullion, il fut trouvé entre eux que le remède étoit pire que la maladie, et que la présentation de ces lettres ne pouvoit apporter que de la chaleur et de l'altération fort grande dans les esprits de messieurs: si bien qu'il fut avisé entre eux de surseoir la présentation de ces let tres, et que cependant M. de Bullion écriroit à la cour, et se chargeoit d'en avoir réponse.

Si bien que le lendemain mardi 9 décembre, M. le premier président étant en sa place, et apercevant M. Tuder, doyen de la première | chambre des enquêtes, qui passoit dans la grand'chambre, il le pria d'avertir messieurs des enquêtes qu'il avoit reçu nouvelles de M. le garde des sceaux, par lesquelles il lui mandoit que le Roi seroit incontinent de retour à SaintGermain ou à Paris, auquel lieu il désiroit entendre les remontrances du parlement; et pour quoi faire, lui qui parloit (savoir le premier président) alloit se préparer pour satisfaire à la délibération de la compagnie; au moyen de quoi s'étant retiré, l'audience fut tenue par M. le président de Bellièvre.

Le mercredi matin 10 décembre, messieurs les députés des enquêtes ayant demandé l'assemblée des chambres, M. le premier président

commissaires de la chambre de l'Arsenal ne délaissent de

passer outre. M. le premier président leur auroit dit que ledit lieutenant avoit baillé sa requête pour contraindre le greffier des commissaires d'apporter les charges. (Note

d'Omer Talon ).

(1) Cet arrêté fut exécuté, à l'égard des secrétaires du Roi, le mercredi 3 décembre, toutes les chambres assemblées. (Note d'Omer Talon, oubliée par les derniers éditeurs).

Sur quoi messieurs délibérèrent jusques à dix heures ; et l'assemblée étant remise au lendemain jeudi matin, M. le procureur géneral, entre les mains duquel cet arrêt du conseil étoit demeuré, lequel s'imaginoit que si les choses passoient plus avant l'on lui imputeroit de n'avoir pas fait ce qui lui étoit ordonné, se résolut, craignant la garantie, de présenter ces lettres au parlement. Et de fait, le jeudi 11 décembre (2), il entra le matin en la grand' chambre, et porta ces lettres sur le bureau, sur lesquelles messieurs ayant délibéré, lorsque toutes les chambres furent assemblées, ils résolurent de les rendre à M. le procureur général, et nonobstant icelles de parachever la délibération commencée, laquelle ils remirent au lendemain.

Et le lendemain 12 décembre, ayant délibéré toute la matinée, il fut résolu que la délibération du 28 novembre seroit signée; que trois des officiers servant en la commission, savoir, messieurs Favier, Cuqueville et Laffemas, seroient mandés pour venir prendre leurs places en la grand'chambre, et que lorsqu'ils y seroient M. le premier président leur diroit que la compagnie a arrêté de faire au Roi des remontrances sur le sujet des commissions extraordinaires; et cependant qu'il sera sursis à l'exécution d'icelles; qu'ils ont été mandés pour leur faire entendre l'intention et la volonté de la cour, à ce qu'ils aient à y prendre garde et y satisfaire, d'autant que la cour par son arrêt a déclaré et déclare toutes les procédures faites devant eux nulles, de nul effet et valeur; leur fait défenses de procéder plus avant, à peine de tous dépens, dommages et intérêts des parties, même en leur travailleront, et contre leurs héritiers. Voici le propre et privé nom, contre les officiers qui y texte de l'arrêt :

Arrêt contre la commission extraordinaire de

(2) Délibérations parachevées sur la commission extraordinaire de l'Arsenal. (Note d'Omer Talon).

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